Non, les hommes préhistoriques n'étaient pas tous des êtres sanguinaires et décérébrés, ne cherchant que violence, nourriture et plaisir charnel en se promenant dans les jungles luxuriantes du Poitou Floridien (je suis nul en histoire, mais certain que les régions étaient accolées à l'époque).
Parmi eux, il y a avait aussi des gens sensibles, des passionnés de peintures rupestres. Des hommes qui aimaient à célébrer, le soir venu, leurs journées de vie chèrement défendues en peignant des fresques monumentales sur les murs de leurs cavernes.
Prehistories, le tout dernier jeu du clan The Flying Games, vous offre l'incroyable honneur d'incarner ces grands créatifs, dans un petit jeu d'optimisation mêlant observation et anticipation, tout en n'oubliant pas d'inclure une dose de hasard propice à créer une ambiance moins sérieuse et à niveler les chances de chacun.
Et une fois n'est pas coutume, je vais commencer par la conclusion, car c'est vraiment une belle découverte. Prehistories est pour moi le type de jeu familial parfait pour faire découvrir la course à l'objectif et le placement de tuiles aux plus jeunes. Ne cherchez pas ici une réflexion débordante ou un jeu éminemment calculatoire.
On est avec Prehistories sur un jeu "casual", qui joue de sa mécanique principale (des enchères secrètes) pour créer de la tension fun, des retournements de situation à foison, tout en permettant une petite dose de stratégie à long terme et des coups savamment orchestrés.
Qui dit jeu familial, dit règles qui s'expliquent en deux coups de fémur de brachiosaure, et un but limpide : Être le premier à se débarrasser de ses 8 jetons totems, en essayant de reproduire sur son plateau "mur" personnel des contraintes tirées aléatoirement en début de partie.
Mais avant de dessiner, il faut trouver l'inspiration. Et pour cela rien de mieux que des parties de chasse journalières pour voir le monde, remplir vos zones corticales de souvenirs et ramener de gentils animaux, que vous aurez au préalable soigneusement tabassés avec votre gourdin pour en faire des tuiles polyominos décoratives.
De la réussite de ces sorties va dépendre le nombre de tuiles que vous allez récupérer à chaque fin de tour de jeu. Et c'est là où cela se complique.
Car tout d'abord, chaque zone de chasse du plateau commun n'est visité que par un seul animal à chaque tour, ce qui fait que seul le premier joueur à l'atteindre peut récupérer un précieux butin. Le second problème vient du fait que plus l'animal est costaud, plus le groupe de chasseurs que vous envoyez doit être puissant pour réussir à le convaincre de venir décorer votre intérieur.
Un certain équilibre est donc à trouver lors de la sélection (faces cachées) de votre groupe d'aventuriers. Une valeur totale faible assure de jouer dans les premiers du tour, mais en obligeant à se diriger vers les animaux les plus faibles.
À l'inverse, miser gros, c'est s'offrir la possibilité d'attaquer plusieurs zones de chasses, voir un animal légendaire ... mais en risquant de voir toutes les zones pillées au préalable.
Quelque soit votre choix, tout passe par un deck de douze cartes chasseurs infrangibles et identiques pour chaque joueur. On utilise et déroule d'ailleurs son paquet dans Prehistories comme dans un deckuilder classique, à la subtilité prêt que l'on pioche entre chaque tour un nombre de cartes suivant le résultat de notre chasse, allant de 3 cartes si l'on rentre bredouille de notre périple, à aucune si au moins deux de nos groupes de chasseurs reviennent blessés.
Je ne vais pas revenir sur l'ensemble des règles, Prehistories intégrant son petit lot de subtilités (notamment concernant la pose des tuiles sur son mur). Mais elles sont simples à appréhender, et un tour suffira aux joueurs les moins aguerris pour prendre en main le jeu.
Prehistories est une réussite, indéniablement, d'autant plus que la réalisation est irréprochable. Que ce soit les illustrations sublimes de Camille Chaussy (Grand Bois, L'île de Pan), le plateau commun coloré et ultra lisible, les plateaux à double couche facile d'utilisation (surtout pour les plus jeunes), les polyominos animaux super "cutes", les livrets de règles tout beaux tout clairs, tout donne envie de jouer et ne manquera pas de faire son petit effet une fois posé sur une table.
Et côté re-jouabilité, rien à redire non plus, Prehistories offre assez de variabilité dans ses objectifs aléatoires, tout en ajoutant un deuxième niveau de difficulté pour les plus téméraires, pour enchaîner les parties sans trop de redite, surtout qu'il est quasi impossible de subir le même déroulé vu que le jeu intègre une part de hasard non négligeable.
Alors oui, c'est vrai qu'en temps normal, le hasard est une composante qui ne plait pas au joueur cartésien que je suis. Mais franchement, quand il apporte une aussi bonne dose de fun à un jeu familial, tout en laissant la porte entrouverte à une réflexion aussi maline, et ce que l'on soit petit ou grand, je pense qu'il serait dommage de se priver !