Les jeux de mémoire, ce n'est pas que pour les enfants. Et The Last Doge a bien l'intention de vous en (re) convaincre en mêlant cette mécanique que 99% des plus de 20 ans ne supportent plus (dégénérescence mentale enclenchée oblige) avec un jeu d'exploration et de déduction avec grosse dose d'interaction incluse.
Votre terrain de jeu prend la forme ici d'un ensemble de tuiles rectangulaires face cachée dont on sait une chose au départ, c'est qu'il y a autant d'occurrences de chaque tuile que le nombre inscrit dessus (7 éléments numéro 7, 2 éléments numéro 2, etc...). À noter qu'une de ces tuiles se retrouve au départ sous la tuile trésor centrale, et il appartiendra à chacun de vous de tenter de découvrir sa valeur, à la fois pour remporter 4 points précieux, mais aussi pour déclencher la phase finale.
Mais avant cela, il va falloir découvrir ce Venise post-apocalytique.
Un tour de joueur consiste toujours à jouer une carte Action avant ou après l'une des trois actions principales du jeu. L'action que vous ferez le plus souvent sera d'Explorer, qui consiste ici à consulter secrètement deux tuiles face caché, en reposer une avec votre personnage dessus, et révéler l'autre à son emplacement tout en déclenchant son éventuel effet.
L'éventail des icônes possibles est vaste. Vous pouvez tirer une carte Action de la pioche, vous saisir d'une carte artefact (pouvoir permanent) du marché ou prendre un jeton trophée, qui fait office de point de victoire supplémentaire à la fin de la partie. Vous pouvez aussi déclencher une embuscade, ce qui coûtera un point de vie à chaque joueur orthogonalement adjacent. Mais vous pouvez aussi avoir la possibilité de jouer une de vos cartes action, voir de regarder la main de cartes d'un adversaire et de lui en voler une !
Deux autres choix s'offrent à vous durant votre tour.
La première est de Piocher deux cartes actions. Celles-ci sont importantes, puisqu'en plus de vous offrir des bonus immédiats ou temporaires puissants quand vous les jouez, elles vous servent de points de vie. Lors de chaque dégât subis, vous devrez faire le choix d'en défausser une, ou à défaut, offrir un de vos artefacts durement glanés à votre adversaire.
La deuxième possibilité reste de tenter de Deviner quel est le numéro sous la tuile trésor, sous réserve qu'au moins 3 cartes Quartier avec l'effet Artefact aient été révélées. Mais attention vous n'avez qu'une chance durant une partie : Échouez et vous devrez attendre qu'un autre joueur la devine, voir (dans l'extrême) que tous les joueurs aient fait une mauvaise proposition ou que l'on ne puisse plus consulter deux tuiles !
C'est là qu'intervient la phase la plus étonnante : La fuite. Une fois toutes les tuiles face visible retournées, les joueurs vont tour à tour devoir retrouver un enchainement de tuiles allant de 2 à 7 pour avoir le droit de comptabiliser leurs points. À chaque erreur, le marqueur du joueur est repositionné sur la dernière bonne tuile trouvée, les autres tuiles sont remises face cachée et le joueur doit se défausser d'une carte. ..
Si d'aventure à ce moment là il n'en a plus en main, il est malheureusement définitivement éliminé. Tous les survivants ont, eux, le droit de comparer leurs scores, qui consiste en l'addition des jetons Trophée accumulés, des points indiqués sur ses cartes Artefact et l'éventuel bonus du Trésor.
Aucun doute la dessus, The Last Doge apporte une vrai vent de fraîcheur. Du memory léger saupoudré de mécanismes Ameritrash, il fallait avoir l'idée, et l'ensemble se montre à la fois super grisant à découvrir qu'il se voit sublimé par un gameplay en deux phases offrant un changement de rythme appréciable et capable de relancer totalement le suspense de la partie.
Attendez vous aussi a prendre ... des wagons de balles et coups de sabre plus on moins perdus ! Si cela peut déstabiliser les plus sensibles, cela à le grand mérite d'animer vocalement une tablée déjà bien afférée à vanner régulièrement ceux qui revérifie toutes les dix secondes sur quelle valeur de tuile il se situe.
Et The Last Doge fait vraiment tout pour encourager les engueulades cordiales, que ce soit par les nombreuses cartes Action jouant d'effets directs, mais aussi en récompensant chaque agresseur d'un trophée, voir d'un deuxième si la victime n'avait plus de cartes Action en main. Quand on sait que la victoire se joue souvent à quelques points d'écart, il ne faut jamais hésiter à lâcher sa carte !
Reste à savoir pour qui est le jeu. Et c'est là où j'ai beaucoup plus de doutes.
The Last Doge est un jeu extrêmement simple dans son approche. Retourner deux tuiles (voir plusieurs si égalités) la majeure partie du temps, mémoriser quelques informations, déclencher des cartes agressives quand les circonstances le permettent ... on est clairement sur du jeu familial pur et dur. De là à jouer avec un grand marmot et belle maman ? Pas convaincu, autant pour le thème bien trop mature et sérieux pour cette cible, que les cartes bien trop chargées en texte pour ne pas nuire au rythme et ne pas perdre le tout venant.
Et je vous avouerai que dans le spectre opposé, avec une table de joueurs "confirmés", on a été plusieurs a ne pas s'amuser autant que le pitch laissait espérer.
Il y a déjà une mécanique de base un peu trop basique et soumise au hasard pour que l'on se sente maître de son épopée. Il y aussi ce manque un peu décevant d'informations cachées, qui fait que notre mémoire n'est jamais vraiment sollicitée ou que l'on puisse pas jouer assez de leviers sociaux comme le bluff ou la manipulation en partie. Et il y a surtout cette phase finale bien moins épique qu'attendue, car vous verrez qu'il est bien plus simple qu'attendu de retenir la position de 7 tuiles quand vous avez vu la majeure partie du monde quelques secondes avant.
Reste cet entre-deux, qui n'a pas envie d'un jeu trop cérébral, qui aime s'essayer à des jeux différents, et qui prendra un malin plaisir à tacler continuellement à la gorge un adversaire qui n'a plus de cartes Action (composante fun mais un peu trop atténuée par la repioche facile, dommage ...).
Cela n'empêche pas The Last Doge d'avoir toute sa place dans le paysage ludique actuel, car l'idée est foncièrement originale, et que l'on sent une vraie envie de créer un monde consistant (Lore derrière toutes les factions, vraie personnalité visuelle, cover sublime). Mais à mon avis vaut mieux l'essayer en amont pour être sûr que vous êtes le public idéal !