Vous dormez profondément. Un rêve doux vous envahit, mais vous remarquez progressivement que les événements s'emballent et qu'il vous est impossible de sortir par vous-même de ces songes tumultueux. Heureusement, votre salut pourrait venir de vos guides, et c'est là tout le concept de Rêvelune, le dernier jeu de la maison d'édition française Blam !, qui mêle déduction et narration dans un gameplay des plus surprenants.
Vous l'avez compris, Rêvelune est un jeu coopératif. Un joueur doit incarner le Rêveur, qui doit choisir avant la partie un lieu et un sujet parmi deux cartes Rêve tirées au sort, et tous les autres endossent le rôle de Guides en charge de le mener jusqu'au réveil. Comment ? En inventant chacun, à tour de rôle et dans l'ordre qui leur convient le mieux, la suite de son rêve sous contrainte d'une direction narrative secrète et d'un mot à insérer dans la narration à choisir parmi plusieurs (cartes Inspiration).
La longueur de l'intervention importe peu, et selon votre niveau et sa confiance en éloquence vous pourrez juste lâcher quelques mots ou à l'inverse raconter une histoire digne du Père Castor (désolé pour la référence pour les plus de 40 ans). Par contre la manière de le raconter est ultra importante, puisqu'une fois tous les Guides intervenus, le Rêveur doit tenter de deviner la direction narrative usitée par chacun en apposant devant chaque proposition la carte Rêveur qui lui semble correspondre.
Une fin de manche se déroule toujours de la même manière, en retournant deux à deux les cartes Rêveur et Guide faisant faces autour de la zone de jeu central. Si les directions narratives sont égales, le Rêveur poursuit sa route en permettant au Guide de tirer une nouvelle carte Inspiration. Dans le cas contraire, celui-ci est alors obligé de tirer une carte Emprise (contenant des mots plus compliqués à insérer) d'une pioche qui annonce l'échec du groupe si elle vient à disparaître totalement !
Une partie complète de Rêvelune se compose de 3 chapitres (sauf à 4 joueurs où il y en a 4) qui se clôt par un chapitre final au déroulement un peu différent. Les Guides tirent comme d'habitude une carte Guide chacun, mais doivent les retourner sur leur côté "Fin" puis se concerter pour choisir à la fois une des directions affichées (heureuse, poétique, banale, ...) et à la fois celui qui la racontera. Reste au Rêveur de la deviner, avec à sa disposition autant de possibilités qu'il reste de cartes Emprise dans la pioche générale pour trouver la porte de sortie de son très mauvais rêve !
Il n'y a pas de doutes : Rêvelune est un véritable OLNI (Objet Ludique Non Identifié). Et à ce titre peut chauffer autant le chaud et le froid selon les profils de joueurs et de caractères que vous avez à table.
Pour être totalement honnête, j'ai vu beaucoup de joueurs timides ou portés habituellement sur la logique et les cubes en bois être très mal à l'aise en jouant à Rêvelune. À contrario, j'ai aussi pu voir des grands enfants et des joueurs volontaires se mettre au défi avec grand plaisir, réussir à se lâcher totalement, jusqu'à créer des récits fantasques menant souvent à des vrais moments de liesse.
Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas besoin d'être un grand orateur pour jouer à Rêvelune, car l'important ce n'est pas de convaincre, mais de réussir à transposer une "émotion" compréhensible pour le joueur principal. Et pour les plus grands timides de la planète, il restera toujours le rôle du Rêveur où seul son sens de la déduction sera sollicité.
C'est peut-être là le seul défaut du jeu : Le fait de proposer deux expériences très contrastées, qui pourront laisser croire, selon les tablées, que le Rêveur "s'amuse" bien plus que des narrateurs trop en retrait. Ou à l'inverse, voir un meneur totalement dépassé par des Guides en roue libre pensant davantage à leur futur blockbuster que de sortir victorieux de son cauchemar grandissant ...
Ces trop grosses divergences de ressentis auraient pu être effacées en faisant en sorte que tous les joueurs profitent un peu des deux rôles en même temps. Mais est-ce que le jeu aurait été aussi facile d'accès ? Je n'en suis pas sûr non plus ...
Autre certitude (positive) en tout cas, le jeu permet de s'acclimater progressivement à son concept (en obligeant à rajouter de nouvelles cartes possibles au fur et à mesure de la partie), et s'avère surtout hautement configurable.
Pour sûr, il pourra sembler facile pour des cerveaux qui ont une vraie aisance avec les mots ou un sens aigu de la dramaturgie, car il est plutôt simple de simuler une description ou de forcer les traits pour faire passer des notions comme la tromperie ou le danger. Mais il suffit de modifier le deck de base en ajoutant quelques notions plus similaires, et vous êtes sûr que le Rêveur se grattera la tête plus d'une fois avant d'hésiter entre des notions comme Trouvaille, Transformation et Surprise !
Dans tous les cas, l'expérience est assez détonante, et même si je suis plus adepte de manipuler des cubes que des mots, j'ai pu me rendre compte qu'avec le bon "mood" et la bonne tablée, il y avait possibilité avec Rêvelune de partir au delà du monde ludique !
Je teste un nouveau système de notation avec :
- d'un côté un détail plus approfondi des composantes du jeu et une note de positionnement général la plus objective possible (sur 10)
- de l'autre côté une note totalement subjective (sur 10) sur mon plaisir de jouer et l'envie d'y retourner !