Le Tarot et la Guerre, deux passions mondiales qui n'avaient en apparence aucun rapport. Mais cela c'était avant Brian Boru : Haut Roi d'Irlande, un jeu de conquête sorti fin 2022 qui mêle, dans une fresque médievalo-celtique, contrôle de zones et ... jeu de plis !
Le nom n'a pas été choisit au hasard, non. Car le jeu tente de nous rappeler à la gloire de Brian Boru, un roi Irlandais qui a réussit à unifier l'Irlande aux alentours de l'an 1000. Ses atouts ? Une maitrise tactique inné sur le champ de bataille, mais aussi un vrai talent pour s'allier les familles influentes (par diverses alliances), tout en sachant très bien brosser l'Eglise dans le sens du poil par la construction de nombreux lieux de cultes.
Chaque joueur est amené dans Brian Boru (on va la faire courte) à diriger un noble écossais qui souhaite unir sa nation divisée en ralliant un maximum de Ri (clan slash village de l'époque), avec le but ultime de s'accaparer un maximum de majorités dans chacune des 8 grandes provinces de la carte commune.
Le système de jeu repose sur un nombre fixe de manches (dépendant du nombre de joueurs) qui débutent toutes par le tirage d'une carte rouge qui va décider du nombre d'envahisseurs Vikings à vaincre, et d'une carte jaune affichant la récompense gagnée par celui qui réalisera le plus d'alliances, les deux durant la manche à venir.
Vient ensuite cette fameuse mécanique de plis, initiée au départ par une phase de draft où chaque joueur reçoit un certain nombre de cartes, doit en choisir 2, passer le reste à son voisin de gauche et enchaîner ces deux dernières étapes jusqu'à avoir une main définitive pour la manche.
Chaque carte affiche une valeur unique allant de 1 à 25 et jusqu'à trois groupes d'icônes actions. Il y en a tout 4 couleurs de cartes, une joker et 3 principales (bleu, rouge et jaune) liées chacune à une des trois sections secondaires du plateau central que sont respectivement la zone de l'Église, la zone de combat et la piste de mariage.
Il y a autant de tours de jeu que les joueurs possèdent de cartes moins une (la dernière n'étant jamais jouée). L'honneur de débuter un pli revient à celui qui possède le marqueur ville active, qui doit sélectionner une ville disponible en jeu (en plaçant le marqueur dessus) et jouer une carte de la même couleur.
Dans le sens des aiguilles d'une montre, chaque joueur doit ensuite poser une carte, sans avoir l'obligation de jouer la couleur initiale ou de jouer une valeur supérieure même s'il le peut, jusqu'à la délibération du tour.
Celui qui pose la plus forte valeur de la couleur initiale (joker accepté) repart avec le jeu de marqueur ville active pour le tour suivant. Mais il gagne aussi le privilège d'exécuter le groupe d'icônes supérieur de sa carte, qui consiste la majeure partie du temps à placer un disque de sa couleur sur la Ri conquis.
Les "perdants" du pli eux peuvent effectuer l'un des cartouches d'icônes inférieures de leur carte. Tuer un certain nombre d'envahisseurs (en récupérant un certain nombre de jetons Vikings de la zone combat), monter sur la piste mariage ou placer des disques dans la zone Eglise, ... une variété d'actions qui auront un impact seulement lorsque la phase d'actions est terminée.
Nommée phase d'entretien, cette dernière phase impose de réaliser un état des lieux sur les quatre zones d'évolution du plateau central. Pour commencer, celui qui est le plus avancé sur la piste Mariage gagne la carte jaune du tour, ce qui lui confère en général des points de victoire immédiats et le gain de la ville libre de son choix.
Les mieux classés sur la zone de combat remportent eux des jetons de Renommé (permettant de gagner des points de victoire sous certaines conditions et en fin de partie) et des points de victoire, alors que ceux ayant excellé sur la zone de l'Eglise peuvent repartir avec des jetons Monastère, qui permettent de doubler la valeur d'influence d'une de leurs villes.
Reste ensuite à vérifier si chaque région du jeu atteint le minimum de villes occupées pour être revendiquée, et on attribue pour chaque région la tuile Revendication au joueur majoritaire (ou la change de main si un joueur a pris les devants durant la manche en cours).
Les manches défilent sur ce modèle jusqu'à ce que l'on ne puisse plus mettre de carte jaune en jeu, ce qui déclenche le décompte final. Chaque joueur ajoute alors a ses points intermédiaires la valeur des tuiles Revendication acquises en jeu plus une valeur dépendante du nombre qu'il occupe (barème inscrit sur le plateau). Il gagne aussi un point supplémentaire par jeton Renommée, s'il a le plus d'argent ou la possession du jeton Ville Active à la fin de la partie. Et s'il finit avec plus de points que les autres, il est nommé le nouveau Brian Boru de ces lieux !
Difficile de ne pas être ravi par Brian Boru quand on est, comme moi, friand des jeux de contrôle de territoires. Au delà de l'originalité du mélange, l'intégration d'une double couche draft slash jeu de plis apporte une vraie plu value en terme de prise de décisions et de choix tactiques dans les espoirs de conquête de chacun.
Si le source de votre réussite viendra principalement des villes, les auteurs ont eu la bonne idée d'offrir plusieurs moyens d'en obtenir afin de ne pas avoir un gameplay trop tributaire de la partie "cartes". Un choix assumé par la présence de récompenses même si on perd un pli, une façon judicieuse d'éviter un surplace dans son développement tout en évitant tout sentiment de frustration qui pourrait nuire à son plaisir de jeu.
Et c'est autant sa grande qualité que son plus grand défaut : La bienveillance globale du système qui ne donne pas à la partie "plis" la tension et l'importance qu'elle devrait avoir. Car si remporter un maximum de plis permet d'engranger rapidement des villes, le fait d'avoir des cartes presque toutes plus intéressantes que les autres fait que la défaite est quasi indolore en soi, et que l'on finit rapidement pas se concentrer sur la sélection des couleurs et des icônes de bas de cartes pour prendre la majorité sur des terrains qui peuvent s'avérer, eux, beaucoup plus glissants.
C'est là où il faut reparler de la zone de combat, un vrai game-changer si on ne s'y attèle pas sérieusement. Le souci ? Le fait que si l'ensemble de la tablée ne réussit pas à nettoyer la zone avant la fin de la manche, le joueur qui a récupéré le moins de jetons Vikings peut se voir ôter le contrôle de jusqu'à deux jetons de sa couleur chèrement gagnés.
Alors oui, cela rajoute une composante semi coopérative pas inintéressante à Brian Boru, mais oblige souvent à concentrer un peu de sa draft et plusieurs tours par manche à la guerre à l'envahisseur, faisant un peu perdre le fil d'une conquête qui s'avérait pourtant plus jouissive.
J'ai l'air déçu, mais rassurez vous, Brian Boru reste un très bon jeu, un titre pétri de qualités. La partie cartes reste très plaisante malgré tout, la multiplicité des pistes de "développement" apporte une belle profondeur à l'ensemble, il s'explique très vite et peut être jouer avec pas mal de monde, son design "particulier" lui donne un vrai cachet ... non, il n'y a aucun doute, il y a de quoi s'amuser avec Brian Boru, et il n'a vraiment pas usurpé la petite hype entrevue fin d'année dernière sur les réseaux. Même si je pense qu'avec un mix de mécaniques aussi prometteur, il y a encore un truc dingue à faire ...