
Ahhhhh la Terre... tant de richesses que se partagent bien trop de monde, trop de sublimes paysages qui profitent à bien trop d'âmes apaisées, et une diversité culturelle qui ne cesse de souffrir de l'absence de votre pensée unique qui serait tellement plus prolifique à l'Homme ...
Sachez que désormais, vous allez pouvoir révéler aux yeux de vos proches votre mégalomanie refoulée avec Conquêtes, qui n'est ni plus ni moins que le premier jeu réalisé en interne par Atalia Games. Le célèbre distributeur, qui nous avait pour l'instant surtout habitué à ramener par chez nous de petites perles ludiques (Underwater Cities, Ragusa, Rajas of The Ganges, Lorenzo le Magnifique ...), a décidé en cette fin d'année d'éditer ses propres idées. Et c'est Cesare Mainardi, le fondateur de la firme italienne lui-même, qui se colle le premier à l'exercice.

Ce titre devrait en tout cas rappeler des souvenirs aux anciens possesseurs du wargame "mainstream" le plus vendu dans le monde (je tairai son nom pour ne pas vous manquer de respect) : Conquêtes est un jeu de domination territorial, avec comme terrain de jeu notre chère planète bleue, où les joueurs vont devoir se mettre sur la tronche pour posséder le plus grand lopin de terre connecté.
Mais ici ni plateau, ni figurines ni dés à proprement parler, mais une jolie boîte contenant un mini poster planisphère de rappel et un jeu de 90 cartes. Chacune de ces pièces de jeu reprend un morceau de notre planète bleue (un pays ou un morceau de continent le plus souvent), tout en indiquant sa valeur de conquête et les régions limitrophes.
Parlons tout de suite du travail visuel, à la fois élégant et coloré, qui ne s'inscrit dans aucune époque particulière ou ne prend un parti historique. Le but ici est de jouer "à la guerre" en famille de manière aussi intuitive qu'amusante, et vous pourrez autant aller vous quereller avec les Vikings scandinaves que de faire L'Arc de Triomphe vôtre fief pour la prochaine décennie.

Conquêtes met l'accent sur l'accessibilité, avec une mise en place instantanée et des règles qui tiennent en quelques lignes. Les joueurs débutent leur partie avec 5 cartes chacun et jouent à tour de rôle jusqu'à épuisement de la pioche (sauf à 4 joueurs, où la défausse est mélangé pour prolonger le temps de jeu). À son tour, un joueur doit piocher une carte, puis choisir entre piocher deux cartes supplémentaires, mettre en jeu une nouvelle carte région ou attaquer une région limitrophe à l'un de ses territoires.
Les phases de combat sont ce qui fait indiscutablement le sel de Conquêtes, en apportant son lot de négociations et de menaces en tout genre. Ces phases sont rendues quasi obligatoires par le fait qu'une carte région (il existe trois exemplaires de chaque dans la boîte) ne peut-être présente qu'une seule fois sur la table au même moment. Si vous souhaitez étendre votre domination en Amérique du Nord et que par malchance un joueur a déjà un jeu l'Alaska, vous n'aurez pas d'autre choix que de tenter de lui ravir le territoire, même si vous possédez la carte dans votre main.
Un combat se règle en tout cas aussi vite que le partage d'une proie entre le loup dominant et ses louveteaux : L'attaquant prépare un certain nombre de cartes de sa main face cachée, le défenseur fait de même, puis on additionne toutes les valeurs des cartes en y ajoutant pour chaque camp sa région de départ (attaquante ou attaquée). Si l'attaquant remporte le combat, il peut ravir la carte ciblée à sa victime. Dans le cas contraire, le défenseur garde l'usufruit de sa région, au moins jusqu'à la prochaine offensive. Mais quelque soit le résultat, les cartes utilisées pour l'affrontement sont défaussées, et chaque joueur peut repiocher des cartes jusqu'à un maximum dépendant de son statut de victime ou bourreau.

Conquêtes fait dans le minimalisme, et le fait bien. Le concept s'appréhende en quelques secondes, les règles sont immédiates, ce qui n'empêche pas à Conquêtes de proposer une vraie tension, qui ne va cesser de croitre en même temps que les territoires de chacun viennent empiéter sur ceux de ses petits camarades.
Avec une interactivité aussi importante dans le plaisir de jeu, les parties à deux joueurs se montrent un peu moins convaincantes. Le jeu n'offrant pas de mécanique pour forcer des duels sur un terrain de jeu bien trop vaste, les joueurs peuvent vite se laisser aller à jouer dans leur coin, rendant l'expérience beaucoup plus solitaire et fade que sur des configurations plus élevées.
Mais à part ce petit couac, mécaniquement, cela tourne comme une horloge. Les parties sont fluides, les tours s'enchaînent rapidement, et la quasi obligation de se rentrer dedans créé une jolie ambiance autour de la table. Et malgré sa simplicité apparente, le jeu demande à faire de vrais choix stratégiques, que ce soit dans tactique de conquête globale ou le choix de ses cartes pour les conflits, dont la défausse peut avoir des répercutions sur vos offensives ou défenses suivantes. C'est simple non ?

Ne cherchez par contre pas ici un wargame pour gros joueurs, voir un jeu aussi "poussé" que Risk (ah mince je l'ai cité). Conquêtes ne propose pas plus qu'un petit jeu de "collection" stratégique et interactif dans un format réduit. Ce qui est déjà une belle réussite en soi.
Reste qu'il y a quand même un petit truc qui me chiffonne dans ce joli titre, c'est le défaut de lisibilité général des cartes. Chaque continent a beau avoir un code couleur à lui, chaque région être écrit plutôt clairement, les cartes sont tellement chargées visuellement qu'il est quasi impossible de vérifier la présence d'une carte chez un adversaire sans lui demander, voir se lever pour passer une tête derrière lui. C'est vraiment ballot quand on essaie d'être discret, ou de fomenter une stratégie sur le long terme à l'insu du plein gré de ses adversaires.
Et surtout, je ne comprends pas pourquoi les cartes n'ont pas été faites de manière à pouvoir les accoler parfaitement pour construire son territoire. Dans l'état, on passe notre partie à essayer de les superposer tant bien que mal pour avoir une vision de notre avancée, tout en essayant de ne pas trop cacher les points d'accès limitrophes afin de ne pas se gâcher des opportunités ou se faire piéger par la suite.
Cette ergonomie un peu défaillante se montrera souvent agaçante en jeu, mais ne viendra pas gâcher outre mesure vos parties rassurez-vous, même si j'ai eu la remarque de tous les adultes à qui j'ai pu faire essayer le jeu. Par contre je peux aussi vous dire que j'ai vu tous les enfants prendre un plaisir fou à jouer les maîtres du monde depuis le canapé du salon. Et ça c'est peut-être la seule vérité qui compte !

