
On a beau dire, la "hype", souvent décevante, parfois trompeuse, peut se montrer aussi très surprenante. Et si l'illustration bien trop héroïc fantasy de la boîte à mon goût et la non-envie de me recoltiner un énième jeu de duel à base de cartes numérotées n'avaient initialement pas fait entrer ce jeu dans ma shopping list de printemps, la "hype" entourant Riftforce depuis quelques semaines a finalement titillé ma curiosité et m'a contraint à acquérir ma propre copie. Pour une finalement très agréable surprise.

L'eau, l'air, la vie
Un jour, une force mystérieuse et incommensurable a commencé à surgir de fractures terrestres béantes et a bouleversé complètement les règles de notre monde. Depuis lors, des guildes se sont créées, ont appris à dominer cette énergie, et tentent désormais de créer les meilleures alliances pour devenir les plus puissants et prendre le contrôle de la planète.
Derrière ce pitch "épique" se cache un petit jeu de confrontation directe, dans lequel les deux joueurs doivent s'affronter de part et d'autre de 5 cartes "failles" afin de récupérer en premier 12 points de riftforce.
Mais avant de débuter les hostilités, chaque joueur doit choisir ses invocateurs. Il en existe 10 en tout, chacun lié à un élément de la nature et proposant une capacité particulière que l'on peut activer dès que l'on joue une carte élémentaire de la même couleur.

En début de partie, un invocateur est défaussé définitivement au hasard, les deux joueurs reçoivent aléatoirement un invocateur de départ, puis les sept autres sont placées faces visibles sur la table pour une phase de draft ouverte.
Une fois les "équipes" composées, les invocateurs sont placés de côté, et chaque joueur récupère les 7 cartes élémentaires (alternant trois valeurs - 5, 6 et 7 -) liés à chaque guilde pour composer son deck de départ. Une fois celui-ci bien mélangé, il reste à tirer 7 cartes pour composer sa main de jeu, et le duel peut enfin débuter.
Le déroulé d'une partie de Riftforce suit ensuite un rituel immuable, où chaque joueur doit réaliser à tour de rôle l'une des trois actions suivantes jusqu'à la victoire de l'un deux : Jouer, activer ou contrôler.
- Jouer permet de placer jusqu'à trois élémentaires de sa main de son côté de la faille présente sur la table. Ces élémentaires doivent tous avoir le même chiffre ou provenir de la même guilde (même couleur et symbole). Il est possible de jouer les cartes au devant de la même carte faille, ou les répartir une à une sur des sites adjacents.

- Activer permet de déclencher le pouvoir des invocateurs liés à maximum trois élémentaires placés autour de la faille. Pour cela, il faut au préalable se défausser d'une seule carte de sa main possédant soit le même chiffre, soit le même symbole.
Ces pouvoirs sont généralement de deux sortes : Placer des jetons dégâts sur un ennemi présent sur le même site (ou un site adjacent) ou déplacer la carte sont les actions majoritaires présents sur les cartes invocateurs, et l'on peut en retrouver deux sur le même invocateur.
Dans le cas où un élémentaire subit un nombre de dégâts égal ou supérieur à sa valeur, la carte est défaussée et l'attaquant gagne un point de riftforce (à comptabiliser grâce à la piste dédiée présent à côté de la faille générale).
- Contrôler à deux effets. La première, c'est de re-piocher des cartes depuis son deck jusqu'à avoir autant de cartes en main qu'en début de partie. La seconde, c'est de remporter un point de victoire pour chaque site où il n'y aucun ennemi et où on a au moins au moins un élémentaire en jeu. À noter que cette action ne peut être effectuée que si l'on possède moins de 7 cartes élémentaires en main.

Vaut mieux être terre à terre
Je ne sais pas si c'est la pandémie mondiale ou juste une coïncidence fâcheuse (pour les éditeurs qui espèrent toujours surprendre), mais pas un mois ne vient sans voir apparaître un jeu de duel, qui plus est d'affrontement direct. Si on a beau apprécié le concept, on est pas loin de frôler l'overdose, surtout quand la redondance de mécaniques éculées (gestion de main, contrôle de zones) se fait sentir, et que l'on attend fébrilement le nouveau concept qui révolutionnera le jeu pour 2 joueurs.
Pourtant, Riftforce, sans révolutionner le genre, va certainement trouver sa place, grâce à une simplicité d'accès qui cache une profondeur réflective assez incroyable pour le genre.
Le jeu a beau s'expliquer en cinq minutes et ne contenir finalement que trois actions et dix pouvoirs différents, Riftforce demande un minimum d'investissement si on ne veut pas se prendre une volée mémorable (je sais de quoi je parle, je me suis pris un 12/2 contre mon fils de 10 ans en la jouant en dilettant). A l'opposé d'un Schotten Totten où le fun vient d'un habile mix entre hasard du tirage et de stratégie "accessible", ici la victoire se dessine véritablement sur la capacité à créer des combinaisons entre les cartes, anticiper sa stratégie en fonction de son tirage et réagir aux actes de son adversaire.

La gestion de son équilibre (entre son attaque et sa capacité à encaisser les coups, ce qu'on aimerait jouer et ce que l'on peut décemment s'autoriser) est véritablement la clé du jeu, et l'on peut vite être mis en défaut par une phase de draft qui se montre presque déterminante. La constitution d'une mauvaise alchimie entre ses guildes, tout en laissant l'adversaire choisir celles qui sied le mieux à son style, est le meilleur moment pour briser un équilibre déjà précaire qui peut vite condamner votre partie.
Par contre, toute cette richesse participe beaucoup à la rejouabilité. Comme il est très peu probable que vous n'arriviez jamais à récupérer le même set de 4 guildes, vos parties vous obligeront toujours à un certaine créativité brisant la certaine redondance d'une mécanique de jeu plutôt simpliste dans le fond (dans le bon sens du terme).

Reste que la certaine exigence demandée par Riftforce fait peut-être autant sa force que sa faiblesse : Vous ne prendrez aucun plaisir à jouer contre une personne qui n'est pas de votre "niveau" ; Un joueur peut subir un effet boule de neige très désagréable si son adversaire réussit deux ou trois excellents coups à la suite ; Et le jeu ne se prête finalement à tout les publics, le choix esthétique n'aidant en plus pas à faire l'unanimité.
C'est d'ailleurs pour moi le seul gros défaut "notable" de Riftforce, si j'omets l'utilisation des jetons dégâts vraiment peu pratiques à la longue (un petit souci d'ergonomie que l'on peut heureusement gommer en utilisant des cubes d'un autre jeu).

Si les cartes sont plutôt joliment illustrées, et le matériel très correct pour ce type de jeu rapide et nerveux, le thème très "geek" ne donnera peut-être pas envie à une copine de passage ou son avocat commis d'office de se faire une petite partie pour tuer le temps. Dommage car, avec des mécaniques aussi "communes" et qui pouvaient se prêter à tous les aspects cosmétiques, il y avait peut-être possibilité de jouer la carte d'un sujet plus universel pour mieux vendre le jeu.
Les fans eux n'en auront bien sûr cure. Et vu le petit succès d'estime que Riftforce a déjà emmagasiné depuis sa sortie, et la probable arrivée d'extensions qui ne tardera pâs à naître (vu à quel point le jeu s'y prête), cela n'empêchera pas Riftforce de toucher son public sur le long terme.

