Stellar, c'est un petit jeu de collection sorti tout récemment qui (je le crains fort) est en train de passer comme une étoile filante au dessus du marché ludique actuel. Il faut dire que partager le même nom qu'une cryptomonnaie à la mode n'aide pas à se faire une place dans les recherches Google.
Et on ne peut pas non plus dire que l'éditeur a eu le nez creux en sortant un jeu sur l'Espace (qui ne fait déjà pas l'unanimité de base), et qui partage le même thème que The Crew, qui cristallise déjà toutes les attentions depuis des mois.
Pourtant, ce jeu, pour deux joueurs exclusivement, a quelques atouts dans sa manche, en commençant par son sujet limite contemplatif. Des astronomes se challengeant pour détecter les plus beaux corps célestes par une nuit étoilée. C'est mignon, limite enfantin, et le matériel joue la carte de l'onirisme à fond.
La boîte, compacte et affublée d'un magnifique montage de nuit, attire les regards. Les illustrations en mode "photo réalisme" sur les cartes, elles, en jettent encore plus, sans oublier de tenter de démocratiser leur sujet avec une petite phrase explicative discrète à l'attention des moins connaisseurs.
Mais le must, ce sont indiscutablement les plateaux individuels à base de cartes, dont l'assemblage forme un télescope. La très belle idée de mise en scène, qui donne un vrai cachet au jeu et qui donne vie à la table. Bon j'admets, faut prévoir de la place entre les cadavres de bouteilles, et c'est un peu chiant à construire.
Mais on oublie vite ces désagréments, car le rendu final est visuellement super agréable, limite relaxant, et on se sentirait presque propulsé au pays du Petit Prince (le copain renard en moins). Stellar, c'est un vrai parti pris qui change, et une fois le jeu déballé, on pourrait presque se laisser aller à une méditation profonde.
Juste dix secondes. Car Stellar, avant d'être beau, est avant tout un jeu calculatoire, qui va vous demander de vous employer un minimum cérébralement.
Comme évoqué plus haut, la base est pourtant très classique. Une partie se joue en onze tours. Le but du jeu, c'est de marquer le plus de points, en suivant trois "schémas" particuliers et en jouant des cartes pouvant scorer de deux manières, chiffre et couleur. Une rivière commune de cinq emplacements numérotés sert de vivier pour la récupération de cartes, et est complétée à chaque fin de tour. Les deux joueurs débutent la partie avec deux cartes en main et en jouent alternativement deux.
Le jeu intègre néanmoins deux mécaniques particulières qui vont complexifier cette expérience.
La première, c'est la gestion imposée d'un double plateau. Chaque joueur doit en effet gérer deux zones de jeux simultanément durant sa partie. D'un côté, on a le fameux télescope, sur lequel on pose directement des cartes, qui apporte des contraintes de contiguïté de couleurs et qui offre des points aux joueurs qui a le plus gros total chiffré par section (et dix points si vous avez au moins un astre de chacune des cinq couleurs du jeu).
Et de l'autre côté, il y a le cahier d'observation, vierge au départ, où l'ont doit ranger les cartes par couleur. Et il faut aussi être lucide ici, car plus vos réalisez de grosses chaînes de chiffres consécutifs (genre 3-4-5 violet), plus vous bénéficiez de multiplicateurs importants pour les étoiles présentes sur les cartes de la même couleur de votre télescope (c'est plus clair en jouant, je vous assure).
La seconde particularité vient de la façon de jouer vos deux cartes à votre tour. Tout commence par la pioche de l'une des cinq cartes de la rivière. Rien de nouveau . Ensuite, vous devez jouer l'une de vos cartes en main, soit sur votre télescope, soit dans votre cahier d'observation. Tu très classique, à un détail près : le numéro inscrit sur cette carte vous oblige à prendre la carte de la rivière correspondante et la jouer dans votre autre zone de jeu (celle que vous n'avez pas choisi pour la première carte). La petite subtilité qui change tout et rend la manipulation plus prise de tête !
Et c'est vraiment ce mix de ces deux routines, en plus d'être assez "innovantes", qui font tout le sel de Stellar. Attendez-vous à prendre quelques minutes à chaque tour pour réfléchir à la meilleure combinaison de cartes, surtout que si le numéro désigne un emplacement vide de la rivière, vous êtes obligé de prendre la première carte de la pile face cachée, avec toute la part d'aléatoire que cela comporte. Et ça peut être moche.
Stellar n'est pas difficile à apprivoiser, rassurez-vous. Mais ce n'est clairement pas le genre de jeu que l'on joue à l'arrache, en regardant le Tour de France tout en surfant sur son smartphone, si on veut avoir un minimum de chance de l'emporter. C'est d'ailleurs autant une qualité qu'un défaut.
Je pense que ce petit côté "exigeant" peut permettre à Stellar de se faire une petite place dans le monde des jeux à deux, habituellement beaucoup plus "familiaux". Mais il en devient du coup moins accessible et attirant pour le chaland. Ce qui vous obligera peut-être à ramer un peu pour trouver un joueur consentant (et d'un niveau suffisant) pour espérer passer trente bonnes minutes de jeu.
Reste qu'avec ce genre de petit jeu basé sur un "concept", on en fait vite le tour. Surtout que Stellar n'intègre malheureusement pas de règles additionnelles ou un système de scoring aléatoire pour vous permettre de varier notablement les conditions de départ. Après une ou deux parties de découverte, on comprend vite les rouages du jeu et sur quoi accès nos stratégies futures. Et sûr que dès que vous jouerez contre un adversaire du même niveau, la chance au tirage prendra du coup un peu le pas sur les erreurs inévitables des débuts.
N'empêche que j'ai tout de même passé un agréable moment à jouer à Stellar. Et je pense que cela vaut le coup de l'essayer, si le thème ne vous déplaît pas, et que aimez défier votre compagne(on) ou votre meilleur(e) amie() autour de jeux qui sortent un peu des sentiers battus.