Carnegie
Précision / precision / präzision : Jeu joué durant une soirée d'association, donc je n'ai pas pu faire de photos "maison", désolé !
Ah la Carnegie ! Ses merveilles naturelles à perte de vue, ses sublimes paysages aux dominantes ocres et pourpres, ses spécialités à base de poulpe vivant qui font saliver les papilles (même au petit déjeuner) ... bon d'accord ok, je ne sais pas du tout ce que c'est, et il fait tellement chaud dans mon bureau que je mesure l'importance de chaque clic sur ma souris aussi accueillante que notre nouvelle première ministre. Par contre ce que dont je suis sûr, c'est que c'est le meilleur "nouveau" Eurogame que j'ai pu essayer cette année. Et ça, cela méritait l'effort que je vous en parle, contre (zéro) vents et (rêve de) marées !

Car tout comme dans le très bon Praga Caput Regni de l'année dernière, Carnegie propose une base mécanique touffue vraiment pas facile à appréhender, mais qui offre en contrepartie une incroyable richesse de stratégies, des choix cornéliens à chaque prise de décision, et quelques belles idées qui font dire qu'aucune grosse boîte marronnasse ne ressemble à celui-ci dans sa ludothèque.
Le but ici de suivre les traces d'Andrew Carnegie (j'ai quand même regardé avant d'écrire hein, mais l'humour passe avant tout), qui a bâti une incroyable fortune dans le commerce de l'acier dans les Etats-Unis du 19ème siècle. Mais l'homme était du genre philanthrope, du genre à donner plusieurs milliards de dollars de sa fortune (au ratio de l'époque) a de nombreuses fondations et organismes caritatifs. Et il ne vous appartiendra qu'à vous de développer comme lui votre société à travers le continent tout en faisant un maximum de dons pour asseoir votre légende.
Le terrain de jeu se compose à cet égard de deux zones distinctes. Chaque joueur dispose déjà d'un plateau "entreprise" propre qui contient au départ 1 hub d'entrée, 5 départements imprimés et 4 réglettes glissées à leur maximum sur le côte droit. Beaucoup de votre probable succès dépend de votre capacité à développer votre société en rajoutant de nouveaux départements, recrutant et affectant des ouvriers aux bons endroits pour améliorer vos actions, tout en faisant bouger vos réglettes pour augmenter vos revenus et votre capacité à créer des filiales (par l'apparition de disques en bois).
Le centre névralgique de Carnegie reste le grand plateau central. Celui-ci affiche une carte des Etats-Unis segmentée en 4 régions (Est, Midwest, Ouest et Sud), avec des points d'intérêt divers limités en emplacements et reliés par des routes, mais aussi une piste de progression par région terminée chacune par une zone de mission.
C'est la partie "Aventurier du Rail" du jeu : Vous allez vous y battre pour prendre possession le plus rapidement possible des meilleures villes et créer des liaisons entre les quatre grandes mégalopoles du jeu afin d'améliorer votre scoring de fin de partie.
Le plateau met aussi à disposition une grande liste de donations possibles, offrant chacune un bonus de point de victoire selon critère au joueur qui aura réussi à mettre un disque de sa couleur dessus.

La grosse originalité mécanique de Carnegie est à chercher du côté de son mini-plateau temporel de 4 x 5 cases. Chacune des 4 lignes correspond à un type d'action possible et possède un marqueur qui ne pourra se déplacer toujours que d'un cran vers la droite, alors que chaque case affiche une action bonus à réaliser en amont. Toute la subtilité réside ici dans le fait que le jouer actif doit choisir la première case disponible d'une ligne pour lui et l'ensemble des joueurs, en réalisant en premier une phase de revenus ou une donation (les deux actions bonus du jeu) puis, une fois le tour de table réalisé, en activant en premier tous les départements de son entreprise affichant le même symbole.
Ce système a beau être simple et direct, et du même coup limiter une partie à 20 tours stricts, il offre en contrepartie un niveau d'interaction indirect assez fou pour le genre. La raison est simple : Chaque décision peut impacter plus ou moins intensément vos petites camarades. À votre tour, vous allez être constamment à la recherche du coup idéal pour vous, mais souvent davantage tiraillé entre choisir une action qui profite à un maximum de joueurs, ou une fonctionnalité vous avantage peu mais encore moins chez adversaires.
Impossible de l'emporter à Carnegie sans jeter un œil continuel aux plateaux société des autres, et encore moins aux apparitions de bâtiments sur la carte des Etats-Unis qui peuvent complètement bloquer votre stratégie si vous ne prenez pas la main assez vite sur des villes clés.
Carnegie est, à ce titre, un incroyable jeu d'optimisation et d'anticipation, aussi cérébralement motivant que vraiment pas évident à maîtriser. Car la deuxième force du jeu, et qui peut aussi vous faire suer lors de votre première partie, c'est l'incroyable imbrication de ses mécaniques.
Pour activer vos départements, il faudra au préalable y avoir envoyer des ouvriers et les avoir former à la tâche (en payant en général un certain coût pour les redresser). Pour construire sur le plateau général, il vous faudra de l'acier et avoir fait assez de recherche & développement pour disposer de bâtiments du bon type. Pour profiter d'une phase de revenus, il vous faudra au minimum avoir envoyé un chargé de mission dans la région de même couleur que la case action ... tout ici est à penser parfaitement en amont pour réaliser (et surtout optimiser) vos agissements.
Et ce qui ne gâche rien, c'est que le jeu est prévu pour offrir une vraie rejouabilité, avec un tableau temporel qui se configure de façon aléatoire (obligeant "à se réinventer" à chaque fois), une tuile et une action Ressources Humaines gratuites qui permettent de modifier sa stratégie de départ, et de nouvelles tuiles départements (version KS seulement) qui permettent de varier les plaisirs.
Reste que si je devais mettre un carton jaune (orangé) durant un match tout bonnement excellent, c'est au système de scoring de Carnegie vraiment fastidieux. Car si vous allez engranger quelques points durant votre conflit capitaliste à ciel ouvert, vous allez surtout passer une bonne dizaine de minutes en fin de partie à passer en revue toutes les zones "marquantes" du jeu, avec jusqu'à la fin encore moins de certitudes sur le vainqueur final que tout au long de la partie.
Un mode salade de points qui est une qualité pour certains, une plaie pour d'autres (genre moi). Mais qui n'est pour une fois pas un "défaut" assez décisif pour ne pas me donner envie d'obtenir ma propre copie ... et faire un paquet de revanches. Car finir dernier, j'ai beau y être habitué, je ne m'y fais toujours pas argghhh ...


