Quiero darles la bienvenida a Barcelona ! La ville des plages ensoleillées, des petits restos de tapas à s'en péter le bide, d'un petit argentin sextuple ballon d'or plutôt doué de ses pieds, et de la Sagrada Familia, l'un des monuments art nouveau les plus célèbres, et qui a donné son nom au puzzle game édité par Floodgate Games en 2018. Mais plus que le nom, la basilique en est son sujet principal : Vous êtes propulsés en tant qu'artisan du mythique monument, et avez pour but de réaliser un vitrail digne de l'oeuvre inachevée de l'artiste Gaudi. Saurez-vous relever le défi ?
Mon fils mon vitrail
Chaque partie de Sagradadébute par le même rituel. Chaque joueur reçoit une carte objectif caché et un plateau vitrail individuel en "relief", dans lequel il doit insérer l'un des quatre modèles tirés au hasard en début de partie. Chaque modèle, contenant 5 cases en longueur et 4 en largeur, est noté de 3 à 6, et permet de bénéficier d'autant de jetons faveurs (on y reviendra plus tard) que son niveau de difficulté. Dans le même temps, trois cartes objectifs communs et outils sont tirés aléatoirement et placés au centre de la table.
Sagrada est un jeu de réflexion basé sur de la draft de dé, et tout le plaisir du jeu consiste à récupérer les meilleurs dés pour gagner plus de points que ses adversaires. Comment ? C'est simple : Au début de chacun des dix tours de jeu que compose une partie, un certain nombre de dés (dépendant du nombre de joueurs) sont tirés d'un sac opaque et roulés dans une zone commune (une mécanique appelée draft de dés).
Les joueurs ont alors la possibilité de prendre jusqu'à deux dés, un pendant un tour dans le sens horaire de la table, et le deuxième dans le sens anti-horaire. Chaque dé récupéré doit être immédiatement placé sur son plateau personnel, en suivant quelques contraintes :
- Le premier dé du jeu doit être placé sur un bord ou un coin du plateau du joueur.
- Tous les dès suivants doivent être placés orthogonalement ou diagonalement à côté d'un dé précédemment placé.
- Un espace coloré ou numéroté ne peut contenir respectivement qu'un dé de cette couleur ou indiquant ce chiffre précis.
- Deux dés de la même couleur ou du même nombre ne peuvent pas être orthogonalement adjacents.
Pour nous aider, avant ou après le placement de son dé, le joueur à la possibilité d'effectuer une action supplémentaire pour utiliser une carte outil et ainsi utiliser la capacité spéciale indiquée dessus (qui va souvent vous permettre de déplacer, remplacer ou changer la valeur d'un ou plusieurs dés). Ces actions ne sont malheureusement pas gratuites, et coûtent de un à deux jetons de faveurs suivant si vous êtes le premier à l'activer ou pas.
Une fois le dixième tour effectué, on additionne les points de ses objectifs réussis (privé et publics), on ajoute un point par jeton faveur non dépensé, et on en déduit un point pour chaque espace de son vitrail laissé vide. That's all !
Vitrail vit à 100 à l'heure
A l'instar d'Azul (premier et troisième du nom), Sagradafait pour moi partie des incontournables des jeux d'optimisation "abstraits" de courte durée. J'aurai même tendance à préférer le bébé de Floodgate Games, pour son immédiateté, son ergonomie ultra appréciable (aucun risque ici de briser une partie avec un geste malheureux) et ses parties plus rythmées.
On est bien sûr face à un jeu de réflexion. Et qui dit cerveau qui cogite dit forcément style qui ne plait pas à tout le monde, et surtout syndrome d'analysis paralysis (vous savez les gens qui mettent 5 jours à se décider), qui heureusement se trouve être beaucoup plus gérable dans Sagrada que dans la majorité des jeux du genre.
Si je devais cité encore une des grandes forces du jeu, c'est clairement sa rejouabilité. Vous aurez beau faire cinquante parties, impossible de tomber sur le même puzzle, que ce soit par la mise en place des vitraux, des cartes, ou le tirage (forcément aléatoire) des dés.
De plus, j'avouerai que pour un jeu très mécanique où on se moque généralement pas mal du thème (et souvent autant que l'auteur), je trouve que Sagradas'en sort plutôt bien. Bien sûr, vous ne vous sentirez jamais téléporté au pays des siestes qui durent une demi journée et des plages bondées de femmes sublimes en monokini (euh je m'égare là désolé). Mais on sent une certaine passion transpirée pour le monument, via l'ajout de références chrétiennes, les cartes outils parfaitement dans le ton de l'époque, le matériel coloré qui rappelle furieusement les vitraux du lieu.
Après bien sûr, si le thème est primordial pour vous, je vous conseille de jeter un œil à son concurrent direct désigné Roll Player (critiqué ici), qui gagne sur le terrain de l'immersion haut la main. Mais Sagrada garde pour lui le fait de s'absoudre de beaucoup d'options qui peuvent sembler alourdir le jeu pour certain, et de se concentrer sur l'aspect puzzle, uniquement.
Reste quand même a évoquer un point important : Sagrada n'est pas du tout le même jeu que l'on soit deux ou quatre. En grande tablée, le jeu se veut très opportuniste et enclin à la réussite. Quand trois joueurs jouent avant nous, il faut vraiment croiser tous ses membres pour espérer récupérer le dé convoité, et il arrive souvent que l'on prenne le moins pire sur l'instant T. Si planifier à l'avance s'annonce vite une entreprise vaine, la réactivité est plus vive, la guerre des outils peut vite faire rage, et les parties deviennent vite folles et animées.
Un constat complètement différent en duel, où l'on a vraiment davantage le contrôle sur sa partie. Comme on attend moins avant de piocher et qu'il est plus simple de prédire le jeu de son adversaire, le jeu en devient nettement plus stratégique, interactif, voir agressif.
Par contre, vu que dans cette configuration on ne tire au final qu'une petite partie du sac, le hasard peut vraiment nous jouer des tours, surtout si notre objectif privé attend une couleur qui ne tombe jamais*. Le choix d'avoir des objectifs aussi puissants aussi dépendantes du tirage est d'ailleurs un choix aberrant, le seul vrai défaut du jeu pour moi dans la boite de base. Un souci néanmoins corrigeable maintenant en acquérant l'extension Passion, que je conseille d'ailleurs pour ceux qui veulent encore plus se faire mal au neurone en ajoutant des mécaniques supplémentaires intéressantes...
Mais alors, des sensations aussi différentes selon le nombre de joueurs, est-ce alors un point positif ou négatif ? Franchement, honnêtement, compulsivement, collectivement de moi même, je ne saurai vous dire. De mon côté, je préfère boire le verre à moitié plein, en me disant qu'avec une boite on a la chance d'avoir deux jeux différents. Et de toute façon, c'est un coup de cœur, donc cela ne m'empêchera pas de le garder dans ma ludothèque !
* Petite astuce tirée d'un forum, préparer le sac en amont en ôtant la moitié des dés (nombre égal par couleur) permet de diminuer cette part de hasard.