La Planete X. Durant près d'un siècle, la communauté astronomique était convaincu qu'un corps céleste inconnu se terrait au fin fond de notre système solaire, après la toute nouvellement découverte Neptune. C'est Precival Lowell qui émettra d'ailleurs au début des années 1900 le premier l'hypothèse de l'existence d'une planète, qui perturberait les mouvements des autres planètes gelées et aurait par la même donné sa trajectoire étonnante à Uranus.
Et si depuis la fin des années 1990 cette théorie a été largement remisée au placard, elle a eu le mérite d'inspirer À la recherche de la planète X, un jeu initialement financé sur Kickstarter en octobre 2019 et qui vient tout juste de sortir en version boutique dans nos contrées.
Pour le plus grand bonheur des fans d'astronomie et de jeux de déduction. Car ce À la recherche de la planète X s'avère être juste ... une pure merveille !
Un ciel bien trop vaste
Dans À la recherche de la planète X, vous êtes des astronomes qui vont se battre pour découvrir en premier les coordonnées de ce fameux astre invisible, plus les deux astres adjacents à son secteur. Le jeu intègre néanmoins un deuxième moyen de scorer, émettre des théories, ce qui vous permettra de rester dans la course à la victoire même si vous n'êtes pas le premier à résoudre le mystère principal.
Premier bon point, le jeu vient avec un plateau verso qui va vous permettre de jouer soit sur une carte du ciel divisée en 12 secteurs (mode normal), soit 18 secteurs (mode expert). La partie extérieure de cet espace est réservée à la piste du temps, sur laquelle chaque joueur va faire avancer un pion en fonction du coût temporel de ses actions. C'est toujours le joueur qui est situé en dernière position qui a le droit d'agir.
Et tout ce que vous savez au départ, c'est qu'il y a une certaine répartition des quatre objets célestes du jeu - astéroïde, comète, planète naine, nuage de gaz -, qu'il ne peut y avoir qu'un objet céleste par secteur, et que deux zones sont réellement vides.
Chaque joueur débute sa quête avec un paravent et un feuillet de notes, reprenant notamment une version schématisée du ciel étoilé et les règles régissant l'univers de base du jeu (comme une planète naine ne peut pas être adjacente à la planète X). Le placement des différents corps célestes dans le ciel visible est à découvrir en effectuant à son tour l'une des quatre actions principales du jeu.
La première, détecter un objet, permet de scruter un panel de secteurs à la recherche d'un corps céleste particulier. En demandant par exemple s'il y a un nuage de gaz entre les secteurs 3 à 5, vous allez pouvoir connaître le nombre d'occurrences de l'objet, mais pas leurs positions. Cette action coûte de 2 à 4 unités selon la précision demandée et ne peut s'effectuer que dans l'espace visible, définit par un disque tournant au centre du plateau et qui suit toujours le pion du joueur le plus en retrait.
Pour disposer d'une information encore plus pertinente, il est possible de sonder un secteur contre quatre unité de temps, ce qui permet de connaître la nature exacte de l'objet céleste en son sein (hors planète X qui est indétectable par des moyens mécaniques).
Besoin d'informations ? Étudier un sujet permet au joueur de piocher dans une liste d'études dont il n'a que le titre au départ, et d'en lire son contenu.
Reste l'action de la fin, la localisation de la planète X, qui en échange de cinq unités de temps va vous autoriser à faire la supposition finale. En cas de réussite cependant, les autres joueurs ont le droit d'effectuer des théories supplémentaires. Voir mieux leur propre localisation, qui en cas de succès offrira un nombre de points dépendant de sa distance sur la ligne de temps avec le pion astronome qui a déclenché la fin de partie.
Une technologie très avancée
Et comment tout cela fonctionne me diriez vous ? Tout simplement grâce à une application gratuite quasi universelle, disponible à la fois sur Android, Apple Store et en page web directe, qui va à la fois configurer votre partie et vous servir de directeur de recherche distant.
Bien sûr, les réfractaires à la technologie diront que cela rend le jeu beaucoup trop solitaire, fait perdre toute la saveur du contact humain, avec ses traitrises, ses failles, sa gouaille légendaire. Et on ne peut pas leur donner tord.
Mais en échange, on obtient un jeu qui ne demande que très peu de temps de préparation, qui évite de devoir jouer avec un maître du jeu, et qui permet de jouer de manière très fluide sans craindre une éventuelle erreur humaine de configuration qui pourrait faire capoter toute la partie.
Surtout que cette application a aussi d'autres qualités, comme se montrer extrêmement didactique. Chaque étape, chaque action, est très largement documentée, en faisant en tout temps un rappel du nombre d'unités de temps à dépenser, de certaines contraintes à respecter pour ne pas fausser le jeu (comme ne jamais enchaîner deux études à la suite), et offrant par la même un historique de ses actes si par mégarde le doute assaille votre cerveau pourtant à bonne température.
De plus, l'application offre le luxe de rajouter au choix du plateau deux options géniales : La possibilité de configurer un niveau de difficulté différent par joueur (influençant le nombre d'indices qu'il a au départ), et surtout de permettre de jouer via le même appareil ou des téléphones / tablettes différents (via l'entrée d'un code d'identification unique qui va permettre de "synchroniser" tous les appareils).
Je vous conseille d'ailleurs très vivement cette deuxième option, qui permet de supprimer de votre temps de jeu des échanges matériels intempestifs tout en vous évitant de devoir jouer avec les "profils" et de tomber par inadvertance sur une information que vous ne devriez pas connaître.
Un plaisir infiniment grand
Pour sûr, À la recherche de la planète X reste un jeu de niche. Tout le monde n'est pas prêt à passer une grosse heure face à lui-même, à recouper des informations souvent très vagues, faire des suppositions sur le placement d'éléments en prenant le risque de voir toute sa carte mentale s'effondrer à cause d'une erreur d'inattention, et tenter de gratter des indices en fonction des actions de ses adversaires.
Mais si comme moi vous aimez le genre du puzzle logique compétitif et que vous avez apprécié Cryptide, À la recherche de la planète X sait se montrer aussi prenant que gratifiant.
Au départ pourtant, on peut se sentir submergé par la tâche qui nous incombe, se sentir perdu dans toutes les actions qui s'offrent à nous, penser ne jamais y arriver avec le peu d'informations dont on dispose. Mais plus les tours défilent, plus les connexions se font. Plus la carte de ce ciel commence à se révéler à nous. Plus on a une vraie satisfaction de progresser.
Et si le jeu peut paraître à première vue assez redondant (avec ses quatre actions potentielles seulement), le déplacement du disque central casse la "monotonie" en déclenchant des évènements à chaque fois qu'il dépasse un symbole. Un symbole théorie offre à chaque joueur le droit de "parier" sur la présence d'un corps céleste dans un secteur, en plaçant un jeton face caché sur sa bordure extérieure. Ces jetons avancent d'une case vers le centre du plateau à chaque nouvelle phase de théorisation. Dès qu'un jeton rejoint le "soleil", il est dévoilé et vérifié, permettant à son possesseur de gagner des points en échange de l'offrande d'une information importante à ses concurrents.
Un symbole conférence lui a un effet plus immédiat : Tous les joueurs obtiennent alors une information logique commune pour le reste de la partie, dans une limite de deux par session.
Quelque soit l'issue de la partie, le debriefing se montrera jubilatoirement animé (cela ne se dit pas mais pas trouvé mieux sur le coup). On pestera sur un joueur d'avoir réussit à déterminer (avec de la chance forcément) la position d'un astre qui aurait pu nous permettre d'effectuer une localisation en premier. Tout en se congratulant quand même d'avoir deviner bien avant ses concurrents la position d'un autre corps céleste, avec une théorie qui prend essence sur la couleur de la nappe de la table.
Dans tous les cas, on sort d'une partie de À la recherche de la planète X en étant vidé, certes, mais ayant eu l'impression d'avoir jouer à un jeu "intelligent". Et c'est un sentiment qui fait du bien.
Le jeu pose tout de même un tout petit peu question sur le long terme. Est-ce que le fait que les conditions de départ soient figées, et finalement qu'il y n'y ait que si peu d'astres différents, permettront de garder un même plaisir de jeu après 10 parties successives ? Pourra-t-on y jouer encore dans 5 ans, sachant que l'application peut disparaître des "market-places" à n'importe quel moment ?
Difficile de savoir. Mais en tout cas, sur l'instant T, À la recherche de la planète X fait un sans-faute, et vous plaira à coup sûr si, comme moi, vous aimez les jeux profondément logiques, que l'Espace vous parle, et que n'avez rien contre l'effet "application" qui forcément rend l'expérience un peu moins sociale que la majorité des jeux de société.