
Schotten Totten. Avec une ligne de conquête, deux joueurs de part et d'autre, et des cartes numérotées que l'on doit essayer de faire combiner au mieux devant chaque tuile séparatrice pour tenter d'en conquérir le maximum, son auteur a réussi à en faire (encore aujourd'hui) l'un des meilleurs jeux à 2 du marché, et l'une de ses plus belles réussites malgré 700 jeux dans sa besace (faudra un jour qu'il m'explique comment il trouve le temps ...).

Pourquoi j'en parle autant ? Parce que Air, Land & Sea : Bestioles en Guerre reprend en grande partie le concept de base de ce jeu de duel entre clans écossais. En changeant quand même quelques petites trucs ici-et-là.
Car vous allez enchaîner ici plusieurs affrontements jusqu'à ce qu'on joueur atteigne ou dépasse 12 points de victoire. Au début de chaque bataille, les joueurs tirent six cartes du paquet commun et devront faire avec, en jouant chacun une carte a tour de rôle jusqu'à la résolution du conflit.

Vous pouvez oublier les combinaisons de poker : on s'attache ici à faire juste le plus grand total de points pour conquérir une tuile. Il n'y a non plus pas de types de cartes différentes : Toutes disposent d'une valeur et d'un petit pouvoir unique qui s'active dès qu'on la met en jeu.
Côté carte, il y a un peu plus de contraintes. Vous êtes obligés de la jouer devant un terrain de conflit de sa couleur ou alors face cachée (ce qui lui confère une puissance automatique de 2). Et exit les deux conditions géographiques pour remporter une bataille, il faut en conquérir 2 au minimum pour prendre le dessus sur son adversaire.

Reste que si vous pensez que vous n'avez que très peu de chance de l'emporter, et que vous voulez empêcher votre adversaire de gratter les 6 points de bataille, vous pouvez atténuer la douloureuse ... en abandonnant ! Une possibilité de jeu originale qui est loin d'être anodine, puisque plus vous hissez le drapeau blanc avec des cartes en main, moins le vainqueur récupère de points.
Et cette mécanique d'abandon est l'une des meilleures idées pour tenter de contrer le hasard du tirage que j'ai vu ces dernières années. Bien sûr, si vous ne tirez que des cartes faibles ou ayant moins de synergies entre elles à chaque tour, et/ou que vous n'avez absolument aucune once de stratégie ou de capacité de réaction ce jour-là, vous finirez toujours par être défait.

Mais indéniablement, en plus de vous permettre de temporiser ou d'oublier plus facilement les aléas d'un tirage peu clément ou d'une partie mal gérée, elle rajoute une vraie surcouche tactique au jeu, en vous obligeant à "calculer" constamment vos chances de l'emporter entre chaque carte jouée pour ne pas subir une correction dramatique.
Si on rajoute à cela des pouvoirs de cartes et un double système cartes de couleurs / retournées qui rendent possibles de jolies entourloupes tactico-stratégiques, on obtient un jeu de gestion des mains super tendu et étonnamment profond pour son format (18 cartes et quelques points de victoire, c'est tout !).
On se surprend réellement de voir un jeu aussi accessible (les règles s'expliquent en quelques secondes) offrir autant de rebondissements et de tensions (surtout quand la partie se joue sur une bataille ultime), tout en générant des sourires intérieurs de dingue après avoir découvert un nouveau moyen de surprendre son opposant.

Et ce qui ne gâche rien, c'est l'enrobage graphique de Air, Land & Sea : Bestioles en Guerre qui est de toute beauté. Il faut s'avoir que si le jeu dispose d'un nom à rallonge, c'est qu'il hérite son gameplay d'origine d'un jeu au thème guerrier beaucoup plus mature et conventionnel.
Là la refonte fait coup double : Elle permet d'en prendre plein les yeux avec le super travail de Derek Laufman (tout nouveau dans le "game"), tout en permettant par son style "kawai" d'attirer des joueurs peu habitués à se mettre sur la tronche. Un sans faute assurément pour ma part, même s'il y aura toujours quelqu'un dans le fond de la salle pour râler qu'il n'aime pas la BD à l'ancienne ou les cochons en tenue de combat.

Forcément, après une dizaine de parties enjouées, on en voudrait toujours un peu plus. On ne peut pas cacher qu'une légère lassitude survient quand on voit que certains pouvoirs de cartes dessinent des stratégies qui reviennent souvent avec le temps, ou qu'il est plus compliqué de surprendre hors tirage quand deux joueurs se connaissent sur le bout des ongles.
On regrette alors que l'éditeur originel n'ait pas inclut dans la boîte quelques cartes des extensions du jeu de base pour renouveler l'expérience. C'est dommage, car le matériel existait, et la boîte aurait pu clouer définitivement le bec en ajoutant une dose de rejouabilité pour ceux qui se retrouvent souvent ensemble.
Mais je fais vraiment la fine bouche, j'avoue. Dans l'état, Air, Land & Sea : Bestioles en Guerre est une petite boîte remplie de superbes intensions parfaitement maîtrisées. Et a tout ce qu'il faut pour se faire une place dans une ludothèque deux joueurs digne de ce nom, même si elle doit dynamiter le passage pour cela !


