
Almadi a toujours provoqué une réaction bizarre chez moi : Des rechignements obtus et des faciès de dégoût généralisés à chaque fois que j'ai essayé de le proposer à mes convives.
Est-ce que c'est à cause de son thème des 1001 et Une Nuits déjà bien trop vu ? Sa mécanique de pose de tuiles vraiment pas originale pour un écu ? Où ses illustrations qui ne sentent vraiment pas la modernité ?
Peut-être un peu de tout cela, ou juste le plaisir de se venger du maître des lieux qui avait certainement gagné un jeu juste avant ... Je n'en sais guère, mais c'est bien dommage, car derrière son classicisme se cache un titre qui a du cœur et du panache à revendre.

Vous l'avez compris, vous allez ici faire un tour au soleil. Le Sultan Shahriar vous a missionné pour diriger la construction d'un royaume en l'honneur de son épouse Shéhérazade. Palais étincelants, marchés opulents, majestueuses caravanes et quelques oasis pour verdir l'ensemble, ... il va falloir mettre le paquet pour convaincre que vous êtes meilleur conseiller que vos autres concurrents.
Et pour cela la tâche s'avère (sur le papier) plutôt simple. 16 tours de jeu (quelque soit le nombre de joueurs), où à tour de rôle vous allez devoir prendre une tuile du plateau central, l'ajouter à votre royaume, activer les éventuels effets de connexion puis placer une tuile au centre issue de la pioche pour le prochain joueur.

Le tableau central public représente une grille de 2 x 4 tuiles tirées aléatoirement. Votre plateau de départ consiste lui en une grosse tuile verticale de 1x4 cases comportant les quatre paysages de base du jeu (Oasis, Caravane, Marché et Palais).
Chaque tuile que vous allez prendre devra toujours être accolée soit sur le bord droit de cette réglette, soit à une autre tuile déjà placée, tout en restant dans le cadre délimité par les 4 rangées en hauteur (aucune limite horizontale). Petite contrainte supplémentaire, vous devez toujours respecter la rangée dans laquelle vous avez prise la tuile. Si elle est issue de la rangée 2, vous serez obligé de la placer dans la rangée 2 de votre royaume. Et vice et versa (rien à voir, mais je rêvais de dire ça).

Une tuile dans Almadi a souvent un double intérêt : Pouvoir servir à obtenir des avantages immédiats au moment de la pose et récupérer des points en fin de partie selon conditions.
L'activation directe est basée sur des éléments imprimés sur les quatre bords de chaque tuile. Dès que vous réussissez à faire correspondre une flèche et l'un des cinq symboles principaux, vous déclenchez un effet de jeu. Le Génie permet de déplacer n'importe quel paysage du royaume d'un maximum de 3 cases et de déclencher les connexions survenant en conséquence. La Marteline et l'Étal vous font piocher respectivement une carte mosaïque ou étal. Le Rubis vous offre le bénéfice d'un jeton du même nom tiré de la réserve. La Lune vous permet de réserver une carte objectif commune que l'on peut valider à n'importe quelle moment de la partie.

Beaucoup de ces éléments n'ont au final une importance que lorsque le décompte final est annoncé. Un joueur pourra notamment placer une mosaïque sur chacun de ses palais pour doubler ses points, rajouter un point par rubis et les éléments de ses cartes étals au comptage de ses marchandises (dont la limite se calcule avec le nombre de tuiles chameaux qu'il possède). Les groupements d'Oasis, chaque Palais adjacent à un moins 1 Oasis ou 1 marché et les symboles Jarres attenant à des flèches (le seul symbole qui ne se déclenche qu'à la fin) viendront aussi densifier votre scoring final.

Point important, chaque carte objectif récupérée et non réalisée fera perdre le nombre de points indiqué. Donc c'est bien d'en récupérer, mais il ne faut pas oublier de les réaliser !
Et l'ensemble se montre vraiment qualitatif. Almadi ne propose vraiment rien de révolutionnaire, mais son système de jeu est assez consistant et doté en possibilités combinatoires pour permettre de faire chauffer la machinerie avec une certaine délectation. Le pouvoir du génie (qui pour rappel permet de déplacer des pièces) se montre d'ailleurs rapidement le plus jouissif, et peut engendrer des effets en cascade à dégoûter les autres adversaires de la tablée.

On est ici en face d'un jeu qui réussit à coller aux canons du genre en proposant une multitude de moyen de scorer, une variété affirmée de stratégies pour engranger des points. Il n'y a pas de stratégie idéale, il faudra souvent faire preuve d'une certaine adaptabilité pour temporiser ou rebondir face à un tirage mesquin. Mais vous aurez toujours les armes pour cela, et le jeu saura se montrer gratifiant quelque soit vos choix.
Petit plus non négligeable, c'est une rejouabilité assurée par les objectifs tirés au hasard en début de partie (ils sont richement dotés, donc vaut mieux tenter d'en réussir un ou deux) et surtout le module personnages additionnel, qui vient rajouter des pouvoirs rafraichissants si tant est que vous arrivez à payer leur coût en rubis.

Le petite contre coup à tout cela, c'est qu'Almadi n'est peut-être pas le jeu à proposer en priorité aux joueurs totalement novices en la matière. Non pas qu'il soit compliqué à prendre en main et à comprendre, mais il y a quand même pas mal de paramètres à prendre en compte, et un joueur ayant 2/3 parties dans les jambes aura toujours un ascendant sur celui qui le découvre (ce qui peut s'avérer frustrant quand on ne connaît pas le "milieu").
Et faut aussi que vous sachiez que ces fameux génies et la réflexion liée à la richesse générale d'Almadi peut vite allonger les tours, ce qui rend les parties à 4/5 joueurs beaucoup plus longues et moins dynamiques que sur des tablées moindres.
Almadi reste donc une de mes belles découvertes de cette année. Mais je pense qu'il n'est vraiment pas fait pour tout le monde et idéal dans toutes les compositions. En plus de n'être vraiment pas facile "à vendre", le bougre !

