C'est un fait dans le jeu de société : Plus on se languit de tester un jeu qui nous "hype" depuis des années, plus la réaction est excessive. Dans le cas le plus heureux, vous sortirez certainement tout nu dans la rue la mâchoire au sol et les yeux exorbités en criant que c'est le jeu de votre vie. Mais si cela se passe mal, vous maudirez par contre le monde ludique entier de vous avoir trompé aussi salement, en commençant à lister les influenceurs concernés à but d'envoi de colis contestataires (et surtout piégés).
Je ne vous gâcherai pas la surprise de mon avis concernant Anachrony. Petit indice quand même (je suis d'humeur prince aujourd'hui), j'aurai pu mettre 20/20. Mais cela c'était avant le drame bien entendu ...
Fury World
Anachrony dépeint une planète Terre dépeuplée par un cataclysme inexpliqué. Alors que les rares survivants se regroupe en factions appelées voies, des explorateurs découvrent une matière inconnue (le Neutronium) qui révèlera 300 ans plus tard une terrible capacité : Celle de créer des failles temporelles. Le reste de l'humanité découvre alors qu'un astéroïde remplit de Neutronium va s'abattre sur la planète bleue, libérant une énergie qui va bouleverser son futur ... tout en causant le cataclysme qui a causé sa perte dans le passé !
Dans ce marasme annoncé, chaque joueur prend le contrôle d'une voie qui va tenter de manipuler le temps pour rester la faction dominante après la chute du gros caillou méchant.
Chacun dispose au départ d'un mini espace personnel sur lequel ils peuvent gérer ses ressources, construire des bâtiments et développer des projets. Mais le cœur du titre reste du placement de travailleurs pur et dur, où vous allez régulièrement envoyer vos larbins à la capitale en quête d'emplacements d'actions limités.
Il existe d'ailleurs dans le jeu 3 classes d'ouvriers différents (ingénieurs, scientifiques, administrateurs) et 1 bonus (génies) qui peuvent autant bonifier certains emplacements qu'être persona non grata sur d'autres.
Mais pour agir, vos ouvriers ont besoin d'exosuits afin de pouvoir sortir de votre bunker en quête de denrées précieuses ou de développements vitaux. Certaines combinaisons seront disponibles gratuitement, mais d'autres nécessiteront de dépenser des (rares) cœurs de puissance pour augmenter vos chances d'agir. En sachant que vous les perdrez même si vous ne les utilisez finalement pas dans le tour actif.
Weird World
Le voyage temporel est bien là, et se traduit par la possibilité, depuis la ligne de temps qui joue le rôle de compte tour, de demander au début d'un "cycle" des faveurs à votre moi du futur. Mais cela à un coût : En plus de vous causer des malus de points en fin de partie pour toute dette non remboursée, vous risquez de subir des paradoxes qui peuvent nettement restreindre vos possibilités d'évolution.
À la fin du quatrième tour, sachez que le jeu bascule. L'astéroïde frappe la terre, ravageant sur son passage des emplacements et vos exosuits gratuites. Vous n'avez dès lors plus qu'un but : Atteindre un maximum de vos objectifs de faction avant d'évacuer votre population, en sachant que l'ordre pourra avoir son importance dans le décompte final, souvent serré.
Un cataclysme qui, dans tous les cas, aura le mérite de tester votre moteur à rude épreuve, pour un final en apothéose. Et qui finira par vous convaincre que vous êtes bien en face d'un expert élite !
Car dans Anachrony, il y a toujours trop de choses à faire, et trop de choses dont vous avez besoin. Vous aurez toujours une demi-douzaine de paramètres à gérer (niveau de ressources, développement de sa base, création de super projets ...), avec un espace d'action si restreint qu'il ne sera jamais possible de passer un tour sereinement.
Les possibilités stratégiques sont si riches que vous pourrez effectuer deux parties à la suite diamétralement opposées (et aussi gratifiantes l'une que l'autre) dans leur construction. Le double mode des factions (identiques / asymétriques) est si riche qu'il offre autant une belle porte d'entrée aux nouveaux venues qu'une rejouabilité assurée pour les habitués.
Beautiful World
Et cela, c'est sans parler du thème, une franche réussite ! C'est vrai, ce n'est pas un argument quand on est un pousseur de cube qui le revendique. Mais quand le sujet est si bien implanté dans le gameplay général, que l'urgence de la catastrophe colle autant avec la volonté de mener à bien tous ses objectifs personnels (une bonne partie, cela se mérite ici !), et que le travail visuel offre une aussi merveilleuse présence à table, impossible de bouder son plaisir. Surtout quand il nous permet de changer des sacro-saints jeux d'agriculture ou de développement d'industrie !
Ce que je ne peux pas nier en revanche, c'est que la la feature star d'Anachrony, le voyage temporel, se montre en réalité beaucoup moins incroyable et "optionnel" que j'espérais. On est en fait plus proche du prêt avec agios réguliers que du retour en Delorean ...
Quel bonheur aurait été de pouvoir vraiment manipuler le temps, en allant modifier des actions passées ou faire un saut dans le futur pour se réserver une action puissante, en prenant de vrais risques à faire disjoncter le jeu. Mais dans l'état, cette mécanique a déjà le mérite d'ajouter une touche rafraichissante au jeu, avec un potentiel tour d'exception exquis quand on arrive à rembourser ses dettes tout en s'accaparant le super projet ultra convoité par tous !
Mais comme je me dois d'être 100% objectif, il faut aussi que je dise que la configuration d'Anachrony est aussi longuette que laborieuse, que la lecture du livret de règles n'est pas de tout repos. Et que son édition Essentielle (celle que j'ai) est certes moins chère, mais est tronqué honteusement de son super mode solo.
C'est pour cela que je devais sévir. Et qu'il fallait que je marque les esprits, même si c'est mon best jeu de placement d'ouvriers ever.