
Au Creux de la Main, c'est l'un des jeux "sensations" de cette (drôle d')année 2020. Dans le fond, on se retrouve pourtant avec un enième remake de Dixit, avec de la reconnaissance d'images, du jeu d'affrontement par équipes, qui doivent tour à tour retrouver une photo parmi plusieurs pour glaner des points. Mais là où le jeu diffère de ses prédecesseurs, c'est par la façon de communiquer, à savoir le toucher. Et cela change juste... absolument tout !

Une histoire de sensations
Dans Au Creux de la Main, il est formellement interdit d'utiliser la voix ou la vue. Pour faire deviner une carte, pas le choix, vous devez utiliser l'un des 11 petits objets disponibles dans la boîte de base. Corde, toupie, mouchoir, pièce en métal, scratch ... toutes les combinaisons sont possibles, tant que vous respectez les deux règles fondamentales : Ne jamais toucher directement votre coéquipier, et n'utiliser que sa paume de main ( à lui) comme zone contact.
Pour justifier son concept, l'équipe artistique a imprégné le jeu d'une très belle histoire de fond. Au détour d'une petite exploration dans le coffre souvenir de votre grand-père Léon, vous, son petit enfant, décidez de lui remémorer sa vie passée en lui demandant de fermer les yeux et en mimant ensuite des scènes dans sa main grâce aux objets.
C'est beau, c'est super touchant, et sans l'ombre d'un doute, cela décuple l'immersion et permet de donner un véritable sens à ce que l'on fait dans Au creux de ta main.

Et cette sublime ambiance nostalgique et poétique se retrouve dans l'illustration générale (superbe) et les 100 images, représentant chacune l'un des instantanée de l'histoire mouvementée de Léon. À ce sujet, les créatifs ont même poussé le vice jusqu'à numéroter les cartes, pour que vous puissiez (si vous le voulez) les remettre dans l'ordre et ainsi dérouler la vie complète du vieil homme. Une vraie bien bonne idée.
Les règles en elles-mêmes sont plutôt limpides. On forme au départ des équipes de deux joueurs, qui vont alternativement endosser le rôle du grand-père et son petit enfant. Une partie complète dure deux tours complets de table, le temps que chaque joueur joue l'enfant et fasse deviner coup sur coup deux cartes piochées au hasard à son coéquipier.
Le twist intéressant du jeu, c'est qu'après chaque manipulation, les autres équipes peuvent parasiter le souvenir en sélectionnant l'une des cartes de leur main, souvent la plus ressemblante aux gestes effectués par l'enfant. Une fois la partie "gestuelle" effectuée, vient le moment où le grand-père tente de retrouver, dans l'ordre, les deux cartes de son équipe dans un panel maximal de huit cartes posée sur la carte.

Une histoire de difficulté
Si je ne devais dire qu'une chose sur Au Creux de la Main, c'est que c'est un jeu déroutant.
Déjà, par les émotions qu'il procure. On ne se doute jamais à quel point jouer avec la main d'une personne, même quelqu'un de proche, peut être intimidant. Et vraiment, la première partie est un vrai cap à passer avant de prendre ses aises et profiter de son ambiance. Des sensations "bizarres", qui peuvent faire limites mal quand on est un timide maladif, mais une vrai réussite.
L'auteur a clairement pris des risques, le jeu peut déplaire pour ce côté tactile très prononcé, mais si vous acceptez de vous laisser aller, l'expérience est dingue. Et d'une originalité folle.
Ce qui m'a le plus gêné par contre, c'est la "complexité" de la majeure partie des photos qui pose problème, surtout avec le jeune public. J'ai testé le jeu en famille avec deux enfants de 8 et 10 ans, et malgré leur bonne volonté (et un esprit artistique très développé chez l'un deux), ils se sont souvent trouvé bloqués devant des cartes, nous obligeant au bout d'un moment à leur permettre de choisir parmi plusieurs si on voulait aller au bout. Est-ce un souci d'illustrations, d'objets, ou juste de cerveaux pas assez imaginatifs / créatifs, je ne pourrai vous dire.

N'empêche que, même si on se cantonne à ne reproduire les scènes que physiquement, allez mimer un tableau sur un mur, où une foule de 50 personnes. Ce n'est pas du gâteau. Et ça, c'est avant d'arriver à la scène de "révélation", qui peut s'avérer mission impossible quand la moitié des cartes peut correspondre au ressenti. Et que l'on choisit une fois sur deux au petit bonheur la chance.
Si j'essaie d'extraire notre (très certaine) faiblesse de l'équation, Au Creux de la Main ne me parait pas en phase avec son cœur de cible supposé, surtout quand on constate la présence d'un paquet de contraintes supplémentaires, au cas où (par le plus grand truchement du hasard), l'on trouve le jeu trop simple au bout d'un moment.
Reste que malgré malgré le ressenti global négatif, Au Creux de la Main a provoqué quelque chose chez chacun de nous. Il est certain qu'un tel jeu ne peut convenir à tous, car l'imagination n'est pas donné à tous, et que chacun ne désire pas se livrer émotionnellement. Mais c'est pour cela aussi qu'il faut le tester au moins une fois.
Car, que l'on aime ou pas, il apporte des sensations jamais vus dans le jeu de société. Et ça, c'est une qualité dingue à l'heure de l'uniformisation et la course à la quantité.

