PS : Le jeu étant encore à l'état de prototype, je me suis concentré dans ces lignes uniquement sur l'analyse mécanique et la direction artistique générale choisie !
Barbarian Kingdoms est le tout premier projet de Christophe et Aurélie Lebrun, qui ont décidé de tenter l'aventure de l'autoédition (campagne prévue cet automne) pour promouvoir un jeu qui a une certaine ambition : Concilier des sensations wargame (affrontements sur une carte du monde, clans asymétriques, différentes unités, contrôle de territoires) avec des routines plus intermédiaires (règles épurées, enchères cachées). Le tout dans un format rapide à instruire et à jouer à vous donner envie d'enchaîner avec une ou plusieurs revanches.
Et après quelques parties à 3 et 5 joueurs, je peux déjà vous confirmer une chose : L'accessibilité est de mise. Les joueurs vont enchaîner une action à chacun de leur tour jusqu'à ce qu'un responsable de faction conquiert sa 7ème province ou dessoude son deuxième roi adverse, ce qui a pour effet de déclencher une éventuelle dernière ronde. Et les actions, elles, sont plutôt simples à appréhender, puisqu'il y en a que 5 en tout et pour tout dans le jeu : Le Recrutement, la Taxation, les Manoeuvres, l'Assaut et la Revendication.
Dans les faits, l'action Taxation permet à un joueur de prélever dans ses territoires occupés autant de tremis (la monnaie du jeu) que de provinces contrôlées. S'il occupe 4 territoires, le gain maximal qu'il peut obtenir est donc de 4 tremis, qui vient rejoindre son trésor caché derrière son paravent personnel.
L'action Manoeuvres, elle, permet d'effectuer un maximum d'un déplacement par unité à l'intérieur de ses terres, voir en direction de la mer (via port ou pouvoir spécial de clan). Cette action offre en sus la possibilité d'effectuer un roque, un échange de place entre son roi et un guerrier adjacent, petite subtilité que l'on retrouve notamment aux échecs.
Vous voulez densifier votre armée ? Procéder à l'action Recrutement, qui en échange d'un pécule grandissant avec votre nombre d'unités déjà sur le plateau central vous permet d'invoquer un nouveau guerrier sur l'une de vos provinces, avec un maximum de 4 unités de base maximum sur le plateau en même temps.
Les deux dernières actions de Barbarian Kingdoms ont un fonctionnement un peu spécial puisqu'elles offrent la possibilité à vos adversaires de "contester". Si on met de côté l'agression directe qui déclenche automatiquement une bataille, réaliser un Assaut sur un terrain neutre ou Revendiquer une province (pour y mettre l'un de ses jetons de contrôle) déclenche en effet un tour de table qui permet à un joueur adjacent de se déplacer et de rentrer en conflit.
Quelque soit sa cause, un combat tourne toujours à l'avantage du clan qui oppose la puissance la plus grande, et cette valeur se détermine en deux temps. De base, rentre en compte la puissance naturelle des troupes engagées (3 pour un guerrier, 6 pour un roi), auxquelles on rajoute les éventuels bonus défensif (2 pour celui qui possède la province) et effets spéciaux de clans. Du classique. Mais ce qui l'est moins, c'est la deuxième phase, dit de pot-de-vin, qui permet à chaque joueur d'ajouter dans un sac opaque un montant caché en tremis qui va s'ajouter à son total. Et cela peut résolument tout changer !
C'est indiscutablement l'idée mécanique qui rajoute une vraie touche de folie dans un titre profondément stratégique et calculatoire de prime abord. Car si avoir une estimation des richesses de son adversaire est un plus non négligeable, vous allez surtout devoir devenir ses intentions, le manipuler, bluffer, pour essayer d'emporter des batailles souvent décisives.
Et chaque mise ne doit pas être prise à la légère, non. Car à la fin du combat, le contenu des bourses est définitivement échangé entre les deux joueurs. Trop miser, c'est l'assurance de l'emporter, mais donc aussi de renflouer son adversaire. Et cela peut changer diamétralement le visage d'une partie, sachez-le !
J'ai d'ailleurs encore souvenir d'une partie mémorable où le leader apparent a trop présumé de sa puissance sur un double conflit qui l'a ensuite fait sombrer dans une spirale négative, offrant le Momentum à son adversaire qui a finit par rouler sur tout le monde. Un retournement de situation dont on reparle encore à chaque soirée, c'est pour vous dire ...
Et pourtant, Barbarian Kingdoms est un jeu où l'affrontement se montre étonnamment rare pour le format. Vous pouvez d'ailleurs largement sortir victorieux d'une partie en ne combattant jamais, surtout sur des petites tablées. Un défaut ? Non, car cela ouvre intelligemment le cahier de stratégies possibles, tout en faisant de chaque combat un mini évènement de tension qui finit souvent par des éclats de rire (en plus d'un bon mot pour le perdant, autant en profiter pour jouer sur l'aspect psychologique hein ...).
Et en dehors de ce traitement des combats qui a fait l'unanimité chez nous, Barbarian Kingdoms est à louer pour son système économique auto-alimenté aussi original que bien pensé. Et qui permet de s'affranchir totalement d'une réserve extérieure !
Pour réussir cet "exploit", il faut savoir qu'une pièce (nommé trémis et dont la valeur peut osciller entre 1 à 3) est placée face cachée sur chaque province en début de partie. Dès que vous réalisez une action, vous devez prendre ou dépenser de la monnaie trébuchante directement sur la province liée. Le plateau devient donc une banque a circuit fermé qui va régulièrement obliger les moins fortunés à partir "en quête de finances", tout en forçant une certain mouvement des fonds via les échanges de bourses après combats.
C'est sûr, tous ces bouleversements réguliers déplairont sans nul doute aux maniaques du contrôle. Mais Barbarian Kingdoms est avant tout un jeu destiné à un public "intermédiaire", et à ce compte-là toute cette agitation créé l'animation escomptée, tout en laissant la porte bien ouverte à une tacticité et un sens de l'anticipation quasi-obligatoires si on veut espérer l'emporter.
Et dans cet optique primaire Barbarian Kingdoms ne se contente pas de proposer des règles simples : Tout le jeu repose en fait sur un certain minimalisme (une troupe possible par province hors combats, quelques unités par clans, etc...), avec pour seule complexité l'ajout facultatif de pouvoirs asymétriques de clans (mais conseillé car offrant des saveurs de gameplay différentes). Encore là, ceux qui aiment les titres "épiques" et "démesurés" seront peut-être déçus, mais cela à tout de même le mérite de donner au plateau une lisibilité maximale, tout en simplifiant la prise de décisions pour garder la partie vive et rythmée.
Vous l'avez compris, Barbarian Kingdoms a majoritairement conquis mon auditoire, par sa promesse d'un jeu interactif "grand public" capable d'écrire des jolies histoires. La base technique a beau avoir l'air très simple, elle sait surprendre par des subtilités judicieuses tout en générant (au moins chez nous) des parties aussi tactiques que funs dont les gagnants ne manqueront pas de nous rappeler le déroulement.
Reste que pour être tout à fait complet, il faut quand même que j'évoque le seul doute cité lors des debriefs de chacun de mes camarades de jeu : Le thème. Alors si vous êtes conquis par le cœur de Barbarian Kingdoms, n'ayez aucune crainte : La surcouche historique très proche de nous (l'Europe en proie aux guerres constantes du Vème siècle) colle parfaitement aux mécaniques de jeu, et l'ergonomie globale (de la carte aux plateaux individuels) a été soigneusement travaillée pour optimiser le plaisir de se mettre sur la tronche.
Seulement, certains joueurs ont trouvé le thème traité de manière trop classique, et peut-être pas assez vendeur pour sortir du lot. Et d'autres comme moi trouvent le couple sujet / habillage sérieux et "sombre" un peu en décalage par rapport à cette base mécanique accessible capable (au moins chez nous) de faire jouer néophytes et grands enfants. Et ce limite en mode Party-Game.
Mais bien sûr cela reste un avis purement subjectif, et cela n'impacte en aucun cas la qualité intrinsèque d'un jeu très justement salué par le prix stratégie LudiNord 2021.
De toutes façons, après avoir lu les bons échos que le jeu et son thème ont sur les différentes plateformes vidéos et textuelles, on aurait tout à fait tord ne de pas suivre les yeux fermés une équipe qui semble tout proche de la vérité. Une jolie histoire naissante à suivre sur la campagne Gamefound de Barbarian Kingdoms !
Quelques liens supplémentaires si vous voulez en savoir plus :
Présentation du jeu et règles complètes en vidéo (Jeux en carton)
Règles rapides et partie vidéo à 3 avec l'auteur du jeu (expliquemoica)