Dans le monde de Bellum Magica, l'humanité est en grand danger. De grands seigneurs maléfiques, avides de richesse et de pouvoir, sont en effet bien décidés à recruter les plus viles créatures afin de venir piller les villages humains et d'imposer leurs lignées auprès des autres formes démoniaques.
Par chance, on n'y joue pas pour une fois nos congénères bipèdes de l'époque, mais bien ces monstres belliqueux et sans scrupules en concurrence pour devenir les êtres les plus puissants de tous les temps. Et cela change tout !
Mr Bad Guy
Bellum Magica est ce que l'on pourrait appeler un jeu de construction de tableau. Chaque joueur débute sa quête du mal avec un plateau château spécifique à sa "race" et deux gobelins de base, qu'il doit commencer par affecter à la logistique de son antre.
Chaque assignation / recrutement de monstre dans Bellum Magica se fait en glissant la carte sous son château, de sorte à ne faire apparaître que ses symboles de capacité. Toute carte placée à gauche permet d'augmenter la production et la prospection de son fief, alors que le côté droit permet d'améliorer les compétences d'attaque globales de son seigneur.
Tout le sel du jeu consiste à trouver le juste équilibre entre capacité de production et combat, sans oublier de bien répartir ses possibilités d'actions entre ses différentes hordes. Car chaque château et carte monstre est découpée visuellement en six zones horizontales (appelées hordes), et qu'une seule agit à la fois !
C'est d'ailleurs le Capitaine désigné en début de tour qui a la lourde tâche de définir cette "horde active", en faisant rouler pour l'ensemble de la tablée un dé à six faces. Après chaque lancé, celui-ci peut décider de le relancer s'il peut activer un sort de confusion (jeton spécifique récupérable en partie) ou défausser une ressource tonneau. À noter que si un sort n'est jouable que par le Capitaine, tous les joueurs peuvent par contre demander une relance du dé en s'acquittant de l'un de leurs conteneurs en bois, et ce autant de fois qu'ils le désirent et qu'ils ont cette fameuse ressource dans leur stock personnel.
Une fois la valeur du dé actée par tous, vient quatre phases suivantes qui s'effectuent en prenant seulement en compte les symboles des plateaux personnels placés sur la rangée indiquée par le dé.
Tout commence par la phase de récolte des ressources, où chaque joueur récupère autant de nourriture et de glyphes disponibles dans sa zone production.
C'est depuis cette zone gauche que chaque seigneur du mal doit ensuite totaliser ses symboles cartes au trésor pour la phase de retour des éclaireurs. Si un joueur obtient une majorité absolue, il peut prendre un jeton coffre en argent de la réserve. Si d'aventure il y a une égalité, tous les joueurs impliqués prennent un coffre en bois.
Et ces coffres ont une importance primordiale dans Bellum Magica. Car en plus de déclencher la fin de partie dès qu'un joueur dépasse un total de dix, c'est eux qui vont permettre de déterminer quel est le vilain le plus puissant, après une révélation de leurs valeurs lors du décompte final de fin de partie.
Le tour se poursuit avec une phase d'attaque, où chaque joueur, en débutant par le Capitaine, peut tour à tour choisir de porter atteinte physiquement soit à une carte village du centre de la table, soit à un autre seigneur du mal. Dans les deux cas, l'agression ne fonctionne que si ses totaux respectifs de symboles épées classiques et magiques de sa horde active sont au moins égales aux totaux respectifs de boucliers classiques et magiques de sa cible (un objet magique comptant comme objet traditionnel si besoin).
Le premier type d'attaque permet de gagner les ressources indiquées par la carte, qui doit être défaussée directement après sauf si c'est la taverne (un bâtiment de base). La deuxième attaque permet de voler un coffre à un adversaire par symbole masque de voleur présent dans sa horde active.
Si après cette phase personne ne respecte la condition de fin de partie, le tour se termine par une phase de recrutement durant laquelle chaque joueur va pouvoir recruter autant de créatures que ses ressources lui permettent. Le jeu propose en tout temps deux créatures de deux pioches distinctes (maléfiques et super maléfiques), qui sont elles remplacées immédiatement par d'autres. Au contraire des bâtiments qui doivent attendre la fin du tour.
A kind of Magic
Bellum Magica fait indéniablement partie de ces belles surprises rafraîchissantes. En premier lieu, grâce à son système de "cartes à glisser" qui, en plus d'être plutôt originale, apporte une vraie valeur ajoutée à une course aux points somme toute assez conventionnelle de base. Si Nidavellir m'avait déjà confronté agréablement à de la construction de tableau, je n'avais pas encore vu cette mécanique utilisée comme système de développement complet, au delà d'une simple optimisation de scoring. Et il y a pas à dire, cela marche parfaitement.
Car s'il y a une certitude, c'est que vous allez vous creuser la tête à chaque tour avec le bébé de l'auteur Frédéric Guérard. Quel valeur de dé dois-je viser pour optimiser mes différentes capacités de jeu ? Quelle recrue serait la meilleure pour mon château ? Où placer ma créature pour améliorer le plus efficacement mes hordes et mener à bien mon plan initial ? ... Bellum Magica fait cogiter, tout en permettant une certaine réflexion stratégique à la fois sur court et long terme, qui fait plaisir à voir dans un titre aux règles aussi accessibles et grand public.
Mais n'allait pas croire que vous aurez un contrôle total sur votre destinée. Pauvre doux rêveur.
Tout d'abord parce que Bellum Magica est un de ces jeux où l'interactivité prononcée se montre aussi fun qu'elle peut faire grincer des dents. Vous avez pris un trop bon départ ? Un joueur va certainement tenter de vous ravir cette créature qui collerait trop bien à votre jeu pour la suite de la partie. Vous n'êtes pas loin de récupérer votre dernier coffre ?
Comptez sur vos adversaires pour s'allier et vous faire la misère, que ce soit par des relances intempestives de dés ou de véritables offensives directes. C'est un jeu qui se montre extrêmement vivant, surtout à partir de 4 joueurs, et vous n'aurez jamais d'autres choix que de surveiller attentivement le château des autres afin d'anticiper tout débordement.
Et cet équilibre instable est rendu encore plus précaire par la place plutôt prépondérante du hasard. Etonnamment, elle ne vient pas tant que ça du dé, finalement assez contrôlable par la présence de sorts et tonneaux qui permettent facilement de jouer sur sa valeur (quand on a des tonneaux en réserve, il va de soi). Par contre, l'aléatoire du tirage peut rapidement sourire un Capitaine prioritaire qui à la réussite de voir tomber le bâtiment parfait pour son jeu, ou au contraire faire rager un joueur parlant en dernier de voir toutes les "bonnes" créatures partir devant son nez. Et sans pouvoir y faire grand chose, c'est peut-être le seul gros malheur de votre escapade en terres humaines.
Mais si vous acceptez de signer ce contrat détonnant proposé par Bellum Magica, vous allez clairement vous amuser avec un jeu qui réussit le pari d'offrir un mélange de saveurs (développement, combat) et de sensations variées extrêmement plaisantes.
Surtout que côté matériel, des pièces de nourriture trop mignonnes au thermoformage astucieusement étudié pour servir de pioche à ressources durant la partie, en passant par un thème certes classique mais parfaitement illustré et adapté à sa cible, on sent qu'une attention toute particulière a été donné à l'ensemble pour favoriser le plaisir de jouer.
Pour sûr, Bellum Magica est un jeu atypique qui ne qui plaira pas à tous les profils. Et surtout ceux qui cherche une grosse dose de contrôle. Le joueur "expert" et taquin en moi regrettera peut-être d'ailleurs l'absence de pouvoir changer sa place dans le tour (même moyennant un grand coût), ou de pouvoir jouer de petits pouvoirs vicieux afin par exemple de détruire des cartes d'un château adverse.
Mais Bellum Magica n'a finalement pas besoin de cela. Car de par chez moi, il a tapé dans le mille, en rendant accro des pré-ados à se prendre pour des grands méchants. E en réussissant à créer une ambiance aussi malsaine que drôle avec une bande de potes jamais avares de sales coups. Des signes que ce jeu est certainement une belle réussite.