
Attendu depuis plus de quinze ans par des hordes de fans de l'original et des jeux d'épouvante, Betrayal at House on the Hill vient enfin de connaître une localisation de sa version deux (2013) en français. Mais est-ce trop tard pour succomber ?
Back to the future
Parlons tout de suite de la chose qui fâche : le matériel, qui est vraiment d'un autre âge (un mot poli pour dire à ch...). Figurines taillées à la serpe, illustrations et cartons cheap, ... on se croirait vraiment revenu au temps des Hôtel et jeux MB des années 80.
Le pire, c'est que non content d'être moche, le jeu a une ergonomie déplorable : Les flèches curseurs sont tellement serrées qu'elles rayent les fiches personnages quand on les déplacent. Si vous aviez l'espoir de revendre le jeu, laissez tomber, vous êtes bon pour une décote de 90% rien qu'en dépunchant et jouant votre première partie.
Mais vraiment, comment est-ce possible de sortir un jeu aussi salement conçu en 2019, surtout dans un monde ludique qui n'a jamais été aussi concurrentiel ? Pourquoi ne pas profiter de la ressortie pour améliorer (même sommairement) les visuels du jeu ?
Mystères et boule d'euro. Mais clairement, c'est pas le matos qui vous fera acheter le jeu.
Les contes de la crypte
Par contre, côté mécanique, Betrayal at House on the Hill est clairement surprenant (dans le bon sens du terme).
Le jeu se compose de deux phases bien distinctes. Dans la première, tous les joueurs explorent le manoir, sans but précis. à la recherche d'objets et de rencontres (surnaturelles) fortuites. On lance les dés, on fait des tests d'aptitudes, ... c'est du classique, mais on prend plaisir à découvrir les pièces et les événements que l'on rencontrent sur notre chemin.
Jusqu'au moment où un mauvais jet de dés de présage enclenche une malédiction. Et là, c'est la mém.rde (en françois des années 80). Car on révèle alors un scénario pré calculé où souvent, un traître est désigné et aura pour mission de faire gagner la "maison" (et surtout l'un de ses occupants malveillants).
Avant le début du second acte, chaque groupe s'isole alors pour lire ses conditions de victoire, fomenter une stratégie, et tout le monde se retrouve ensuite autour de la table pour début du "vrai" jeu.
Destination fun(ale)
Et quel pied mes aïeux, quel pied ! Voilà comment on peut résumer cette deuxième partie. Ultra fun, incroyablement jouissive, vous allez vraiment vous croire dans un scénar' des pires séries B/Z des années 80. Le retour des morts vivants, The Ring, Halloween, Fright Night, ... vous ne savez jamais dans quel film vous allez débarquer, et la collaboration sera indispensable pour tenter d'échapper au vilain pas beau (désigné) de l'histoire.
Mais je préfère vous prévenir : si vous cherchez un jeu "carré", un défi qui vous permettra de mettre en pratique votre lecture du manuel de survie en monde hostile, retournez sur Atmosfear (le jeu en VHS de notre enfance), car là vous allez être déçu. On va pas se le cacher, Betrayal at House on the Hill doit beaucoup au hasard, et il vous faudra un peu de chance au tirage pour que le scénario vous offre l'expérience la plus optimale. Une maison à la disposition trop désavantageuse, un méchant trop dominateur car il a eu la chance d'avoir récupéré les bonnes caractéristiques et les bons objets pour son scénario, ... une partie peut vraiment vite tourner court.
De plus, il n'est pas rare de rester bloqué sur une ambiguïté de règle, les scénarios ayant le don de contredire le manuel de départ. Ça plus la tonne de lancer de dés à effectuer durant la partie, cela peut vite freiner vos ardeurs... et casser légèrement l'ambiance.
Par contre, si les planètes s'alignent, Betrayal at House on the Hill sait faire vivre ces moments grisants, hilarants et mémorables que seuls les excellents jeux narratifs arrivent à offrir. Impossible en jouant de ne pas sourire ou se sentir investi, surtout si on est fan du genre. Le moment où on découvre la mission, et qu'on fomente une stratégie avant le retour du "méchant", est peut-être la meilleure idée ludique que je n'ai jamais connue (sans exagérer).
Après oui, quand on fait les comptes, le jeu est assez inégal : Le premier acte est assez répétitif et peut s'éterniser, alors que le deuxième est très aléatoire est peut vite se terminer aussi vite qu'il a commencé.
Mais Betrayal at House on the Hill, c'est une expérience qui laisse à chaque fois une trace indélébile, où rien ne vaut plus que le plaisir que de jouer ensemble, découvrir la maison et son scénario et vivre la tension du début de second acte. Et surtout, à part la dynastie des jeux estampillées Cthulhu (Horreur à Arkham, Demeures de l'épouvante...), il n'y a pas beaucoup de jeux d'horreurs en français à ce point immersif et fendard.


