Between Two Castles of Mad King Ludwig. Un titre presque aussi confidentiel dans nos contrées que son nom est impossible à retenir et prononcer pour un francophone nul en langue digne de ce nom.
Et pourtant, c'est un jeu qui ne peut laisser indifférent.
Issu d'une production collaborative des éditeurs Stonemaier Games et Bézier Games, Between Two Castles of Mad King Ludwig est un jeu de pose de tuiles qui reprend en effet le concept de construction d'un château fou de Castles of Mad King Ludwig avec l'aspect collaboratif de masse de Between Two Cities. Un concept peu banal, qui dans les faits va vous demander de travailler à l'élaboration d'un château avec chacun de vos deux voisins directs, pour au final ne comptabiliser ... que les points de votre antre la moins fameuse !
Euh c'est bizarre non ? Oui, et c'est ce qui fait tout le sel du jeu. Impossible ici de faire comme si votre moitié n'existait pas à gauche, et mettre toutes vos forces vives dans la construction de la demeure où vous aimeriez vivre secrètement avec votre beau père à droite. Non, ici vous êtes obligés de peser chaque choix de tuile, évaluer l'intérêt de chaque positionnement sur le court et long terme, pour faire évoluer vos œuvres de concert et tenter de faire en sorte que votre pire score soit meilleur que celui de tous les joueurs à table.
Et tout ceci régit par une mécanique à la portée de tous. La base, c'est un système de 4 tours par manche (deux par partie) où chaque joueur tire au départ 9 tuiles du distributeur central. Au début d'un tour, les joueurs doivent choisir simultanément et de manière secrète deux tuiles de leur main, avant de passer le reste à son voisin (à gauche ou droite, selon la manche). Ensuite vient une phase de négociation, où chaque joueur révèlent ses tuiles et doit parlementer avec ses collaborateurs pour déterminer quelle pièce placer et à quel endroit dans chaque château.
Bien évidemment, chacun des sept types de tuiles du jeu propose une logique de scoring différente, toutes condensées de manière claire sur les cartes références fournies aux bâtisseurs en début de partie. Par exemple, les salles de vie offrent des points par tuile l'entourant disposant d'un icône type spécifique, alors que les salles de repos donnent 4 points chacune si vôtre château contient les 6 autres types de salles standards du jeu au moment de la délibération.
Chaque type de tuile vient aussi avec ses contraintes de pose, comme le niveau auquel on peut les construire (fondations ou niveau du sol minimum), et s'il est possible de rajouter des pièces directement au dessus ou pas. Un petit problème logistique qu'impose notamment les jardins ou certaines tuiles spéciales et qui vont vous donner véritablement encore moins envie de changer de métier dans la vraie vie !
S'ajoute à cela une palette d'actions spéciales supplémentaires dont les joueurs peuvent profiter quand ils construisent une troisième salle de chaque type, plus une tuile bonus quand 5 tuiles d'un même type sont visibles dans une antre.
Un corpus de petites règles qui pourrait au final sembler faire "trop" à la lecture du livret, mais qui a un vrai intérêt en jeu : Ne pas vous permettre de jauger précisément la valeur de vos châteaux à la volée. Et c'est ultra bien pensé, car cela rend chaque décision encore plus tendue, chaque argument de persuasion lors d'une négociation encore plus déterminant.
Pour autant, toutes ces petites règles ne sont vraiment pas compliquées à comprendre et à maîtriser individuellement, et Between Two Castles of Mad King Ludwig peut clairement être proposé à un large éventail de joueurs n'ayant pas peur d'utiliser un minimum leurs cervelets.
Et c'est ce qui fait toute la singularité de Between Two Castles of Mad King Ludwig. Sa grande force, c'est d'être clairement l'un des rares jeux de plateaux "sérieux" jouables jusqu'à 7 joueurs, et capable grâce à son côté coopératif de créer des discussions et d'engendrer une certaine animation autour d'une table de jeu.
Pour autant, il demande à aimer les petits calculs d'apothicaires (si on prend cette tuile on gagne 3 fois 1 point, avec celle-ci on gagne 4 en fin de partie ...) et d'un minimum s'investir pour éviter de passer toute sa partie en retrait de l'euphorie ambiante et des débats avec des voisins beaucoup plus persuasifs.
Indiscutablement, Between Two Castles of Mad King Ludwig n'est vraiment pas fait pour tout le monde. Vous avez à disposition des joueurs "cérébraux" qui ont un peu l'esprit de compétition et savent à quoi s'attendre ? C'est parfait, vous allez passer une chouette heure à vous prendre gentiment la tête à construire les châteaux qui arriveront à clouer le bec d'un tonton ou l'ami d'un ami un peu trop confiant.
Vous tentez d'embarquer des joueurs qui aiment d'avantage les jeux plus "funs" ou qui cherchent d'avantage un jeu d'ambiance pour clore une soirée plus arrosée ? Vous risquez de les perdre en route, et d'annihiler une cohésion nécessaire pour le bon fonctionnement d'un jeu qui vaut pourtant le coup de s'y intéresser.
Au fiinal, Between Two Castles of Mad King Ludwig est pour moi un excellent jeu de tuiles de masse, bien pensé, bien calibré, et au charme visuel "désuet" certain. Mais a réserver à des tablées qui veulent un minimum s'investir ou s'employer, afin d'éviter de casser l'ambiance ou lieu de la créer !