Les vacances au camping. S'il y a bien une situation où l'on est obligé d'abandonner pour un temps ses habitudes de joueur fan de grosses boîtes débordantes de meeples et de pièces en tout genre, tout en essayant d'innover et de tenter des achats en faisant avec les contraintes de stockage et de joueurs moins enclins à se faire mal à la tête, c'est bien celle-là.
Boomerang : Australia rentrait chez moi dans cet optique de rassembler ma petite famille autour d'un jeu plaisant, tout en m'essayant une boîte dont je n'avais que trop peu entendu parler. Et rien que sur les mécaniques, Boomerang : Australia réussit à surprendre, en proposant un concept de jeu à cocher que l'on pourrait qualifier de draft & write.
Exit les habituels dés (Très futé !, Troyes Dice) ou les cartes à retourner (Welcome To..., Demeter) : Ici les joueurs sont amenés à placer devant eux une carte de chaque paquet transmis par son voisin, jusqu'à finaliser une suite de 7 cartes qui correspond à son "voyage" de la manche. Chaque carte reprend une destination touristique du pays et propose en plus d'un numéro entre 1 et 7 deux symboles différents tirés de sous-ensembles d'objets à collectionner, d'animaux et d'activités.
Une fois cette danse de cartes effectuée, chaque joueur est amené à faire un décompte intermédiaire en suivant pas moins de cinq règles spécifiques.
Primo, faire la différence entre le numéro de sa première carte (la seule placée face cachée) et sa dernière carte (qu'il ne choisit pas car c'est la seule restante après la phase de draft).
Secundo, totaliser les points adjacents à tous les objets sur fond vert collectés.
Tertio, gagner un certain nombre de points pour chaque couple d'animaux identiques sur fond jaune rencontrés, allant de 3 pour le kangourou à 9 pour l'ornithorynque.
Quarto, remporter les points correspondants au total d'une seule activité (timbres bleus), à choisir entre le lancer de boomerang, la randonnée, la natation et la photographie. Une fois une activité recensée, elle devient indisponible pour le reste de la partie.
Quinto, enregistrer chaque lieu visitée en grisant la lettre correspondante sur sa mini-carte de l'Australie. Chaque lieu permet de remporter un point en fin de partie, et le joueur qui réussit à visiter le premier quatre lieu d'une même région gagne un bonus supplémentaire.
Une partie dure exactement quatre manches, et permet après une dernière addition de tous ses sous-totaux de déterminer le touriste qui aura le plus profiter de ses jours de vacances chèrement méritées.
Et il y a pas à dire, Boomerang : Australia est le prototype de jeu parfait pour être joué en famille et/ou un groupe de joueurs occasionnels. Au delà des quelques petites règles particulières qui peuvent nécessiter un tour de chauffe si vous tentez de motiver de grands débutants, Boomerang : Australia se prend aisément en main, bien aidé par un format, une rapidité de jeu et un matériel limité (un paquet de cartes, un bloc de feuillets et 4 crayons "ikea") qui le rendent facile à transporter et à sortir entre deux temps forts de vos congés.
Visuellement aussi, c'est un sans faute selon moi : Cette refonte (le jeu était beaucoup plus "simpliste" dans sa version originale) donne la part belle à une illustration globale entre "pastelle" et "à l'ancienne" très colorée qui donne envie de s'évader, surtout quand vous sortez la petite boîte par temps de pluie.
Mais ce qui m'a le plus surpris avec Boomerang : Australia, c'est le fait qu'il propose une matière à réflexion plus profonde qu'elle n'y paraît, grâce à un système d'objectifs non exclusifs qui impose de bien réfléchir ses choix à tous les tours. Car au contraire de beaucoup de jeux de collection où prendre la meilleure carte sur l'instant T est toujours le meilleur choix pour nous, Boomerang demande aussi à anticiper ses autres objectifs et à prendre certains risques pour réussir à être compétitif sur tous les tableaux.
La composante draft offre d'ailleurs une vrai plu value au genre, et permet ici (si on le désire) de décupler l'aspect "meta" (toute la réflexion à-côté, le jeu indirecte), par le fait que connaître rapidement les cartes que chacun a et cherche permettent d'espérer récupérer certaines cartes plus tard ou de bloquer "gentiment" un joueur qui a un objectif un peu trop explicite.
Fait appréciable aussi, c'est la propension de Boomerang : Australia à faire monter la tension au fur et à mesure de la partie. Si au départ tout l'éventail du jeu se montre possible, on est rapidement au fait de devoir choisir soit entre des cartes aux avantages maigres mais certains, soit des cartes plus stratégiques ou bénéfiques sur le long terme mais dont on déjà utilisé le lieu et/ou l'activité dans une manche précédente. Pas toujours simple, mais véritablement plaisant !
Attention tout de même avec ce que je viens de dire : N'allez pas croire que vous tenez en Boomerang : Australia le jeu à cocher brise neurone qui va faire passer Troyes Dice pour un Harvest Dice. Boomerang reste un "petit" jeu à l'équilibre un poil précaire, et dont plusieurs parties feront vite comprendre à vos collègues de tablée quels sont les objectifs à prioriser (au risque de rendre les parties ultérieures moins savoureuses).
Mais je trouve que Boomerang : Australia réussit, le temps de quelques tournées, à offrir parfaitement de la consistance à un joueur "avancé", tout en permettant aux autres de profiter d'un gameplay fun, dynamique et sympathique qui donne les mêmes chances à tous, et ce sans trop se prendre la tête. Et c'est déjà vraiment pas mal, surtout quand on ne savait vraiment pas à quoi s'attendre en acquérant la boîte de jeu. Notre vraie belle surprise de cet été ... même s'il a déjà un ou deux ans !