
Mangé ou être mangé. L'Homme n'a heureusement plus trop le besoin de se poser la question chaque jour qui passe depuis qu'il domine le monde du vivant connu. Mais il fut un temps où partir à la cueillette pouvait être une promenade sans retour, et c'est cette vie mouvementée là que Doggerland, le dernier gros jeu de développement de chez Super Meeple, a bien l'intention de vous imposer !

Le monde à retrouver
On est ici sur un vrai retour dans l'Histoire, puisque vous allez devoir arpenter en 15000 avant JC le Doggerland, une réelle étendue de terre qui se situait jadis entre le Royaume-Uni et l'Europe continentale, en pleine Mer du Nord.
Votre mission ? Développer votre clan, avec tout l'éventail des obligations qui sied à un chef digne de ce nom : Augmenter votre population et bâtir des maisons pour les loger, partir à la chasse et à la cueillette pour subvenir aux besoins de tous vos protégés, explorer un grand monde de tuiles à découvrir pour découvrir de nouveaux centres d'intérêt, ... Et tout cela en gardant un but ultime en tête, à savoir laisser une trace de votre existence pour les générations futures.

Et cette course à la renommée passe par de nombreux axes, comme créer de nouveaux outils, vous souvenir de vos proies pour les coucher artistiquement sur les murs de votre grotte principale, réaliser des objectifs de vie ou élever des mégalithes pour les Dieux. Cela passe ici par un système de grandes saisons, alternant périodes chaudes et froides, et qui vous demandera toujours de programmer vos actions, chacun à votre tour et à raison d'un ouvrier à la fois, avant de pouvoir les déclencher dans l'ordre que vous voulez.
Cette dernière phase est précédée d'une phase d'expansion, où vous allez devoir tirer une nouvelle tuile pour combler chaque zone inconnue qui borde un lieu où un pion joueur se situe.

Tout ce que vous entreprendrez dans Doggerland demandera d'ailleurs un peu d'anticipation, puisque chaque saison se conclut par la migration des animaux encore vivants sur le plateau central. Viennent ensuite quelques étapes clés comme le nourrissage de votre tribu, avec le risque de prendre des malus si d'aventure vous n'avez pas assez de viande ou fruits en stock, puis le "vieillissement" de vos denrées (qui périssent une fois sortis de votre dernier récipient de stockage) et la vérification de vos habitats (avec mort par décès immédiat si vous n'avez pas assez de lits).
Il faut savoir qu'une partie de Doggerland peut se jouer dans une version raccourcie en 6 manches (incluant un démarrage facilité), que le plateau est recto verso (une face 2/3 joueurs et une face 1/4 joueurs) ... et qu'une partie se termine sur un scoring final prenant en compte notamment la taille de votre clan, vos types d'habitats construits, tous les points de victoire glanés sur les tuiles Artisanats récupérées et des points liées à votre implication côté fresques !

La guerre du lieu
Et s'il y a bien une chose à saluer dans ce Doggerland, c'est le travail de thématisation remarquable. Forcément, le matériel pléthorique et de qualité aide à donner vie à l'ensemble, surtout quand vous avez tous les êtres vivants et les ressources à la représentation la plus réaliste possible (les animaux sont mêmes sérigraphiés !).
Mais il faut surtout saluer le combo richesse des actions possibles (impossible à détailler ici) / sens du détail apporté aux phases principales du jeu (quand vous verrez les règles rien que pour la chasse, vous allez halluciner), qui viennent ici pousser le réalisme au plus haut pour vous plonger rapidement dans cette survie en territoire hostile.

Justement, en parlant de "rigueur", vaut mieux être réveillé pour jouer à Doggerland. Car les règles sont touffues (sans manquer de clarté et de logique, rassurez-vous), vous partez vraiment avec pas grand chose, il faudra tout le temps surveiller vos naissances et votre nourriture pour ne pas être désagréablement surpris en fin de saison, et ce tout en jouant des coudes sur la map' générale pour vous accaparer les meilleures tuiles et proies.
Et c'est peut-être cette composante du jeu qui me laisse le plus dubitatif.

J'adore pourtant plein de choses sur ce plateau, comme la mécanique d'exploration, le cycle des saisons, les ressources qui s'épuisent, le déplacement des proies à la fin de chaque saison ... Mais il manque peut-être ici ce petit surplus de réalisme qui aurait fait de l'exploration un vrai "break changer" (avec par exemple des lieux à visiter pour pouvoir récupérer des objets d'artisanat par exemple), un peu plus de variation de contenus au niveau des tuiles, voir peut-être aussi ... une réelle interaction directe !
Car cela aurait été juste dingue : Contester un lieu par des combats (pas trop punitifs), voir au contraire le besoin de s'associer pour chasser des proies légendaires ... des petites choses, mais qui auraient permis en mon sens de se sentir moins seul face à son plateau personnel, malgré ce monde commun en continuel changement.

Mais pour le reste, c'est quand même du très très bon. Le système de programmation "matche" parfaitement avec la tension continue que demande sa "mission", le système de développement de son clan est juste dense comme il faut, le fait d'avoir trois types d'unités différentes ajoutent une vraie profondeur au gameplay (avec d'ailleurs une chamane qui est la seule à pouvoir interférer avec une zone importante du plateau !), ... non rien à dire, Doggerland regorge de superbes idées, que seul un petit défaut de calibrage (longueur de partie, axes de scoring pas tous aussi rentables) m'oblige à tempérer mes ardeurs sur la note et l'envie d'y revenir beaucoup plus souvent.
Mais ce n'est peut-être que dans ma tête, qui sait !

