Ephios
Les jeux de cartes à pouvoirs. Il y en a tellement qu'il faudrait au moins une vie pour pouvoir tous les chroniquer. Et comme c'est loin de mon style ludique de prédilection, je ne vous cacherai pas qu'il y a peu de chance que vous trouviez un jour dans ces pages un listing exhaustif du genre. Désolé d'avance pour les amateurs éclairés.
Et pourtant, pas plus tard que cette semaine, j'ai décidé avec beaucoup d'entrain de vous parler d'Ephios, un titre résolument à part, et qui réussit à se démarquer de façon plutôt admirable de la concurrence acharnée.

Car ici, vous allez jouer un politicien opportuniste qui cherche à gagner les faveurs du peuple en s'alliant à diverses factions sur une île cité et Etat nommé Ephios. Un thème aussi farfelu que risqué pour le deuxième jeu d'une toute jeune boîte Strasbourgeoise (craquetico !! *).
Car dans Ephios, vous allez évoluer dans un monde futuriste aux tons pastels et au trait affirmé, où la différence se fait au look et à la quantité d'implants cybernétiques que l'on a décidé d'accepter pour se démarquer. Le genre d'ambiance aussi clivante que marquante que propose un jeu de course à la popularité qui va vous demander d'atteindre, en premier, 70% d'intention de votes pour l'emporter.

Car avec cette boîte, vous pouvez jouer des parties uniques avec le deck de base, ou bien vous lancer dans des mini campagnes à deux manches gagnantes avec des cartes qui sont retirées et rajoutées en fonction de l'alliance ayant remporté la victoire au tour précédent. Une vraie belle idée qui rajoute une rejouabilité certaine à ceux qui se plairaient à évoluer dans cet univers aussi perfide qu'inspirant.
Une certaine originalité émane d'Ephios, très clairement, et peut autant décontenancer qu'épater. Ce n'est pas un jeu qui plaira pour tout le monde, c'est une certitude. Ce qui ne l'empêche pas d'emprunter des chemins mécaniques habituels pour le genre dans le but de proposer un gameplay rythmé, allant à l'essentiel et pouvant convaincre la majorité.
La mise en place est d'ailleurs sommaire : Un plateau jauge et un marché commun de quatre cartes à disposer, une carte affinité secrète a donner à chaque joueur, suffisent à se lancer dans une partie.

Ephios propose ensuite au joueur en tout et pour tout de choisir à chaque fois entre quatre actions différentes. La première, c'est acheter une carte personnalité au marché, qui rejoint directement sa main (limitée à 3) pour une utilisation future. Le seconde, c'est jouer la capacité d'une de ses cartes en main ou celle d'une carte habitant (grise) disponible dans le marché.
La troisième, c'est de défausser une carte du marché pour gagner 2 jetons de persuasion, la "monnaie du jeu" dont la quantité totale est limitée à 5 fois le nombre de joueurs (15 jetons à 3 si vous rappelez les leçons de madame Cotentin en CE1).

La quatrième, c'est d'unir deux cartes de la même faction de votre main (et lui adjoindre votre affinité si coïncidente), le meilleur moyen de faire monter votre influence sur le plateau général.
Et avec une règle de scoring principale aussi simple (récupérer des personnages de la même couleur), on pourrait craindre que le titre manque d'intensité tactique et de suspense. Et je ne vous le cache pas, c'est une possibilité.

Ephios est un jeu qui demande que l'on s'y investisse. Si vous jouez à 2 (une configuration qui ne m'a pas trop convaincu) ou "à la cool" (en vous concentrant uniquement sur vos cartes), vous pouvez indiscutablement passer à côté du titre, et il y a des chances que votre partie se montre plate et peu mémorable.

Mais si vous êtes en face de joueurs qui tentent d'optimiser tous leurs tours, tout en analysant les jeux de chacun pour les faire déjouer, Ephios prend alors tout son sens. Bluff, coups fourrés, tactiques de haut vol, .... c'est toute une palette de saveurs de jeu qui se dévoilent alors devant vos yeux, bien aidée par la qualité des "pouvoirs" que vous allez rencontrer durant votre partie.
Et si vous succombez au design particulier du jeu, c'est jackpot : Vous allez en plus prendre un pied monstre à découvrir chaque faciès de personnalités tous plus fous les uns que les autres, en plus d'effets de cartes souvent bien senties et faisant la part belle à de l'interactivité.
Et vous n'aurez qu'une envie, c'est de vous lancer dans une ou deux parties longues pour en découvrir davantage sur un jeu qui a une réelle et séduisante tacticité à revendre. Tout en offrant de jolis retournements de situation à ceux qui sauront en tirer le meilleur.
* Bruit de la cigogne, notre emblème régional. On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a...

