Note : Jeu joué en soirée associative, donc pas de photos "maison" à vous proposer. Désolé !
J'aime beaucoup Friedemann Frise. Non pas pour ses cheveux verts et ses tenues toujours extravagantes (quoique aux soirées de l'ambassadeur, cela doit toujours être un succès). Mais pour sa capacité à toujours pousser une mécanique dans ses retranchements, tout en jouant de thèmes incongrus qui ont toujours le bon ton de marquer les esprits.
Dans Faiyum, il a pourtant décidé de rester sage sur l'apparat. De l'Egypte ancienne, des conseillers du pharaon qui vont devoir collaborer, tout en se montrant les plus malins, pour construire le nouveau "The place to be" du Nil... on a connu l'auteur plus créatif. Mais ce sujet a réellement deux atouts : Primo, offrir un parfum d'antan qui épouse parfaitement une travail d'illustration au raz des pâquerettes (même moi je pense pouvoir faire mieux, c'est dire). Et deuxio, proposer le terrain idéal pour faire valoir ses nouvelles surprises mécaniques.
Et là par contre, le maestro est au rendez-vous. Alors ok, il recycle son système de marché créé pour Haute Tension / Funkenschlag / Powergrid. On y voit toujours huit cartes, mais seules les quatre premières peuvent être achetées. Elles sont toujours triées par numéro (allant avec leur duo complexité / puissance), et toute nouvelle carte tirée s'intercale en suivant cette façon de trier. De temps en temps, un jeton de remise permet de réduire un coût, mais dans tous les cas, les cartes rejoignent sa main directement après achat.
Un peu de fainéantise certes, mais on lui pardonne aisément tellement le système est excellent.
L'auteur allemand reprend aussi la mécanique de construction de cartes de Concordia. Tout le monde a les mêmes en main au départ, on en joue qu'une a chacun de ses tours, chaque carte propose une action particulière, et une seule permet d'en récupérer de sa défausse entre ses doigts boudinés (ou veloutés, si vous êtes une femme ou beaucoup moins manuel).
Il y rajoute par contre une contrainte, et de taille : Seules les trois premières sont gratuites, et les suivantes nécessitent de s'acquitter d'une pièce par carte supplémentaire si on veut pouvoir en reprofiter.
Cela n'a l'air de rien, mais cela impacte énormément l'ordre dans laquelle on effectue ses actions, tout en augmentant cruellement les dilemmes intérieurs qui vont vous gifler régulièrement. Car jouer une carte puissante rapidement, c'est l'assurance de profiter de ses bénéfices (ressources, argent) pour ses prochains mouvements. Mais le souci, c'est que si on joue dix cartes avant de réaliser une "administration", le coup pour la récupérer pourra être trop impactant pour nos plans futurs. Si on a bien calculé nos dépenses bien sûr.
Faiyum est un fabuleux exercice de tempo pour cela, surtout que le terrain de jeu est commun et que chaque carte jouée par un adversaire peut vous porter préjudice, ou a l'inverse vous offrir une incroyable opportunité.
La règle importante ici, c'est qu'aucune construction n'est personnelle, ce qui fait qu'un joueur peut très bien profiter d'une route tout juste installé à côté d'un atelier pour déclencher justement sa carte qui demande ces contraintes pour générer 5 ressources !
Et ces cartes, au nombre de 65 (si je ne compte pas les 5 de départ), sont toutes uniques ! La belle folie intimidante du jeu, même si vous remarquerez vite des redondances proches qui facilitent leur compréhension (surtout que l'iconographie est hyper bien foutue).
Dans tous les cas, elles permettent un panel varié d'actions, allant de la construction (8 types de bâtiments différents !) à la récolte (le jeu propose 6 ressources), en passant par le commerce et le troc. Cette richesse se retranscrit dans l'aspect tactique du jeu, car vous serez constamment obligé de vous adapter à l'ordre de sorties des cartes, et aux choix de développement de chacun, qui vont faire naître une cité qui ne ressemblera jamais à une autre. Assurant une rejouabilité infinie à ceux qui tomberont amoureux de cette proposition.
Mais malgré tant de louanges, difficile pour moi de recommander Faiyum. J'ai pu m'essayer au jeu deux fois, et à chaque fois le même constat. Un kiff indéniable à prendre une direction tactique et créer au fur et à mesure son deck; Un plaisir fou à programmer ses actions au mieux, tout en sautant sur toutes les occasions pour profiter de ses adversaires; Mais une montée en puissance trop lente, qui génère bien trop peu de points et de plaisir les 3 premiers quarts d'une "game"; Beaucoup de la décision finale qui ne se fait qu'avec les cartes les plus puissantes, ce qui génère une véritable tension uniquement dans les derniers tours; Pas mal de cartes qui peuvent devenir rapidement inutiles, pouvant briser ses chances, créer de la frustration, et vite nous sortir du jeu.
Il faut savoir que le jeu prend fin quand l'entièreté de la pioche est vide, et que la quatrième catastrophe (d'un paquet de 10 cartes additionnels) est tirée. Même si le titre intègre plusieurs leviers pour rafraîchir le marché, le jeu peut vite sembler tourner en rond, surtout si les joueurs se contentent rapidement de leurs cartes.
Résultat ? L'impression que le jeu est long, trop long, pour finalement décider d'un vainqueur sur 2/3 tours. Pour en plus juste créer un bel oasis commun, sympathique à voir naître certes, mais qui aurait pu à mon avis pousser plus à fond ses potards d'interactivité (avec des contraintes de pose plus poussées, la possibilité de renverser une partie en créant des assemblages spéciaux).