Est-ce qu'il vous est déjà arrivé en vous saisissant d'un objet de revoir les derniers instants d'un disparu qui le possédait ?
C'est en tout le petit problème technico-spirituel de la jeune Lucy, l'héroïne de cette nouvelle boîte estampillée Flashback, qui va tenter de percer à jour le mystère ce qui se cache derrière le manoir dont elle vient d'hériter.
On est ici sur une "suite indirecte" à Flashback Zombie Kidz. Si je parle d'indirect, c'est parce que cette nouvelle boîte s'affranchit des écoliers plongés en pleine apocalypse zombie de quelques succès récents de l'éditeur Scorpion Masqué (dont l'As d'Or Enfant 2022 cité plus haut) pour un thème horrifique que ne reniera aucun pré-adolescent fan de la série Netflix Mercredi. Par contre on est clairement dans une pure suite mécanique, car cette boîte reste totalement sur le terrain du jeu de détective coopératif basé sur de l'analyse d'images, avec pour objectif clair de répondre à des questions sur l'intrigue dont vous prendrez connaissance durant l'aventure.
Cette dernière se découpe d'ailleurs en quatre paquets de grandes cartes, ordonnées par chiffre croissant et qui se distinguent par un code couleur différent. L'initialisation demande aussi à placer à portée des joueurs des paquets de mini-cartes Runes et Questions que vous pourrez révéler au moment où vous en aurez la "vision", voir en toute fin de partie pour celles qui ont sur leur dos une empreinte de la patte de Gredin (le chat de la famille).
Petite nouveauté de Flashback Lucy, un chapitre débute toujours par une courte bande dessinée interactive qui va vous demander d'employer un de vos neurones afin de trouver la première grande carte à révéler. C'est souvent à partir de cette carte que la vision de Lucy commence, que vous allez être plongé à un instant T d'un passé plus ou moins lointain, avec la possibilité ensuite de voir à chaque nouvelle carte révélée la vue d'un autre personnage, animal, "entité" ... voir objet de la scène !
Tout le jeu consiste ensuite à rebondir de cartes en cartes en suivant les numéros inscrits (un peu comme dans Unlock !). Mais ici vous pourrez aussi poursuivre l'aventure en récréant des symboles par assemblage qui vous autoriserons à retourner des mini-cartes Runes, qui peuvent cacher différentes choses comme des mini bios des acteurs principaux de l'histoire, des objets ou des informations diverses sur l'intrigue.
Et autant le dire tout de go : Cette intrigue est sacrement captivante !
Alors non, ne pensez pas vivre une révolution Asimovienne, Flashback Lucy joue beaucoup des codes des vieux classiques fantastiques du cinéma et de la littérature du siècle dernier. Mais le scénario global montre assez de consistance (jusqu'à évoquer des sujets pas très rigolos), les scènes se dévoilent de manière assez astucieuses, pour que l'on soit régulièrement surpris par le ton que prend la narration et nous donner envie d'enchaîner les chapitres afin de connaître le fin mot de l'histoire.
Et si cela fonctionne aussi bien à mon avis, c'est grâce à une travail d'illustrations ... aux petits oignons ! Le jeu n'a beau donner accès qu'à des scènes figées, le trio d'artistes à la baguette joue parfaitement des codes du mouvement pour nous traduire, en un seul regard, le dynamisme des situations ubuesques mises sous nos yeux. Et en plus du trait moderne vraiment flatteur, la palette de couleurs colle parfaitement au thème horrifico-teenage général, tout en sachant nous surprendre par quelques teintes tranchantes lors des moments forts de l'aventure.
Pour moi, il n'y a pas de doute : Flashback Lucy parle totalement au cœur du cible qu'il vise, à savoir les 8 / 12 ans. Il faudra bien sûr réussir à le refreiner dans ses ardeurs de vouloir dévoiler les images à toute vitesse, le guider vers les bons détails et questionnements à avoir. Mais je suis convaincu que vous prendrez un plaisir non feint d'accompagner votre grand bambin dans la découverte de cet étonnant manoir, et ce durant les deux heures nécessaires pour arriver au bout des quatre volets.
Reste quand même un point à souligner, et qui pourra déranger certains des enquêteurs talentueux que vous êtes : Flashback Lucy mise davantage son expérience sur le travail de déduction plutôt que sur les manipulations.
Si on met de côté la très jolie surprise proposée durant le dernier chapitre, beaucoup du reste du jeu consiste essentiellement à dévoiler les grandes cartes d'un chapitre une à une pour trouver les questions à élucider, découvrir un maximum d'indices, afin d'essayer d'en déduire ce qui se passe à ce moment là ... et finir de comprendre la génèse de toutes les disparitions.
Ludiquement, ce n'est pas un problème en soi : Ce principe existe déjà dans des séries comme la gamme Suspects et cela fonctionne très bien. Mais je n'arrive pas à m'enlever de la tête que, pour un titre destiné aux enfants, Flashback Lucy manque un peu d'attiser l'ensemble de leurs sens.
C'est d'ailleurs d'autant plus balot que le jeu embarque un système d'assemblage de symboles efficace, finalement cantonné quasi exclusivement aux débuts et aux fins de chapitre, qui aurait largement pu servir facilement de base à quelques puzzle-games supplémentaires (à l'image de celui présent dans le quatrième chapitre). Voir des mini jeux de liaisons entre objets (clé / serrure, lampe torche dans salle sombre) qui aurait permis de "casser" un peu le rythme assez linéaire de la progression.
Et là je pense forcément aux joueurs du premier Flashback Zombie Kidz. Je n'ai pas eu l'occasion encore de le faire à titre perso, mais je sais que le jeu ne lésinait pas sur les effets matériels, sur les effets de surprises mécaniques, avec en plus la possibilité d'une relecture de l'ensemble de l'histoire plutôt maline. Tout ce dont Flashback Lucy fait l'impasse ici.
Par obligation de correspondre à un public plus âgé ? Il faudra en tout cas bien prendre en compte ce gros choix de conception avant de vous lancer dans cette boîte.
Mais cela n'empêche pas que nous, à la maison, on a passé un excellent moment avec Flashback Lucy. Et je pense qu'il serait vraiment dommage de bouder son plaisir, surtout si vous avez un enfant à portée de main qui pourrait être touché par cette ambiance "chair de poule" ... et aime à se prendre régulièrement pour l'adulte de la maison !