Instant confession : Je déteste être surpris, aller trop vite, mal manger, faire la queue des plombes et tomber dans le vide... donc en gros à peu près 120% de ce que l'on peut trouver amusant dans un parc d'attractions. Et pourtant, malgré ça, j'adore ces lieux de divertissement qui font travailler l'imaginaire, qui nous permettent de nous évader du quotidien. Où il n'y a qu'un seul mot d'ordre : Avoir le sourire, tout permettant de rentrer chez soi des souvenirs plein la tête.
Et s'il y a bien une qualité irréfutable que l'on ne peut pas ôter à Funfair, le dernier petit jeu de collection des canards chanceux, c'est la transmission de son sujet. Mais quel travail d'édition, vraiment ! J'adore la gaieté générale qui émane des illustrations, les références au parc à thèmes et au cirque à tous les niveaux (dos de cartes, plateau principal), et ce jeton rails de manège (aussi inutile en jeu qu'indispensable pour l'ambiance).
Il est difficile de ne pas s'y croire et avoir la banane en jouant à Funfair, vraiment. Et sans mentir, je crois que je pourrais sortir le jeu rien que pour contempler sa couverture de boîte, que je trouve absolument sublime.
Funfair n'est pourtant pas un nouveau venu. Le titre existe en VO depuis 2021 et est une suite slash version remodelée d'Unfair, qu'il a épuré et dépouillé de son interaction négative pour coller d'avantage aux familles peu adeptes de conflit direct. Et y a rien à redire la dessus, la mission est objectivement réussie, avec un gameplay ultra accessible et qui s'explique en quelques minutes.
Chaque joueur débute sa partie avec une carte Porte principale, une carte Attraction Phare aléatoire non construite, 30 dollars et une main de 5 cartes Parc. Celles-ci sont tirées d'une pioche commune qui contient un pot-pourri d'attractions, d'extensions de manèges et de membres du personnel. Les attractions peuvent être de plusieurs types (manèges à sensations fortes, chapiteaux, restaurants ...) et sont limitées à 5 par parc. Les Extensions couvrent elles un large spectre (services, qualité, thème) et ne peuvent être construites que "derrière" une attraction, alors que les cartes Personnels offrent des avantages permanentes ou des bonus de points en fin de partie.
Tout le jeu ici est de réaliser, en six manches, un parc plus prestigieux que ses voisins. Pour cela, un joueur va pouvoir s'appuyer sur une zone de jeu commune contenant un marché permanent de 6 cartes, un paquet d'objectifs faces cachées, une carte récompense tirée au hasard (qui offrira un bonus à celui qui respectera le mieux la contrainte) et un paquet Villes, qui sert à la fois de compte tour et de système d'évènements.
Chaque manche débute d'ailleurs par la révélation d'une carte Ville, qui va permettre à tous les entrepreneurs de bénéficier d'un avantage immédiat ou long terme. Vient ensuite une ronde de 3 tours où chaque joueur va, au choix, pouvoir Construire une de ses cartes en main en payant le coût indiqué dessus, Réserver une carte du marché, Piocher 2 cartes Parc ou Objectifs et en garder une. Il existe aussi deux actions moins courantes qui sont de Détruire une attraction et toutes ses dépendances (pour faire de la place) ou Réclamer 1 pièce par attraction que l'on a bâtie (quand on est vraiment en manque de liquidités).
Une 4ème ronde d'actions optionnelle, et accessible uniquement à ceux qui ont construit leur attraction phare, termine cette routine. Reste ensuite à déclencher une phase Visiteurs, qui consiste à obtenir un revenu équivalent aux nombres d'étoiles affichées dans son parc. Et une phase de Nettoyage, remettant à neuf le marché général tout en imposant à chaque joueur de n'avoir plus que 5 cartes maximum en main.
Et là encore, l'inclusion du thème fait merveille. Tout est ici parfaitement logique et restreint en un minimum de règles pour faire de la construction d'un parc un moment gratifiant et fun pour n'importe quel type de joueur. Quel plaisir de dépenser son pécule initial dans un petit parc, dont les maigres revenus vont nous permettre ensuite d'engager du personnel et d'investir dans des gros manèges. Avec au final un compte bancaire bien rempli et l'impression de se creuser quand même un peu la tête.
Car Funfair à la bonne idée de rajouter, en plus d'un système de points de cartes assez classique, deux moyens de décupler notre prestige en fin de partie. Vous obtiendrez déjà des points pour chaque manège en fonction du nombre de symboles attachés à chacune de vos attractions, en sachant que vous ne pouvez pas avoir deux fois la même extension ou le même thème rattaché à un édifice.
Et il y a les cartes Objectifs, qui proposent chacune deux niveaux de contraintes (dont une facultative), et qui apportent un nombre de points croissant avec leur difficulté. Mais attention : Vous repartirez avec des points négatifs si vous n'arrivez pas à réaliser la condition obligatoire. À choisir donc avec parcimonie !
C'est peut-être de là que vient le vrai souci avec Funfair : Sa valeur de rejouabilité. Il y a déjà le fait que l'on fait très vite le tour des cartes du paquet de cartes Parc, ce qui attenu très vite le plaisir de la "découverte". Mais surtout, on se rend vite compte qu'il n'y a ici que deux vraies stratégies de victoire : Construire une super attraction avec un maximum de symboles, ou tenter de faire compoter deux ou trois cartes objectifs et s'y perdre corps et âmes.
Et c'est là le drame : La plus simple est aussi la plus rapidement lassante, alors que la plus exigeante cérébralement n'est pas assez valorisée (pourquoi pas une carte au départ?) et bien trop liée au hasard pour être viable des parties durant.
Alors Funfair, un jeu un peu trop simpliste ? Pas forcément, car cette boîte donne quand même assez de clés ludiques pour qu'un large public puisse s'y amuser, tout en permettant aux grands stratèges de se divertir le temps d'une partie sans finir complètement frustrés. Reste que, à l'inverse de auteurs qui ont vu leur salut dans un jeu moins "clivant" que leur jeu d'origine, j'aurai bien envie aujourd'hui de tester ses decks thématiques et son interaction plus affirmée. Peut-être un jour pour une troisième mouture "entre-deux" qui sait !