
Vous pensiez prendre tranquillement votre retraite. Et c'est vrai qu'après avoir réussi à envoyer les premiers terriens au delà de Mars dans Ganymède, et fait d'incroyables découvertes en foulant pour la première fois les planètes naines Demeter et Varuna dans les jeux éponymes, il était légitime de penser que vous aviez fait votre part pour l'humanité.
Malheureusement, elle a encore de grands projets pour vous, et va vous envoyer 30 ans après sur les traces de ... Jupiter.
Aménager les 4 satellites principaux (Io, Europe, Ganymède et Callisto) de la géante gazeuse afin de les rendre habitables par vos congénères bipèdes, c'est en substance ce que vous allez devoir réaliser dans Galileo Project, le 4ème jeu de (on peut le dire maintenant) franchise à succès des Sorry We Are French.

Si on garde ici le même univers thématique et l'art visuel aux polygones marqués qui ont fait la "légende" de la saga, je ne vous cacherai pas que vous allez ici tout voir monter d'un cran, voir de deux.
Il y a déjà qu'à voir du côté du matériel. Les "anciens" jeux étaient déjà chouettes et très propres (éditorialement parlant), mais avec ses illustrations beaucoup plus fines et détaillés, ses tuiles triple épaisseur, ses très belles ressources et son pognon en jetons de poker, Galileo Project passe la troisième directement avec son édition grand luxe.

Et comble du Keanu Reeves, ce magnifique casino volant a aussi le bon ton de surprendre agréablement à l'intérieur : On est clairement sur une version survitaminée de Ganymède, mettant encore plus en avant la course aux points de victoire par l'optimisation et l'enchaînement d'effets.
Beaucoup de la charge cognitive du jeu est d'ailleurs liée à sa progression sur les quatre pistes de "conquête" (une pour chaque Satellite de Jupiter) de son plateau personnel, offrant avantages permanents ou bonus immédiats, tout en affichant de jolis points de victoire progressifs à comptabiliser en fin de partie.
Galileo Project offre en sus un petit jeu dans le jeu avec la gestion de son influence, représentée sur le plateau central par une double piste parallèle, l'une pour la Terre (bleu), l'autre pour Mars (rouge).
On en gagnera en recrutant du personnel compétent pour notre mission, on en perdra pour acquérir des robots qui feront progresser les pistes évoquées plus haut. Et au delà de ça, notre "couleur" du tour aura un impact sur nos choix, car vous n'activerez qu'un cartouche du personnage embauché ou ne pourrez acheter une carte robot que si son entête est de nuance similaire.

Tout cela pour dire que vous êtes clairement au bon endroit si vous aimez les dilemmes, car Galileo Project en regorgent à tous les niveaux.
Devoir choisir entre le cartouche haut d'une carte personnage pour bénéficier d'un avantage immédiat quand celui du bas permet de glisser la carte sous son plateau pour obtenir des objectifs supplémentaires de fin de partie en fera régulièrement partie. Quand il faudra souvent revoir votre stratégie générale au fur et à mesure de la disparition des emplacements d'objectifs généraux et tuiles technologies mises à disposition des joueurs en début de partie.

Je trouve que la composante robot est la vraie belle idée du jeu, tout en donnant beaucoup de son âme "usine à combo" au titre. Car si récupérer une machine permet initialement de faire progresser un marqueur sur une piste (ce qui peut déclencher un effet), il donne aussi le droit d'activer un symbole dont la puissance dépend du nombre de robots similaires que vous contrôlez déjà.
Alors certes, vous ne provoquerez jamais des enchaînements interminables ici, mais assez d'effets pour vous donner l'impression de profiter d'un titre profond, sans rendre le jeu compliqué à aborder.
Car c'est l'une des autres réussites du jeu (encore une !) : Condenser l'expérience dans un pool de règles de base finalement très accessibles.

Les joueurs jouent à tour de rôle jusqu'à trois actions à leur tour, jusqu'à ce qu'un joueur mette en jeu sa dixième carte robot fonctionnelle ou que la pioche personnage soit épuisée.
La première action (facultative) vous permet de payer un méga-crédit pour faire passer votre jeton de couleur d'une piste initiative à l'autre, tout en restant sur la même valeur. Ensuite vient l'obligation de réaliser une action obligatoire entre recruter un personnage, acheter une carte robot ou récupérer une tuile technologie (en payant son coût), avant de revendiquer l'un des objectifs tirés au sort en début de partie lors de la troisième action facultative.

Avec toutes ces qualités, difficile de ne pas dire que Galileo Project a tout du très bon compromis profondeur / durée de partie pour ceux qui cherchent un jeu intermédiaire court et prenant. Avec sa profondeur de décisions affirmée, un espace de choix astucieusement limité pour dynamiser les parties et une vraie présence à table, il a tout pour s'implanter sur un paquet de tables ludiques.
Faudra tout de même composer avec des défauts "de jeunesse" comme l'iconographie pas exempt de tout reproche (et qui aurait mérité de figurer sur des aides individuelles) et une partie personnages un peu en deçà du reste par son manque d'homogénéité et de variété. Cela aurait notamment aidé à affirmer une rejouabilité qui peut payer certaines évidences un peu trop marquées...
Reste que si la proposition Galileo Project vous plait, il faut passer le dernier écueil, et certainement le plus "bloquant" pour beaucoup : Le prix du jeu. Un tarif totalement justifié au vu du matériel mais peut-être dix euros trop cher pour le positionnement sur lequel il tente de se faire une place.

