
Que fait une mécanique de cartes combinatoire initiée par Gosu en 2010 quand elle croise un univers créé dans la doublette de jeux Immortal (2018) / Nine (2019) ? Cela donne Gosu X, le tout nouveau jeu de duel pour deux joueurs des Sorry We Are French. Et si vous ne connaissiez pas les jeux précédemment cités, il est possible que vous vous souveniez longtemps de celui-là !

Immortadelle *
Comme dit en préamboule (hommage a l'un de mes anciens professeurs né en Roumanie), Gosu X axe toute sa narration sur un lore pre-existant, basé sur un monde où des Immortels surpuissants s'affrontent régulièrement par simple envie de diriger tous les autres, et surtout de prendre la main sur des pauvres humains qui n'ont absolument rien fait de mal (au moins dans leur monde).
Dans cette guerre éclair, chaque joueur doit prendre le contrôle de trois des huit clans différents de la boîte, que ce soit par un système de draft ou tirage au sort. Une sélection qui lui permettra de partir en guerre avec un deck de 45 cartes contenant à la fois des Troupes (niveau 1), des cartes Héros uniques (niveau 2), 3 Chefs de clans et 3 Immortels génériques (niveau 3).
Une partie de Gosu X est faite d'une succession de manches incluant chacune une phase de Préparation et une phase de Bataille. Durant la première étape, chaque joueur peut placer une de ses cartes en main dans son Armée, un tableau personnel fictif de 3 lignes de niveaux par 5 colonnes. La pose est contrainte par l'obligation de mettre une carte du bon niveau dans chaque rangée, de remplir toujours de gauche à droite, de toujours avoir une rangée plus petite ou égale à celle d'en dessous. Mais aussi de pouvoir mettre une carte sur un niveau si chaque niveau inférieur contient au moins une carte de ce clan.

Dans les autres actions possibles à son tour, un joueur peut compter sur la Relève (payer un coût pour remplacer une carte par une autre) ou jouer un de ses jetons d'Activation, qui permettent de tirer des cartes de son deck ou d'activer un pouvoir de carte de son Armée.
Dès que les deux joueurs passent, on passe à l'affrontement en lui-même. Le joueur qui a alors la plus grande force militaire remporte un jeton Suprématie, puis les deux opposants sont invités à défausser la moitié de leur Armée avant de repartir sur une nouvelle manche. Si à un moment de la partie un joueur empôche un deuxième jeton Suprématie, place une 15ème carte face visible dans son Armée, gagne 5 jetons d'Activation ou déclenche la condition de victoire de son clan, il gagne directement les clefs de son monde. Jusqu'au prochain affrontement...
J'ai le Gosu en feu
Gosu X, le tube 2 joueurs de ce printemps ? Ce qui est sûr, c'est que si je m'arrête sur l'aspect qualitato-visio-technique (ce qui est déjà pas mal faut l'avouer), rien à redire, le jeu coche un paquet de cases d'un jeu premium.
Entre le matériel d'excellente facture et bien pensé (même si le plateau ne sert pas à grand chose), le travail d'illustration rondement mené, les règles intuitives, et les parties courtes et rythmées, ... il y a tout ici pour en faire un titre facile et agréable à glisser sur une table de jeu.

Et côté mécanique, c'est pareil : Gosu X n'a rien à envier à la vive concurrence de ces derniers mois. Le titre embarque une mécanique de construction de tableau inventive, plusieurs pistes de victoire pour densifier l'experience, un système de jetons d'activation qui enrichit la prise de décisions.... ce qui, couplés à une variété affirmée de clans et de pouvoirs, permettent au titre d'offrir une technicité assez gratifiante, et ce pour un fonctionnement finalement aussi épuré.
J'aime aussi beaucoup l'idée que les deux clans non choisis pour une partie imposent deux contraintes liées à leur caractéristiques primaires. Cela favorise d'autant la rejouabilité que cela donne encore plus d'importance à une phase de draft qui s'avère aussi cruciale qu'excitante que le jeu en lui-même une fois l'ensemble digéré.
Car il faut le savoir, Gosu X est un jeu qui se savoure davantage avec l'expérience. Ne comptez pas dompter la bête X en trois tours de table : Il faut bien quelques parties avant de bien comprendre le fonctionnement et les possibilités de chaque faction, afin de prévoir plus facilement stratégie long terme, coups et parades. Jouer à deux joueurs de même niveau est aussi plutôt recommandé, et vous aurez tout à gagner à découvrir et évoluer avec le même partenaire de bout en bout.
Est-ce que le monde ludique veut encore de ce genre de jeu "diesel" ? À en voir les retours dithyrambiques un peu partout sur la toile (et même sur mes simples story Instagram), il faut croire que oui. Et ce serait intolérable de ne pas vous y essayer si vous êtes un temps soi peu interresé par le genre, surtout si vous avez la motivation de prendre le temps de le maitrise un tant soi peu.

Gosu'p Girl
Et c'est maintenant que je suis "vachement" embêté. Car Gosu X a beau être pétri de qualités, j'ai beau déceler un très bon jeu sous sa carapace, je n'arrive juste pas ... à vibrer en y jouant.
La raison principale ? L'impression vague de ne pas décider grand chose, et ce déjà par la limitation naturelle des clans. Ne pas prendre une faction qui offre du tirage régulier vous obligera à davantage "subir" votre main de départ de chaque manche, sélectionner une couleur peu agressive vous demandera de viser les objectifs plus "pacifistes" ... c'est clairement le cœur asymétrique du jeu qui veut ça, mais cela ajoute de vraies limitations en jeu qui, tôt ou tard, vont venir imposer leur loi.
Se rajoute à cela des règles de pose finalement bien trop contraignantes qui imposent, selon moi, de jouer davantage ses cartes pour leur niveau que pour leur pouvoir, tout en s'obligeant à jouer les cartes dans un certain ordre si on ne veut pas qu'elles subissent le couperet de "je dois supprimer la moitié de mes cartes" à chaque fin de Bataille.
Gosu X a beau introduire un système de Relève astucieux, il se montre souvent trop coûteux en cartes pour que l'on ne s'oblige pas plutôt à privilégier des cartes qui "se suivent" (la possession d'un niveau 1, 2 et 3 par exemple) plutôt que de tenter ce genre d'actions faisant fondre notre main comme neige sous une Lampe UV.

Et puis faut dire que le jeu manque un peu de combos complètement fous, pourtant la grosse "feature" annoncée du jeu. Les effets de copie de clans comme celui des Xi’an et des Abhilasha permettent pourtant de jolis moves surprises, mais en général la connivence est souvent à chercher du côté des cartes de même couleur. Cela manque de folie, en plus de n'offrir en général pas plus d'une carte de portée de déclenchement (intéraction avec une autre carte, qu'elle soit dans son Armée ou placée dans une pile).
Tout cela pour me donner l'amère impression d'une course à celui qui remplira juste le mieux son Armée avant une bataille. Certes, il y des conditions de victoires alternatives, et le jeu regorge de pouvoirs à foison. Mais avec des points de cartes 99% fixe et la possibilité d'agir sur son adversaire que par de rares effets de capture et destruction, je trouve finalement des turnovers bien trop rares par ces biais-là.
Reste que tout n'est pas tout noir dans mon esprit, et j'ai souvenir de quelques parties animées et tendues qui m'ont un peu émoustillées. Mais malheureusement pas assez pour compenser toutes les autres vraiment en dedans. Et pas assez pour m'enlever de l'idée que je préfère contrôler mon positionnement (à la Summoner Wars), où me prendre une carte totalement "what's the phoque" mais qui génère une vraie animation à table (à la Radlands) !
*élu jeu de mot pourri de l'été par des consommateurs

