Le hibachi, c'est traditionnellement un petit dispositif de chauffage japonais dont le nom a été repris chez les anglo-saxons pour désigner les restaurants de barbecue et teppanyaki nippons. Un terme repris fort logiquement par Grail Games pour son dernier jeu de course, qui demande aux joueurs de collecter des ingrédients afin de réaliser le plus rapidement possible 3 plats, à base d'un petit système économique d'achat / vente. Et surtout de lancers ... de jetons de poker !
À Temps pour agir
Pour réaliser son objectif, chaque joueur dispose au départ d'un pécule de 1600 yens et de 6 jetons de sa couleur, dont la valeur oscille entre 100 et 600, dont il va pouvoir en lancer 4 (au choix) à chaque tour de jeu.
La zone de jeu consiste en un grand plateau plat avec un rebord surélevé (pour permettre des rebonds et certainement d'éviter que trop de jetons finissent au sol), qui affiche 9 bols d'ingrédients différents et 4 petites zones d'actions spécifiques. Le rebord lui propose une zone de stockage pour chaque carte ingrédient disponible, que l'on tire par lot de 6 au début de chaque tour.
L'ordre est géré par un jeton Bouteille de Soja, récupérable via une action spécifique, qui permet à son possesseur de commencer à lancer ses jetons (chaque joueur en lance un par un dans le sens des aiguilles d'une montre), mais aussi de choisir ensuite dans quel sens les différents bols du plateau vont être traités.
Après le lancer, vient une première étape nommée "nettoyage de la surface de cuisson", où l'on détermine qui gagne la primeur de chacune des 4 petites zones d'actions. Pour ce faire, tous les jetons valides (qui laissent apparaître au minimum un bout de la case en son centre) placés sur ces espaces sont retournés pour révéler leur valeur, et seul le Cuisinier ayant la valeur totale la plus élevée peut effectuer l'action spéciale de la case. Ces espaces sont à traiter dans un certain ordre, et offrent toujours dans l'ordre un lancer bonus (avec l'un de ses jetons en réserve), un ingrédient cadeau (tiré du paquet), la possibilité de réserver une des 3 recettes toujours disponibles sur le côté de la table ou de récupérer la Bouteille de Sauce Soja.
Ensuite, tous les jetons invalides du plateau sont rendus à leur propriétaires respectifs, qui gagnent en contrepartie de leur maladresse une carte Chili par jeton retiré. Ces cartes sont utiles, car deux de ces cartes peuvent servir d'ingrédient bonus pour la réalisation d'une recette, qui demande toujours 3 ingrédients différents pour être réalisée.
Vient alors la phase de commerce, où les joueurs vont pouvoir choisir pour chaque bol de vendre ou d'acheter des ingrédients. La vente concerne tous les joueurs autour de la table, et permettent de vendre un ingrédient selon la valeur totale des jetons valides présents à l'intérieur.
Acheter ne concerne par contre que ceux qui ont réussi à lancer au moins un jeton valide dans le récipient, et débute par celui qui a la valeur totale de jetons valides la plus forte. Si un ingrédient est encore disponible autour du plateau et qu'il souhaite l'acquérir, celui-ci doit payer le montant en yens de la valeur totale de tous ses jetons valides dans le bol. Il retire dans la foulée son jeton de plus forte valeur, et on continue le processus (sélection de la plus forte valeur totale et achat) jusqu'à ce que le bol soit vide.
Reste l'étape d'achat des recettes, qui je le rappelle est l'objectif final du jeu. En commençant par celui qui possède la Bouteille de Sauce Soja, chaque joueur peut réaliser autant de recettes réservées qu'il le veut, et une seule recette issue de la rivière de cartes plats commune du côté du plateau, en se départissant des bons ingrédients et d'éventuelles cartes Chili (avec une limite de deux cartes maximum par plat). Si un joueur comptabilise à son tour 3 plats réalisés, la partie est immédiatement terminée, et ce joueur est déclaré le plus Grand Chef d'Hibachi !
Ramènes tes potes
Hibachi, c'est quand même un concept étonnant. Mélanger du jeu de dextérité à un jeu de collection et de course qui repose sur l'achat / vente d'ingrédients, il fallait oser. Et pas sûr que le titre, qui tente de convaincre des publics de joueurs diamétralement opposés, puissent convaincre les "extrémistes" de chaque camp. Avec un vil calculateur qui détestera son hasard prononcé et son interactivité forte, alors que le gai luron fan de jeu d'ambiance n'aimera pas toutes ces petites règles assez pointilleuses (ordre du tour, ingrédients limités, etc...) qui lui demanderont de réfléchir ses tours plus qu'il ne le souhaiterait pour vraiment en profiter.
Mais chez nous, on a adoré. D'une part, parce qu'Hibachi est vraiment beau. Un plateau en deux parties aussi pratique que qualitatif, un travail d'illustration remarquable (des billets aux cartes) qui donneraient presque envie d'aller au resto, et des jetons de Poker qui font "classe", le jeu se montre visuellement attrayant. Il faut dire que si c'est une réédition de Safranito sortie en 2010 chez Zoch (portant sur les épices indiennes) qui était plutôt classieuse pour l'époque, cette nouvelle thématisation s'avère plus universelle, plus fun. Et réussit à trouver l'équilibre idéal dans ses visuels "japonisant" aussi enfantins qu'ils savent faire voyager.
D'autre part, parce que la composante "joueuse", que l'on aurait pu craindre après lecture des règles, n'est finalement pas accessoire. C'est sûr, si vous n'êtes pas doués de vos doigts, vous partirez avec un très gros handicap, le plaisir sera vraiment moindre, et votre partie risquera d'être bien longue. L'éditeur a d'ailleurs pensé aux plus maladroits, en intégrant astucieusement une carte ressource joker pour qu'elle soit profitable aux moins adroits, tout en ne restant pas éternellement dans leurs mains (celui qui en a le plus doit les rendre quand la pioche est vide).
Mais si vous êtes dans la moyenne (une victoire de temps en temps à la pétanque ou au Mölkky), vous devriez vous en sortir, et pourrez profiter d'un mécanisme d'enchères cachées qui créé une vrai réflexion autour de ses coups. Lancer les bons jetons pour acheter et vendre au meilleur prix, surcharger un bol pour faire payer d'avantage ses adversaires, bluffer, pousser des jetons pour casser une stratégie... Hibachi offre une vraie richesse de décisions et un éventail de sensations insoupçonnées pour ce type de titres, plutôt orientés famille avec jeunes enfants habituellement.
Pour toutes ses raisons, Hibachi est un jeu terriblement "innovant" et surtout fun, qui arrive à mêler habileté, imprévisibilité avec un certain sens de la tactique et du timing, pour des parties marquantes.
Je trouve juste peut-être dommage d'avoir instauré une limite sèche à trois recettes. Je ne suis en règle générale pas fan de ces objectifs inscrits dans le marbre, qui brise un peu abruptement une dynamique de partie et peuvent casser le suspense quand un joueur prend beaucoup d'avance au départ. Si le jeu s'y prête bien dans ses mécaniques, j'aurai préféré qu'Hibachi instaure un système de tours fixes, permettant de profiter sereinement du jeu, en instaurant pourquoi pas des tours plus lucratifs pour favoriser le retour des poursuivants.
Mais c'est vraiment un détail. Car pour le reste, c'est un sans-faute. Hibachi, qui a convaincu à la fois enfants, amis et le modeste gestionnaire de ce site, rejoint sans forcer ma liste de jeux de dextérité incontournables à posséder !