
Bienvenue au grand marché de Nihonbashi, le quartier le plus animé d'Edo ! L'épicentre de la ville où vous pourrez contempler ses étales pleins de couleurs, vous délecter des meilleures spécialités de riz et de poissons, acheter le tabac le plus réputé de la région, vous chaussez à moindre frais avec des sandales aux vertus magiques ... et surtout prendre part à un affrontement entre entrepreneurs nippons, en quête de réussite dans la célèbre rue Nagaya. Une véritable ruche où des magasins bien placés peuvent générer une réussite aussi soudaine, qu'un incendie malheureux peut tout vous faire perdre en un instant...
Cette guerre de marchands se déroule sur 1 année découpée en quatre saisons et treize tours de jeu. Les joueurs sont amenés à acheter des échoppes pour y installer leurs Kobuns (employés), se déplacer dans la ruelle pour faire des affaires avec les commerçants locaux, tout en gagnant un maximum de réputation via le regroupement d'artisans du même secteur d'activité et la construction de bâtiments remarquables.
Beaucoup d'Iki : A Game Of Edo Artisans se déroule sur un grand plateau central représentant la grande rue commerçante, avec un sens de circulation imposé et un ensemble de Nagayas (bâtiments) comprenant tous un certain nombre d'arrière salles vides que l'on va pouvoir remplir au fil de la partie. Chaque joueur contrôle un Okayata, qu'il va pouvoir faire interagir avec les étales situés devant lui après chaque déplacement.
Iki : A Game Of Edo Artisans intègre quatre ressources principales. Si le Mon (l'argent du jeu) permet de commercer, le bois et le Koban (grosse pièce d'or) servent principalement à construire des bâtiments. Quand la sandale offre de rallonger son déplacement, le riz permet de nourrir ses Kobuns à la fin de chaque saison si on ne veut pas perdre ses commerces précipitamment. Il existe aussi deux ressources supplémentaire, le poisson et le tabac, récupérables sur des étales spécifiques et qui peuvent offrir des Iki (points de victoire) importants en fin de partie.
Chaque tour de jeu se compose de deux phases. Lors de la première, chaque joueur doit, à tour de rôle, choisir de combien de cases il veut déplacer son Okayata, en plaçant son Ikizama sur l'une des 5 cases individuelles de la piste de mouvement. Les cases indiquant un chiffre de 1 à 4 oblige à réaliser exactement ce nombre de pas, mais offre le droit en amont de recruter un personnage du marché central ou de récupérer 4 Mons de la réserve. La piste propose aussi une case 1-4 qui donne elle la priorité de jeu et un mouvement plus libre, mais qui empêche toute action préliminaire avant son déplacement.
Une fois le déplacement effectué, c'est l'heure de faire ses emplettes. Le joueur peut réaliser une transaction avec la boutique attenante à lui (imprimé sur le plateau), puis il peut commercer avec une carte personnage disponible dans son arrière salle directe (deux choix possibles). Si le personnage n'appartient pas à ce joueur, l'artisan gagne en expérience, et progresse d'une case sur la piste indiquée sur la carte. Si lors de cette évolution il atteint la dernière case, le personnage part à la retraite : Il est alors retiré du plateau principal et glissé dans l'emplacement de même couleur de son plateau personnel. Il est bon de savoir que les artisans peuvent aussi gagner en expérience grâce à des effets de cartes, ou dès que son Okayata réalise un tour complet de marché.
À chaque fin de saison, un bilan des comptes est réalisé. Tous les personnages du marché, jetons poissons et tabacs encore présents sont d'abord retirés de l'aire du jeu, et une nouvelle configuration est réalisée, avec les éléments liés à la saison à venir. Ensuite, les joueurs perçoivent le revenu de chacun des personnages qu'il emploie sur le plateau central, et gagne des Ikis pour chaque Nagaya où il possède un Kobun qui travaille dasn un type de commerce présent au moins deux fois. Reste la phase de nourrissage de ses Kobuns actifs, qu'il doit remettre dans sa réserve si d'aventure il n'arrive pas à les sustenter.
3 incendies se déclarent à la fin des tours 5,8 et 11. Celui touche aléatoirement l'un des Nagayas du plateau en partant de son extrémité, et remonte le bâtiment (en détruisant les commerces présents) jusqu'à tant qu'un joueur puisse proposer un niveau de lutte contre les incendies (via une piste dédiée) à hauteur de l'intensité du feu (dégressif).
Après la fin de l'hiver, se déclenche un 13ème tour un peu à part, où chaque joueur peut se placer devant le bâtiment de son choix et commercer en suivant les règles habituelles. Le décompte final intègre les Iki remportés durant la partie, et des points supplémentaires sont attribués en fonction de la variété de personnages encore sur le plateau et de poissons récupérés, des bâtiments construits, le total des blagues à tabac comptabilisés et des lots de ressources restantes.
J'ai volontairement décris succinctement les règles d'un Iki : A Game Of Edo Artisans, qui se montre aussi dense en subtilités qu'un jeu ayant de nombreuses qualités.
Gros pouce bleu déjà pour l'effort de re-thématisation effectué sur cette mouture. Vous ne le savez peut-être pas, mais cette boîte est un reskin d'un jeu sorti lors du salon d’Essen 2015, et qui avait autant brillé par son faible tirage que son design minimaliste. Si beaucoup de joueurs ayant eu l'opportunité de le tester ont toujours loué ses qualités, disposer aujourd'hui d'une version au matériel révisé et aux illustrations embellies donne encore plus plaisir d'évoluer dans un thème des plus originaux.
Et sous le capot, le titre n'est pas en reste. Iki : A Game Of Edo Artisans est un jeu où chaque choix est crucial. Déjà, car une partie ne contient que 13 déplacements (donc 26 transactions maximums) par joueur, ce qui limite fortement les possibilités de développement, et nécessite de mesurer l'importance de chaque action avant de la réaliser.
Course aux jetons poissons et tabac, construire des bâtiments, acheter des personnages... vous ne pourrez clairement pas tout faire, et des concessions sont à faire surtout avec un nombre de cases déplacements aussi limitées.
Et si cela ne suffisait pas, Iki : A Game Of Edo Artisans est surtout un jeu où chaque décision impose une certaine prise de risque. Placer un personnage à un endroit qui n'est bénéfique que pour vous, et il ne sera surement jamais visité. Utiliser l'artisan d'un adversaire pour sa forte capacité, vous augmentez sa chance d'avoir de beaux avantages et un retraité un peu plus tard dans la partie. Ne jamais monter sa jauge de lutte contre les incendies, vous prenez le risque de voir tous vos personnages périr dans les flammes en cas de tirage malheureux.
On pourrait croire avec tout cela qu'Iki : A Game Of Edo Artisans n'est qu'un simple jeu d'optimisation calculatoire. Mais ce serait dénigrer son interactivité passive puissante qui, alliée à un plateau volontairement resserré, font forcément converger à un moment de la partie toutes les stratégies individuelles dans une guerre totale où perfidie, opportunisme et négociation deviennent les règles d'or pour sortir vainqueur.
Iki : A Game Of Edo Artisans n'est clairement pas un jeu pour tout le monde. C'est un jeu qui demande de s'employer mentalement, tout en surveillant attentivement le jeu de ses voisins pour ne pas se faire devancer sur une stratégie identique ou laisser un adversaire prendre un avantage trop conséquent. C'est un titre où la "réussite" a son mot à dire, rien que par le fait de la présence de feux aléatoires qui tranchent avec les caractéristiques très "Euro" de la boîte (et cela peut gêner les plus stratèges, il faut le savoir). C'est aussi un jeu qui peut se montrer austère, avec un thème pourtant très bien travaillé mais qui ne parlera forcément pas à tout le monde.
Mais si cette "originalité" générale ne vous déplait pas sur le papier, soyez-en sûr : Vous tenez avec Iki : A Game Of Edo Artisans l'un des jeux Euros les plus excitants de cette année. Rien que ça !


