
Autant être cash : Je prendrai avec grand plaisir le cadeau d'un lecteur hyper reconnaissant de mon travail s'il m'offrait une Corvette C4 cabriolet rose pétante d'avant 1996 (date de la fin de production). Mais en temps normal, je considère qu'une voiture, cela sert essentiellement à se déplacer d'un point A à un point B. Ce qui me conforte dans l'idée que ma Clio 2, consommant 1.5 L au 100 et aux portières dépareillées, est le meilleur investissement que je n'ai jamais fais.
Pour autant, j'avais hâte de mettre la main sur Kanban EV, le successeur de Kanban : Driver's Edition, qui était l'un des tous premiers jeux d'un Vital Lacerda devenu, entre temps, l'une des références dans son genre. Une petite retouche des règles au programme, mais surtout une grosse amélioration graphique et matérielle, qui vont font perdre autant de pouvoir d'achat ... que gagner du plaisir des sens ?
Qui a vu ma boîte ?
Ce qui ne change pas, c'est l'omniprésence du thème, véritable pierre angulaire du gameplay. Vous êtes en effet plongés ici dans la peau d'un gestionnaire d'usine de montage de véhicules électriques qui a quelques semaines pour réussir à prouver qu'il peut être le digne sous-directeur de Sandra, la patronne un peu collante des lieux.
Le tableau de jeu reprend à cet effet un panel de secteurs de développements nécessaires pour mener à bien la construction d'un véhicule. Vous commencerez toujours par récupérer des plans et des pièces (en les important de la sous-traitance au préalable) en allant piocher respectivement au département de Conception et aux stocks de la Logistique.
Un petit tour à l'Assemblage vous permettra de dépenser vos pièces pour créer des voitures et les envoyer sur la piste d'essai une fois au bout de la chaîne de montage. Le département de la R&D vous offrira, lui, l'opportunité de récupérer des voitures dans votre garage et les améliorer en jouant des plans et pièces compatibles, quand l'Administration sera le moyen détourner d'accéder à tous les autres départements si les emplacements sont occupés.
Car dans Kanban EV, on est sur du classique placement maison d'ouvrier ... à un seul ouvrier (comme dans The Gallerist). Chaque joueur doit d'ailleurs placé son meeple sur l'un des deux emplacements libres d'un département avant que l'on déroule les actions de haut en bas du plateau (de la R&D à l'administration). Vous aurez à ce moment là toujours un certain nombre de point de rotations que vous pouvez dès lors investir, soit dans l'une des actions disponibles, soit dans la piste temporelle de formation liée au secteur. C'est ici une zone à ne pas négliger, car Sandra est représentée par un pion qui va se déplacer de secteurs en secteurs, en sanctionnant celui qui est le moins avancé s'il ne répond pas à ses critères d'exigence.
Et cette Sandra, elle a aussi une étroite incidence sur le rythme du jeu.
Une fois arrivée en bout de piste (signifiant la fin de semaine), elle évalue les garages de chacun en attribuant des points selon la présence de voitures et plans avancés. Mais surtout, chaque demi-tour de circuit réalisé par la voiture de test sur la piste d'essai (elle avance quand des voitures sont réclamées) déclenche une réunion du conseil d'administration en fin de manche. Les joueurs sont alors amenés à investir, chacun à son tour, des "bulles de parole" sur les cartes objectifs publiques révélées après la dernière réunion (ou au début de partie). Dans les deux cas, les marqueurs respectifs progressent, et la fin de partie est annoncée après qu'un des deux ait atteint 3, et l'autre au moins 2.
Vient alors un grand décompte incluant les ressources encore présentes, votre avancée sur la piste rotation (une réserve bonus que l'on peut utiliser durant nos tours de jeu), mais surtout pas mal de choses liées à nos voitures et plans avancés glanés sur notre plateau personnel. En outre, il faut savoir que Kanban EV vient avec "deux modes" de Sandra (une agressive, une plus motivante), et qu'une extension nommée Charge Rapide intègre un système de capacités spéciales additionnel !
Combien vaut l'veau ?
Le plus surprenant dans Kanban EV, c'est indiscutablement la simplicité relatives de ses mécaniques. Un ouvrier à gérer, deux emplacements par secteur (permettant de déclencher maximum 3 actions différentes), des pistes de formation et rotation sans complexité particulière, on a connu vraiment plus ardu dans l'histoire du jeu de société de grandes personnes.
Faudra quand même compter sur des secteurs qui suivent chacun son propre pool de règles, pas mal de déclencheurs de points à surveiller et un décompte final en mode gros micmac qui peut totalement bouleverser l'ordre préétabli. Mais il n'y a pas encore ici les actions conditionnelles, la mécanique qui révolutionne notre façon d'aborder le genre ou les exceptions dans la règle spéciale chères au maître Lacerda, faisant selon moi de Kanban EV le jeu le plus accessible du designer portugais que j'ai pu tester jusqu'à présent.
Cela ne fait pas de Kanban EV une promenade de santé, croyez-moi. Car toute la difficulté du titre est en fait à chercher du côté de l'exigeante planification de ses actions, à optimiser et prévoir par rapport à une stratégie à adapter aux objectifs continuellement changeant de la partie, mais surtout aux mouvements incessants de tous les autres pions de l'usine.
Vous êtes totalement hors tempo par rapport à vos adversaires ? Vous allez souvent devoir vous contenter des emplacements les moins rentables, tout en ratant la majeure partie du temps les voitures et plans qui coïncident le mieux avec les objectifs rémunérateurs de la partie. Vous n'arrivez pas à suivre la cadence imposée par Sandra et à vous former suffisamment ? Vous allez vous manger de la sanction à foison, avec dans le pire des cas une marche arrière brutale sur la piste des points dont il vous faudra un certain temps pour vous remettre.
Cela reste un plaisir masochiste évidemment positif (quand on aime se brûler les neurones), et que tout est fait ici pour subir le courroux de la boss que durant la première moitié d'une "game" (sauf si vraiment, vous faites n'importe quoi ...).
Reste qu'à contrario de beaucoup de jeux du maître, l'opportunisme est valorisé sans commune mesure.
T'es vraiment lent Borg hi hi...
Au delà de l'apparition des plans sur lequel la vigilance prévaut sur tout le reste, la sortie des objectifs de réunion et les choix des certifications communes demandent en effet à modifier constamment sa stratégie générale. Cela pourra déplaire aux plus conservateurs d'entre vous, c'est certain, mais cela permet d'offrir un gameplay sans temps mort, pour des parties dynamiques et plutôt courtes pour le genre.
Et malgré toutes ses particularités appréciables, Kanban EV ne rentre pas dans mes incontournables de Maître V.
Déjà, parce que le thème me semble beaucoup plus intégré aux forceps que sur d'autres de ses œuvres. Oui la logique d'usine est bien représentée, oui il y a vraiment de l'idée dans certaines de ses mécaniques (le restockage, la chaîne de montage, Sandra ...). Mais je ne trouve pas mon bonheur ludique dans cette construction automobile restreinte à 4 voitures et quelques plans d'amélioration, des tuiles dont la double utilisation me laisse encore perplexe.
Et puis il y a ce gameplay qui manque "d'explosivité" (sensation de montée en puissance) et bien trop dépendant d'éléments extérieurs pour me satisfaire pleinement. Le hasard des différents tirages, les choix de vos adversaires sur les zones sensibles (chaîne démontage, certifications), ... trop de choses concordent à vous mettre des bâtons dans les roues pour offrir de la construction progressive et gratifiante comme je les aime.
Cela n'empêche pas que j'accepterai une partie de Kanban EV de temps en temps avec plaisir, car c'est quand même du globalement pas mal du tout. Et que je conçois tout à fait que son esprit Eurogame résolument chaotique plaise à beaucoup de joueurs. Mais moi clairement, si je dois emmener un Lacerda à une soirée gros joueurs, j'en prendrai un autre. Un jeu dont je devrai d'ailleurs toucher deux mots très bientôt je pense ... (hashtagteasingdedingue)
(article sponsorisé par les meilleurs calembours trouvés sur les internets - pas assez d'inspiration le jour de l'écriture arghh... - )

