
Le cerf-volant est une de ces activités que je place dans la catégorie "2 heures de galères pour 30 secondes de plaisir" (mais bon après je n'ai essayé qu'avec des cadeaux de fête foraine, à 12 ans, et avec un bras dans le plâtre).
Je ne saurai jamais si les auteurs de Kites partage la même frustration refoulée que moi, mais ce qui est certain, c'est que vos nerfs vont être mis à rudes épreuves dans ce jeu de rapidité collaboratif sorti tout droit du sac de plage de Matagot.

Votre but dans Kites est simple : Réussir à aller au bout du paquet de cartes général et de vos mains respectives avant que l'un des sabliers arrive à son terme. C'est à une vraie course contre le sable à laquelle vous allez prendre part ici, car dès qu'un sablier est retourné une première fois, il deviendra actif jusqu'à la fin de la partie. Et votre objectif commun sera donc de prolonger "la vie" de chaque chronomètre en les retournant sur leur autre face au moment opportun.
Il existe dans le jeu cinq sabliers, tous de couleurs et de durées variables, plus un sablier blanc "joker". Avant de débuter la partie, tous les sabliers sont couchés au centre de la table, et de 3 à 5 cartes sont distribuées (sans droit de regard) en fonction du nombre de cervolistes à table.

C'est en mettant debout le sablier blanc que vous déclenchez les hostilités. Chaque joueur consulte alors sa main et doit, à son tour, jouer une carte et interagir avec les sabliers indiqués dessus (le mettre débout si première fois, le retourner sinon). À noter qu'un joueur n'a le droit d'interagir avec le sablier blanc seulement s'il joue une carte possédant une seule couleur. Mais dans tous les cas, il finit toujours son tour en piochant une carte de la pioche centrale avant de passer la main à son voisin de gauche.
La pioche est complètement vide ? Un "grand final" est alors annoncé, durant lequel vous devez encore vous débarrasser de toutes vos cartes en main pour remporter la partie. Mais avec la contrainte supplémentaire ... de ne plus pouvoir interagir avec le sablier blanc !

Des règles simplissimes, des règles expliquées en 30 secondes, une accessibilité à la portée du premier venue : Voilà déjà quelques unes de qualités évidentes de Kites, qui fait clairement partie de ces titres qui provoquent facilement un effet "waouhhh".
Car la mécanique, enfantine de prime abord, est vraiment capable de donner le sourire à n'importe lequel de vos joueurs réfractaires, tout en offrant un challenge bien plus ardu que les jolies artworks de Beth Sobel (Wingspan, Cascadia) laissent supposer. La pression temporelle des sabliers s'avère aussi piégeuse la première fois, que vraiment stimulante sur les 20 petites minutes que durent une partie. Et vous aurez toujours besoin de jouer d'autant de temporisation que d'une bonne synchronisation pour réussir à sortir victorieux du défi proposé.

Et si vous trouvez le jeu trop simple, Kites a de la réserve sous le coude, en permettant de moduler votre configuration de départ en ajoutant des paquets de cartes additionnels un peu plus retordes. Au programme, les cartes de type "Tempête", qui obligent celui qui l'a pioche de retourner tous les sabliers à son prochain tour. Les cartes de type "Ligne croisée" forcent, elles, chaque joueur à échanger une carte avec chacun de ses voisins directs. Et vous trouverez dans la boîte des cartes "Avions", qui imposent un blackout vocal jusqu'à ce que le jeu revienne à vous.
À l'inverse, il vous est aussi tout à fait possible de rendre le jeu plus facile en écartant les sabliers Orange et Violet, ainsi que toutes les cartes affichant ces couleurs (mode débutant). Un mode idéal pour initier les plus petits, qui voudront forcément s'y essayer après avoir vu les grands s'y casser les dents.

Une personnalisation qui accentue l'aspect rejouable de Kites, c'est une certitude. Pour autant, je ne suis pas forcément ultra convaincu par ces ajouts qui certes, donneront quelques cartouches de plaisir supplémentaires à un groupe motivé, mais qui ne changent pas résolument les sensations de jeu pour donner envie d'y retourner encore et encore.
Il faut aussi savoir que, malgré une image de jeu universel, Kites ne conviendra pas forcément à tous les publics.
Jeu coopératif et de rapidité obliges, Kites est un jeu où la communication et une vraie réactivité sont primordiales pour l'emporter. Vous n'aimez pas parler ou avez "deux de tension" ? Vous allez certainement autant vous ennuyer que très rapidement frustrer vos coéquipiers, qui pourront s'agacer de ne dépasser le milieu de paquet malgré plusieurs tentatives.

Il est bien sûr possible de compenser la timidité de certains, et on reste ici sur un jeu "fun" à la durée assez courte pour donner envie d'en refaire une dernière pour la route. Mais attention aussi au joueur alpha, qui pourra aussi complètement étouffer l'osmose d'un groupe en prenant le lead stratégique sur l'ensemble de la partie.
Je finirai par rajouter un vrai défaut d'ergonomie, à savoir l'absence des symboles à la fois en haut et base des cartes, ce qui peut vite nuire à la fluidité de votre lecture quand le mélangeur de service n'a pas mis toutes les cartes dans le bon sens.
Reste que malgré tout ça, il y a quand même bien assez de bon dans Kites pour surprendre et toucher, au moins l'espace de 2/3 parties, toute tablée qui découvre son gameplay.
Un concept vraiment frais, un gameplay immédiat. Pour un jeu qui, si je n'en suis pas tombé aussi amoureux que je l'espérais, ne démérite pas du tout sa petite hyper entrevue au FIJ 2023, loin de là !

