Chats. Draft. Combinaisons de cartes. Tetris. Course aux points. Si ces cinq mots évoquent chez vous des sentiments comme joie, détente, plaisir ludique, dépassement de soi, n'allez pas plus loin dans cette critique, et foncez vous procurer L'Île des Chats dans votre boutique préférée. Pour les autres, voici un avis enthousiaste, à chaud, qui vaudra je l'espère son pesant de croquettes pour miaous !
Un jeu chat-crément complet
L'Île des Chats, c'est d'abord un melting pot de mécaniques.
Tout le concept de base de L'Île des Chats repose sur des plateaux individuels "bâteaux", qu'il faut remplir au mieux avec des polyominos chats de couleurs différentes. Le comptage des points finale compte beaucoup sur votre "qualité" de remplissage. Une pièce incomplète c'est -5 points. Un rat non recouvert, c'est un point en moins l'unité. Mais dès que vous avez plus de trois chats attenants de la même couleur, vous bénéficiez d'un bonus "famille", qui croît avec le nombre. Et des trésors rares, c'est trois points l'unité.
Au début de chacun des cinq manches du jeu que compte une partie se déroule une phase de draft, à savoir une récupération de cartes avec obligation de payer leur coût (indiqué en haut à droite) pour les conserver définitivement. Une phase précédée par une étape de bag building qui permet de créer un pool de pièces chats disponibles pour le tour en cours, et qui va vous demander une petite gymnastique mentale pour tester les pièces dans votre navire sans les toucher.
Le jeu intègre une composante gestion de ressource avec le poisson, la monnaie du jeu, qui sert absolument à tout : Acheter des cartes ou des pièces chats, utiliser certains effets spéciaux de carte. Et si on a beau en recevoir vingt au début de chaque manche, il faut savoir gérer son pécule au risque de ne pas pouvoir faire toutes les actions que l'on avait prévues initialement.
L'Île des Chats, c'est aussi plein de cartes, de différentes sortes. Tradition classique (objectif personnel) et publique (liée à tous les joueurs), sauvetage (pour "acheter" des tuiles), action (à jouer n'importe quand), trésor et oshax (chats spéciaux permettant de récupérer des tuiles bonus).
Le jeu offre une variété de stratégies qui permet des parties très ouvertes et indécises jusqu'au bout. Ce qui n'empêche pas un joueur à l'aise de rapidement monter des stratégies en combinant des cartes traditions et actions.
Un jeu qui chat-fouine
Et ce qui est certain après ma partie découverte, c'est que je vais tenter d'acquérir très rapidement ma copie de L'Île des Chats.
Non pas pour sa salade de points finale, peut-être un peu trop longuette et qui tranche beaucoup avec le côté jovial du thème. On peut bien passer dix minutes à déterminer le vainqueur à la fin, ce qui je l'avoue casse un peu le côté "famille friendly", même s'il existe une règle allégée alternative (j'en parlerai plus tard).
Non pas pour son rythme plutôt lent, qui peut déplaire aux joueurs qui mangent trop de frosties au petit déjeuner. L'île des Chats compte en tout six phases par tour (la pèche, l'exploration, la pose de traditions, le sauvetage, la pose de cartes oshax et trésors), en ne comptant pas la pose de cartes actions qui peut intervenir à tout moment. Cinq phases sur sept, on la passe le nez dans les cartes, à réfléchir à son jeu, à les poser. On attend souvent la phase de récupération et la pose des tuiles sur son bateau, vraiment la plus fun et dynamique.
Non pas pour son rôle de "maître de jeu", plutôt ingrat. Gérer l'ordre du tour, annoncer qui doit jouer, tirer les jetons du sac, nettoyer le marché, regrouper toutes les cartes défaussées qui finissent en tas informe. Pour une fois j'étais du côté des "à convertir", et je n'enviais pas le rôle de celui qui initiait, surtout que certains débutants ont oublié des règles cruciales en route.
Non pas pour sa boîte peu pratique, qui manque d'un thermo pour ranger la multitude de cartes, de jetons dans tous les sens, ses gros plateaux.
Un jeu qui m'a fait chat-virer
Et pourtant, malgré tout ça, c'est un jeu incroyable qui sera mien, c'est certain.
Car le thème, en plus d'être incroyablement original, bénéficie d'une intégration soignée. L'île des Chats, c'est déjà un pitch : Le vil Vesh Darkhand et ses armées ont décidé d'attaquer l'île des chats, et vous devez essayer d'en sauver le plus possible sur votre bateau, en n'oubliant pas de récupérer un maximum de trésors anciens. Ca change des barbares, des elfes, des routes ou étendues à construire (souvent l'apanage des jeux de tuiles), et cela donne un chat au jeu qui est chat-crément rigolo*.
Et plus que de faire dans l'esbrouffe, chaque action d'un tour a un sens dans "l'histoire" (il faut des paniers pour récupérer des chats, etc...) et peut être expliquée en suivant un pitch écrit dans la règle. C'est chat-crément malin*.
Car L'île des Chats, c'est un matériel de qualité et surtout une patte graphique qui en jette. C'est Dragolisco, un artiste "internet" dont c'est le premier jeu à la commande, et il a fait pour moi un excellent travail, sauf peut-être sur la boîte, un peu triste. Mais c'est un détail.
Car le jeu peut s'adresser à un public large. Il intègre en effet deux variantes : Un mode "famille", qui met de côté la gestion d'une majorité des cartes et des ressources, pour jouer avec les enfants à partir de 8 ans. Un mode "normal", celui expliqué dans ses lignes, plus exigeant et qui peut faire cogiter les joueurs les plus aguerris. Et si cela ne suffisait pas, le mode solo est réussi, permettant d'y jouer quand ses enfants sont au lit et sa femme partie chauffer le dancefloor en boîte de nuit.
Car L'île des Chats est sacrément créatif dans ses mécaniques. J'adore notamment l'idée du double marché, qui oblige à payer 3 ou 5 poissons en fonction de l'emplacement de la tuile désirée. C'est tout bête, mais cela rajoute ce genre de dilemme intérieur que l'on adore détester, du genre acheter la pièce parfaite trop chère ou suivre la voix de la raison moins gratifiante. Et j'adore aussi que les cartes explorations décident à la fois de notre capacité d'exploration (récupération de chat) et notre priorité dans l'ordre du tour. Impossible de prévoir si l'on va vraiment obtenir les pièces convoitées, et ça c'est horriblement fun et "ambiançant".
Car L'île des Chats est, derrière son aspect enfantin, un jeu riche et parfaitement calibré. Quand on aime la draft et les jeux à la Patchwork comme moi, on est déjà conquis. Mais dans ce jeu, toutes les mécaniques se combinent admirablement bien. Rien n'est n'est superflu, ni trop simple ni trop compliqué. Tout le monde peut y prendre plaisir, du jeune enfant qui aime construire des formes, au joueur qui découvre les jeux modernes "de réflexion", à l'expert qui trouvera quand même de quoi s'amuser une partie.
Voilà pourquoi L'île des Chats est une jolie réussite que je finirai par posséder (édit 1 mois plus tard : C'est fait). L'une des superbes surprises familiales de l'année, jouable avec tous, tout en offrant un petit défi à quiconque désire s'y pencher sérieusement.
Et en plus il est beau, parfaitement fini et à un thème chou, ce qui donne encore plus envie de l'exposer, de le faire découvrir et de le jouer ... que ce soit en famille ou avec ses amis !
* tous les jeux de mots sont assumés par l'auteur de ce texte, désolé ...