Les Tavernes de la Vallée profonde
Wolfgang Warsch est aujourd'hui l'un des auteurs de jeu les plus bankables et attendus du jeu de société. Il faut dire qu'en moins de trois ans, le bougre a marqué de son empreinte le monde ludique : du bag-building familial des Charlatans de Belcastel (Spiel des Jahres 2018), au petit coopératif novateur de The Mind (As d'or 2019), en passant par le roll & write ultra efficace de Très Futé, tout ce le physicien autrichien a tenté ces dernières années s'est transformé en succès populaire.
La recette ? Prendre une mécanique de jeu connue de tous, et la pousser dans ses retranchements pour la rendre aussi savoureuse stratégiquement que ludiquement. Ultra efficace oui, mais pas simple pour autant (sinon tout le monde le ferait hein).
Ce qui détonne d'autant plus avec les Tavernes de la vallée profonde, son premier jeu de gestion expert, qui s'avère être un gros condensé des concepts de jeu à la mode du moment : Placement d'ouvriers, deck-building, lancement de dés, draft, construction de moteur de points, … le jeu foisonne de mécaniques, de concepts imbriqués, à mille lieux de ses premières productions.
Tellement que la première approche s'avère intimidante. Je vous conseille d'ailleurs vivement de vous faire guider par un connaisseur ultra pédagogue, on regarder une ou plusieurs vidéo règles en amont, avant de vous lancer dans votre première partie.
Mais rassurez-vous, après un ou deux tours, on comprend vite comment ça se goupille. Et la lourde tâche qui nous attend. Car diriger une taverne, ce n'est pas du tout repos.
Trente-huit bières pour la six !
Chaque joueur commence la partie avec un plateau personnel évolutif et un paquet de cartes identiques, contenant entre autres clients basiques et membres du personnel (serveuse, plongeuse, brasseur, etc...). Au début du tour, vous allez piocher des cartes jusqu'à ce que vos tables soient toutes occupées.
S'en suit alors une phase de lancé et de draft de dés, que vous devez ensuite répartir au mieux dans une phase d'attribution. Et il y a de quoi faire, tellement il y a de choix : Exécuter une commande de client pour gagner de l'argent, commander de la bière pour attirer de nouveaux parieurs, recruter du personnel (qui offre des bonus), améliorer sa taverne, attirer des clients plus fortunés, etc... les possibilités stratégiques sont nombreuses, et il vous faudra aussi savoir être opportuniste (ou au contraire s'adapter) pour réagir à un tirage de dé ou un marché favorable ou pas.
La grande force des Tavernes de la vallée profonde, c'est qu'il ne fait pas que re-pomper le jeu de placement d'ouvriers moyen. Il le drape d'un thème incroyablement bien intégré pour le genre, fluidifie les parties au maximum au travers de nombreuses phases simultanées, et ce en ne manquant pas d'intégrer quelques subtilités plutôt novatrices (comme le fait de pouvoir acheter de nouvelles tables, ce qui améliore nos chances de tirer plus de cartes, ou de placer ses achats en haut de son deck pour pouvoir en profiter au prochain tour). On se prend vraiment à gérer une taverne, à faire des choix cornéliens pour tenter de maximiser ses revenus sur le long terme.
Vous prendrez bien un p'tit digeo pour la route ?
Et ça, c'est juste lors de la première partie. Car le jeu contient cinq extensions ajoutant chacune une touche de complexité supplémentaire, comme une ressource à gérer (du schapps), une contrainte, … dispensables pour les premières parties, mais incontournables pour ceux qui aiment le jeu et veulent pousser l'expérience un peu plus loin.
Reste que les Tavernes de la vallée profonde est assez punitif si vous prenez un mauvais départ et lent dans son développement, et que vous ne verrez souvent les conséquences de vos choix que lors des derniers tours. De plus, si vous cherchez une compétition directe entre joueurs, ce n'est pas le bon jeu : Dans les Tavernes de la vallée profonde, vous passerez le plus clair de votre temps le nez dans votre bar. Mais si ces « défauts » ne vous dérangent pas et que le thème vous parle, le jeu est aussi rafraîchissant qu'une bonne bière un mois d'été.
