Le jeu Les Tribus du Vent vient peut-être d'inventer le post-apocali-poétique, qui plus est optimiste. Le monde est pourtant bien en détresse, l'humanité a été quasi-anéantie par une nouvelle pollution créée par son propre égoïsme, et les rares survivants ont rejoint la cime des arbres dans des zones forestières encore épargnées par le fléau.
Mais ici il y a un espoir : la magie des éléments (apprise au fil de décennies de souffrance) peut vous permettre de remettre les compteurs à zéro. Et c'est ce le défi que vous propose Les Tribus du Vent, un jeu de développement de Joachim Thôme publié chez La Boite de Jeu.
Mais pour reconquérir ses anciennes terres hostiles et rebâtir des cités, chaque chef de tribu (à savoir vous) devra au préalable dépolluer des zones, replanter des forêts (en y menant au préalable ses voltigeurs) avant d'avoir la possibilité d'y faire apparaître des villages. Il pourra s'aider dans sa tâche de temples offrant après construction des bonus immédiats, ou des capacités propres à son Guide capables de générer des avantages soit uniques soit permanentes.
Chaque joueur débute une partie de Les Tribus du Vent avec un plateau forêt affichant principalement une grille de 3 par 4 cases, occupées en majeure partie par des jetons pollution. Une tuile initiale tirée au sort et placée en haut à gauche de cette grille offre une base de départ de ressources et un pied à terre pour quand il désire faire "popper" des voltigeurs durant sa partie.
Le jeu se base sur un système de développement slash gestion des plus accessibles pour un joueur habitué. Lors de chaque ronde de table, les joueurs n'ont la possibilité d'effectuer qu'une action parmi trois, à savoir poser une carte de sa main, construire un temple ou bâtir un village. Jouer une carte offre cependant beaucoup plus de latitude, car selon son "type" elle peut permettre de supprimer des jetons pollution, déplacer ses voltigeurs récupérer de l'eau ou l'utiliser pour payer une tuile forêt du marché de tuiles commun. Du classique, du connu, de l'efficace.
Et c'est de ce côté là que le jeu sort des sentiers battus : C'est par les contraintes d'activation de ses cartes qui jouent des possessions de vos adversaires. Pour la faire courte, beaucoup d'effets vont demander à comparer sa rangée de cartes avec celles de vos voisins directs afin de déterminer sa puissance. Il y a aussi des cartes proposant un seul effet qui ne peut être activé que si vous avez la majorité dans cette couleur, ou si vous répondez (plus solitairement) à des contraintes dans votre main uniquement.
Cette mécanique repose sur un système d'Élement / couleur. Et le jeu de chacun reste parfaitement lisible grâce à l'affichage explicite de sa "famille" au dos de chaque carte, et la présence de porte cartes plastiques qui mettent à la vue de tous ce que vous possédez à l'instant T.
Et y a rien à redire : Ce concept original, qui a attisé tous les regards sur Les Tribus du Vent lors de toutes ses sorties récentes en festivals de jeux de société, se montre aussi fun qu'il démultiplie astucieusement l'interaction offerte par le jeu.
Vous n'y échapperez pas : Vous serez amener naturellement à optimiser la récupération de vos cartes (en sachant qu'à la fin de votre tour vous serez toujours obligé de compléter votre main à 5), tout en obligeant à garder un œil sur vos adversaires pour deviner ce qu'ils ont en tête et essayer de les ralentir.
Cela offre sur le papier un vrai jeu (d'anticipation et de manipulation) dans le jeu (de développement), et il est fort probable que vous ressentiez une certaine pression lors de vos premiers tours de jeu, à cause de la peur de mal faire ou d'offrir sans le vouloir à votre voisin la possibilité de jouer une carte qui lui était interdite jusque là.
Mon problème avec Les Tribus du Vent, c'est que c'est autant une idée géniale ... qu'elle ne donne pas la pleine mesure de ses possibilités. Alors oui, plusieurs fois vous pesterez de ne pas avoir les conditions requises pour jouer une carte. Où à l'inverse, il se peut que vous souriez intérieurement de voir un joueur jeter la carte qu'il faut pour vous permettre de déclencher la carte rêvée.
Mais dans la globalité de votre partie, ces contraintes ne vont pas drastiquement interférées avec le bon déroulé de votre partie (mis à part si vous restez bloquez un ou plusieurs tours à ne rien pouvoir faire, une situation étonnamment pas expliqué dans le livret de règles). Rendant vite la tension moins palpable et captivante que l'idée mécanique semblait annoncer.
Et le plus dommage, c'est que ce système semble en fait davantage diriger la partie que de donner le contrôle. Je ne compte pas le nombre de fois où je n'avais qu'une carte jouable en main, ou pire j'ai attendu une carte jaune (type souvent lié aux déplacements) afin de pouvoir enfin lancer une stratégie élaborée sur le court terme. Quand ce n'est pas un joueur qui sciemment s'accapare certaines cartes du marché pour frustrer ses adversaires. Surtout possible à 2 joueurs, et vraiment impossible à parer ...
La partie développement / course de Les Tribus du Vent, elle, se montre globalement bien pensée, en jouant de tous les canons du genre (objectifs, capacités asymétriques). Mais je n'arrive pas à m'enlever de la tête que l'ensemble manque de peps, et que l'on ne peut pas vraiment dévier d'un script je nettoie / je construis une forêt / je me déplace / je construis gravé dans le marbre qui rend l'expérience un peu redondante à la longue.
N'allez pas croire avec tout cela que je trouve Les Tribus du Vent mauvais : Cela reste un très bon jeu de course, aussi bien thématisé que mécaniquement moderne et fluide. Incluant (cerise sur le gâteau ) une petite innovation que l'on devrait retrouver à mon avis rapidement dans beaucoup de jeux futurs.
Je ne sais pas si ce sont mes attentes trop fortes autour de sa mécanique phare, ce thème qui m'a donné trop envie, mais je suis pour ma part ressorti un peu frustré de mes mes sessions de Les Tribus du Vent. Un jeu qui fonctionne bien, mais des parties trop "mollassonnes", et un titre qui ne m'a pas semblé offrir autant de profondeur tactique, générer autant de gratification après avoir agit que Living Forest. Le titre intermédiaire qui revient souvent dans le jeu des comparaisons quand on parcourt les discussions entre ludophiles.