Lueur est un jeu de collection de cartes et de draft de dés original sur bien des aspects.
La première chose qui marque en regardant le jeu (et qui a clairement participé au buzz autour de son lancement), ce sont ses illustrations crayonnées tout de noir et blanc, totalement en adéquation avec son sujet.
Dans Lueur , les joueurs incarnent des aventuriers partant en quête de récupérer des éclats de lumière, dans un monde obscurci par les ténèbres qui a perdu toutes ses couleurs. Pour les aider dans leur tâche, ils peuvent compter sur la connaissance des éléments primordiales et surtout de fidèles compagnons, qu'il faudra recruter tout le long de l'aventure.
Et si oui, le design divise les foules, et peut rebuter pas mal de joueurs peu habitués à des visuels aussi tranchés, je trouve pour ma part le jeu juste magnifique. Des cartes personnages qui transpirent leur aspect fantastique, au plateau limite lugubre qui témoigne d'un univers qui a sombré du côté obscure de la force, Loïg Hascoet et Vincent Dutrait ont réussi à insuffler une âme incroyable à un jeu extrêmement limpide dans son déroulé.
En effet, dans une course aux points qui dure 8 tours de jeu, le temps de passer en revue tout le deck de compagnons, les joueurs enchaînent en effet des phases correspondants à des moments de la journée.
À l'aurore, chaque joueur commence par recruter l'un des compagnons disponibles sur la piste des rencontres, en récupérant dans la foulée tous les dés indiquant le même symbole (feu, nuage, feuille, etc..) placés dessus.
Une fois la matinée avancée, tous les joueurs sont invités à lancer leurs dés en même temps. C'est à ce moment là qu'ils ont la possibilité de perdre des éclats de lumière ou d'utiliser des jetons relances pour tenter de changer les résultats de leurs dés.
Le midi vient le temps de résoudre ses cartes compagnons, dont la majorité dispose d'une capacité activable selon une combinaison particulière de dés.
Vient ensuite l'après-midi, qui permet aux aventuriers de se déplacer dans le monde, suivi de la soirée où une nouvelle rangée de compagnons est rendu disponible, et tous les dés utilisés placés sur les cases correspondants à leur symbole.
Comme dit, les règles sont très accessibles, et les mécaniques employées (draft, lancer de dés) font dans le classique et l'efficace. Mais cela n'empêche pas Lueur de proposer quelques idées plutôt intéressantes.
La première, et non des moindres, c'est la double utilisation de ses dés. Une fois lancés, les petits cubes vont à la fois servir pour déclencher les pouvoirs des compagnons (le pool est de nouveau disponible entre chaque carte), et permettre au héro de se déplacer sur le plateau central (en dépensant les ressources indiqués entre chaque case).
La seconde vient quant à elle de la diversité des cartes compagnons. Si beaucoup s'activent lorsque l'on obtient des éléments spécifiques (classique), d'autres peuvent s'activer quand un ou plusieurs symboles n'apparaissent pas (jamais vu dans un jeu). En outre, certains compagnons ont un comportement particulier : ils offrent un très gros avantage sur le moment ou en fin de partie, mais disparaissent sur une combinaison de dés spécifiques. Avec pour certains un deuxième effet négatif, avec l'octroiement d'un malus !
Et il y a pas a dire, toutes ces petites choses rendent l'expérience éminemment tactique. Dans Lueur , on se voit souvent tirailler entre ses choix sur le court et le long terme, et des tirages de dés qui nous demande à choisir entre des gains via les cartes ou le plateau. Même si le hasard des dés peut impacter votre partie en favorisant vos combos impossibles ou au contraire, vous empêcher d'obtenir un élément souhaité durant toute la partie, le jeu offre assez de moyen de changer ses dés pour ne pas rendre une partie totalement frustrante.
De plus, en permettant de jouer souvent en simultané, les tours s'avèrent fluides et offrent des parties tenant en moins d'une heure, parfait pour introniser des nouveaux joueurs au genre ou remplir un petit créneau de nos agendas surchargés.
Si je pouvais émettre une réserve, je trouve juste dommage que la partie plateau ne soit pas plus exploitée. Si son système double face permet très judicieusement d'apporter une variance dans les parties (en changeant légèrement les règles), et de gagner des points souvent déterminants pour la victoire, je trouve que la progression est beaucoup trop simple et aurait mérité l'ajout d'une dose d'interactivité, que ce soit collaborative ou compétitive. Au regard du thème, un vrai parcours d'obstacles comme Frodon Sacquet et ses compères demi hommes aurait donné un surplus épique des plus savoureux.
N'empêche que j'ai eu un joli coup de cœur pour Lueur qui, derrière des aspects très mécaniques et vraiment habituels pour le genre, tire son épingle du jeu grâce à une certaine richesse tactique, saupoudrée d'un thème puissant et surtout une patte artistique... à tomber dans l'obscurité !