Lorenzo Il Magnifico, cela vous parle ? Si non c'est vraiment dommage, car c'est un excellent jeu de pose d'ouvriers Euro, qui ne truste pas le top 100 de BG depuis des années par hasard... mais qui n'est malheureusement plus très simple à trouver.
Soyez donc heureux d'apprendre que depuis cette année, il existe une version de cartes nommée Masters of Renaissance, qui vous permet de regoûter à cette course au prestige en mode condensée dans le Florence du XIVème siècle.
Et ce Masters of Renaissance se la joue pur engine building, dans lequel vous devez acquérir des ressources pour acheter des cartes de développement, qui à leur tour vous permettront de démultiplier vos ressources afin de progresser plus rapidement en points de prestige via les cartes ou la progression sur la piste de foi. D'ailleurs ce sont les deux leviers qui permettent de signifier la fin de partie : Dès qu'un joueur récupère sa septième carte ou réussit à conquérir les faveurs du Pape (en allant au bout de la piste foi), le jeu prend fin, et un décompte final (incluant des lots de ressources) termine de déterminer le vainqueur par la taille de sa renommée.
La gestion des ressources se base sur deux systèmes chaînés. Il y a d'abord un premier sas temporaire (l'entrepôt) qui permet seulement de conserver un ensemble de 1, 2 et 3 ressources identiques. Vous pouvez réorganiser votre entrepôt comme bon vous semble à chaque gain de denrée, mais dès que vous êtes obligé de procéder à une défausse vous faites gagner de la foi à vos adversaires.
Heureusement, les cartes de développement que vous allez acquérir durant la partie permettent, elles, de transformer des ressources et de stocker les nouvelles dans votre coffre-fort, celui-ci à la contenance illimité.
Un joueur a trois options à son tour. La première, c'est de profiter du Marché grâce à un astucieux présentoir contenant 12 billes, dont on ne peut récupérer les ressources correspondantes au couleurs de billes que d'une ligne ou d'une colonne au choix. Une fois les ressources récupérées, la dernière bille laissée vacante est intégrée dans la ligne ou la colonne choisie, ce qui a pour effet de libérer une autre bille et de mettre à jour le Marché pour les joueurs suivants.
Le seconde action possible, c'est d'acheter une carte de développement, s'il peut satisfaire bien sûr aux ressources requises. Le centre de la table propose 4 familles de cartes, composées chacune de 3 niveaux, et chaque joueur ne peut en acquérir une que s'il peut la superposer avec une carte de niveau directement inférieure achetée au préalable sur son plateau personnel.
La troisième option de jeu consiste à activer tous ses développements visibles, en allant de la gauche à la droite de son plateau, sans pouvoir utiliser des ressources achetées durant le déroulé de l'action.
Masters of Renaissance intègre aussi un système de cartes Leader, qui une fois activées propose un effet puissant comme une réduction à l'achat sur une ressource particulière, des cases d'Entrepôt en plus ou des capacités de production supplémentaires.
Et s'il y a bien un point sur lequel je suis d'accord avec moi-même, c'est que le titre coche toutes les cases du petit jeu de course accessible et tactique, tout en proposant un équilibre mécanique certain. Il n'y a vraiment rien de superflu dans Masters of Renaissance. Avec sa logique de développement simplifiée à l'extrême (je récupère des ressources, je produis) et son nombre d'actions qui tient sur les doigts d'une patte d'émeu, la prise en main est immédiate, la réflexion monte crescendo, et les tours s'enchaînent rapidement, bien aidés par l'action unique par joueur qui empêche de bloquer la main plus que de raison.
Dans son classicisme, Masters of Renaissance propose néanmoins une chouette originalité avec son plateau de ressources. On pourrait bien sûr disserter longtemps de sa réelle plus-value mécanique par rapport à d'autres systèmes plus "tradi", mais il a le mérite de marquer les esprits, en plus de permettre aux joueurs attentifs de jouer avec le positionnement des billes pour embêter ses petits camarades de jeu.
Reste qu'après s'être amusé quelques tours avec les billes (nostalgie, quand tu nous tiens...), une certaine lassitude pointe peu à peu le bout de son nez. La première cause, c'est la certaine répétitivité des actions, un effet qui malheureusement s'accroit d'autant plus une fois que l'on a gratté les quelques cartes de développement nécessaires à sa stratégie. On finit par enchaîner les mêmes options de jeu, se servant des ressources produites pour effectuer une autre production, entrecoupées de passage succincts au Marché pour compléter son stock déclinant.
Le fait que les cartes développement se ressemblent un peu toutes n'aide vraiment pas à dynamiter la partie. On finit souvent par acheter assez machinalement par intérêt en points, tout en faisant juste attention à maintenir sa routine de production cohérente. Il n'y a pas non plus de décisions folles à prendre vis-à-vis des cartes Leaders, qui n'apportent pas des compétences assez puissantes pour être des "game changers" qui vont surprendre tous vos adversaires et créer des renversements bouleversants.
Et je ne suis pas vraiment convaincu par ce thème, qui s'estompe bien trop rapidement devant des mécaniques ultra calculatoires. L'absence de background sur les cartes et plateaux, le design vraiment terne de l'ensemble, ne favorisent vraiment pas l'immersion dans une époque de la Renaissance qui ne transpire dans aucun pore du jeu. Bien sûr, un thème ne fait pas tout, mais c'est quand même pas simple à vendre quand à côté on a 10 boîtes de jeu avec des mécaniques similaires dans sa ludothèque, et qui se montrent beaucoup plus aguicheuses.
Reste tout de même un jeu aux mécaniques fonctionnelles, immédiates et pas si déplaisantes que cela. Mais tant qu'à vouloir faire un tour dans l'univers de Lorenzo Il Magnifico, autant arpenter le net de fond en comble pour récupérer le papa, afin de profiter d'un jeu certes plus dense et long, mais beaucoup plus captivant de bout en bout.