Est-ce vous pensez possible qu'un jeu soit victime d'un délit de faciès ? Je peux en tout cas vous affirmer que oui, après avoir longtemps considéré Meadow comme un jeu poussiéreux et daté à la seule lecture de ses règles ponctuée de quelques photos de l'éditeur.
Cela aurait pu s'arrêter à des aprioris éternels complètement puériles, si je ne m'étais pas mis en quête plusieurs jours durant d'un titre récent amené à renouveler la section "petit jeu stratégique universel" de notre ludothèque familiale. Dans ma recherche longtemps frustrante (on en a quand même essayé un paquet), beaucoup de mes pistes les plus viables finissaient par pointer irrémédiablement sur le dernier rejeton de chez Rebel.pl.
Autant blasé que pressé d'essayer quelque chose de nouveau, je me suis finalement décidé à sauter le pas, sans vous cacher que mon emballement n'était pas au beau fixe. Et je suis bien heureux aujourd'hui de vous dire que je n'étais en fait qu'un sombre idiot. *
Et pourtant, j'avais raison sur une chose : Le gameplay du titre ne révolutionne pas le monde ludique. Meadow est un pur jeu de collection où vous allez pouvoir utiliser chacune de vos marqueurs poteaux de clôture soit pour aller récupérer une carte sur un plateau commun (avec le droit d'en jouer une de votre main dans la foulée), soit pour aller déclencher une action particulière (avec la possibilité de "gratter" quelques points de victoire en sus si vous avez satisfait à une condition de jeu).
La première zone citée correspond à une grille de dans une grille de 4 par 4 cases où la valeur indiquée sur le poteau que vous allez glisser dans une des 12 encoches détermine le numéro de la carte que vous devez prendre dans la rangée correspondante.
Chaque colonne de cette grille est liée à un tas de cartes différent (W-Ou-est, Est pour les extrémités, Sud puis Nord en milieu de partie pour les deux centrales) qui offrent différentes possibilités. On trouve déjà des cartes sol, qui ne peuvent être que le point de départ d'une de vos collections (10 maximum autorisées dans votre "Prairie"). Chacune indique un type de terrain mais arbore aussi le symbole d'une créature qui pourrait en faire son habitation.
C'est sûr, ces cartes que l'on peut superposer sans limitation de nombre des cartes Observations qui elles peuvent proposer plus de symboles de créatures. Mais attention ! Pour avoir le droit de poser une carte, il faut pouvoir très souvent satisfaire à la présence de certains symboles visibles dans toute votre zone de jeu, en prenant en compte en tout temps que chaque carte posée cache le ou les symboles de la carte en dessous pour la suite de votre partie.
Et il y a deux autres types de cartes, en format paysage celles-ci, qui sont liées à la partie supérieure de votre zone de jeu. Les cartes Paysages demandent toutes de récupérer des jetons routes, et les cartes Découvertes peuvent les recouvrir si on répond (encore une fois) à des contraintes de symboles visibles.
Pour utiliser l'action spéciale indiquée sur un marqueur poteau de clôture, il faut par contre aller l'enchâsser dans un des espaces libres du plateau "feu de camp". Prendre n'importe quelle carte du plateau principal, récupérer deux routes, regarder les 3 premières cartes d'une pioche et en conserver une, ou jouer jusqu'à 2 cartes de sa main sont les effets que vous pouvez déclencher par ce biais. En plus de cela, vous pouvez juste décider de poser une carte de votre main (si vous arrivez à mettre votre poteau sur un des sièges disponibles), et vous pouvez même gagner un bonus de points pour le décompte final si vous arrivez à en placer un entre deux icônes disponibles autour du feu.
C'est simple, plutôt évident pour n'importe qui ayant déjà joué à un jeu de collection, mais qu'est ce que c'est prenant ! Meadow est de ce genre de titre qui met l'anticipation et la planification sur un piédestal. Pour réussir ici, il faut vraiment réussir à prévoir sa main de cartes pour permettre de s'offrir une option à jouer à chaque tour minimum. Il y a vrai dialogue interne qui se créé dès que vous récupérez des cartes, du genre "je veux absolument mettre cette carte A. Mas pour cela j'ai besoin des icônes B et C. Mais si je pose la carte D je vais couvrir une icône qui pourrait me servir plus tard... " aussi prise de tête que grisant tout au long de la partie.
Ce travail de dominos prend encore plus d'ampleur dès le passage aux cartes Nord, qui sont plus difficiles à placer mais cruciales pour glaner de gros points. Beaucoup d'entre elles nécessitent d'avoir bien travailler son éventail de terrains en amont, tout en laissant une chance à tous de revenir dans la partie.
C'est sûr cette réflexion prospective continuelle peut ne pas convenir à des joueurs cherchant un titre plus "calme" cérébralement, et le tirage peut souvent agacer quand vous attendez depuis 4 tours un symbole loup qui pourrait déclencher une cascade de "moves" diaboliques (du genre à provoquer des petits rictus en coin tellement vous êtes fiers de vous). Mais Meadow reste un jeu "doux", parfaitement jouable avec des enfants ou des néophytes, qui sait ne pas bloquer définitivement la partie d'un joueur, via ses actions de feu de camp ou la possibilité de remplacer un symbole manquant par deux cartes notamment.
Si le jeu récompensera toujours les plus réactifs ou "visionnaires" sur le long terme, il y a toujours quelque chose à faire, on ne sent jamais lésé, et vous finirez toujours par jouer de cartes "puissantes" qui rendront votre partie satisfaisante.
Et ce qui ne gâche rien, c'est que le jeu est en fait... trop beau ! J'avais pourtant de vrais aprioris sur le style visuel de Karolina Kijak, qui me donnait l'impression en photo de me replonger dans des revues scolaires ou des romans tirés du grenier des grands parents que l'on avait juste envie de mettre de côté pour aller lancer une partie de jeux vidéos. Mais une fois la boîte de Meadow en main, il y a une vraie magie qui opère. La nostalgie prend le pas sur les "mauvais souvenirs", on se laisse emporter naturellement dans des illustrations sublimes (toutes uniques !) qui savent mettre un relief une production tout aussi qualitative.
Meadow, un vilain petit canard qui cachait en fait un majestueux cygne blanc dans mon esprit ? Assurément, et je ne peux que vous conseiller de vous y intéresser vivement si vous aimez les jeux de collection !
* Je le suis toujours, mais j'ai l'impression d'avoir gagné un point de karma dans l'affaire ...