
Est-ce que vous vous êtes déjà posé cette question fondamentale, à savoir si vous pouviez citer plus de peintres célèbres que d'illustrateurs du monde du jeu de société ? Moi je me suis prêté à l'exercice pour l'occasion, et je peux vous dire que le résultat ne devrait pas plaire à mes profs de collège et de lycée réunis.
Mais j'ai depuis l'acquisition de Museum : Pictura commencer à laver leur affront (car moi, de l'honneur, j'en ai plus depuis longtemps). 180 cartes de peinture richement illustrées et légendées couvrant trente artistes, cinq périodes historiques et six genres, c'est la base conséquente qu'offre le titre dans votre course à la collectionnite.
Car dans Museum : Pictura, vous incarnez un collectionneur d'art dans les Années folles chargé de créer le musée le plus impressionnant, et tous les coups sont permis, même piquer des œuvres chez vos voisins !

Oh mon tableau-o-o-oooooo ... *
Chaque joueur débute son aventure avec un plateau musée vide de 5 fois 5 emplacements. La disposition finale de vos œuvres aura une importance car vous gagnerez en fin de partie des points selon les adjacences de tableaux du même auteur, de la même période ou de la même thématique. Ce cryptique de contraintes s'avère d'ailleurs être le moteur de renommé du jeu, puisque vous perdrez / gagnerez des points de prestige régulièrement selon les tendances du moment (carte dévoilée en début de chaque manche) et les demandes des musées internationaux avec lesquels vous traiterez.
Un tour de joueur actif débute d'ailleurs toujours par une phase obligatoire de commerce slash acquisition. Après avoir pioché deux cartes peinture depuis le marché de l'art (la pioche commune), celui-ci doit ensuite troquer une carte avec l'un des quatre musées (Tokyo, Madrid, Victoria, Moscou) du plateau central, puis adapter son scoring s'il offre ou enlève une carte répondant aux exigences du musée correspondant.

Une fois qu'il a effectué son échange, les autres joueurs (dans l'ordre du tour) ont également la possibilité de réaliser une transaction, leur offrant l'occasion de réagir rapidement à la mise à disponibilité des tableaux qui pourraient leur convenir.
Le joueur actif peut ensuite procéder à l'une des trois actions du jeu.
La première (améliorer son musée) consiste à poser des cartes de sa main sur son plateau, en se délestant à chaque fois d'une carte dans sa défausse personnelle. Il est aussi possible aussi de récupérer une carte de la défausse d'un joueur, mais celui-ci gagne alors un point de prestige, quand le joueur actif doit en perdre un.

La deuxième action possible est de réaliser un inventaire, ce qui consiste à récupérer les cartes de sa défausse en main puis de récupérer une carte faveur tout en réinitialisant les cartes mécénat du plateau dédié.
Ces deux types de cartes sont liés à deux actions gratuites réalisables une fois par tour, et offrent en général un gain en cartes ou en points de prestige. La différence se situe sur le fait que les cartes faveurs sont personnelles et n'ont pas de coût d'activation, alors que les cartes mécènes sont communes à tous les joueurs et disparaissent du mini-plateau une fois les contraintes requises respectées.
Reste à évoquer la réalisation d'une exposition temporaire, l'action la plus rémunératrice de Museum : Pictura. Un joueur peut dès-lors faire fructifier l'une de ses collections (contenant au minimum 4 tableaux adjacents d'une même période ou sujet) en échange de points de renommée et du plus haute badge de ce type encore disponible. Ce jeton est ensuite placé sur l'un des six emplacements supérieurs de son plateau pour activer une capacité immédiate ou prenant effet lors du décompte final.
Ce scoring rajoute des points additionnels si vous remplissez la galerie centrale de votre plateau avec des tableaux de la même collection, et si votre musée est plein. Vous gagnerez aussi des points en fonction des expositions temporaires réalisés et un dernier décompte de vos collections (vos tableaux peuvent être réarrangés à tout moment durant la partie). La fin de partie survient généralement quand un joueur atteint 50 points de renommée, ce qui déclenche un dernier tour.

Muscle Museum **
Je vais la jouer franco : j'ai eu un vrai "crush" pour Museum : Pictura.
Derrière des mécanismes de transaction de cartes et d'association très simples en apparence, le jeu réussit à proposer un puzzle game aussi dense que grisant par l'ajout de subtilités aussi addictives que bien pensées.
Les tendances mondiales en sont l'un des meilleurs exemples. En plus d'obliger à surveiller constamment le plateau central afin de récupérer avant les autres les bonnes peintures au bon moment, cette mécanique ne fait que se compléter à une interaction directe qui rend le titre beaucoup plus "communautaire" qu'il laisse supposer de prime abord.

C'est certain, on peut très bien jouer à Museum : Pictura seul face à sa galerie, surtout que l'aspect optimisation est très présent et demande une attention de tous les instants, surtout en fin de partie.
Mais ne pas surveiller les actions de chacun, jeter régulièrement un œil à la défausse de ses voisins, c'est se priver d'une grosse partie de la dynamique du jeu, tout en s'ôtant clairement des chances de l'emporter (les scores pouvant se montrer très rapprochés entre des joueurs de bon niveau).

Et puis il y a l'intégration de ce thème. J'ai beau être profondément plus Giger (l'artiste derrière Alien) que Rembrandt, Cézanne ou Picasso (surtout depuis sa dernière voiture), impossible de ne pas prendre plaisir à construire sa galerie, troquer avec les musées internationaux, tout en essayant de gratter des points de tendance partout où l'on peut, avec une direction artistique aussi magistrale.
Chaque (re)découverte de peinture est une belle surprise, bien aidé par des cartes de grande taille qui donne la part belle aux visuels.
Alors je les vois déjà venir, les connaisseurs pourront toujours s'agacer que la superposition des cartes empêche la majeure partie du temps de contempler ces "merveilles" de l'Histoire. Mais je pense qu'ergonomiquement cela aurait été compliqué (à part vendre des tables de banquet Louis XII en option). Et le jeu offre assez de temps morts entre deux décisions et ajustements pour profiter de visuels dont l'intérêt reste au final purement cosmétique.

Je ne mentirai pas en disant que Museum : Pictura n'a aucun défaut. Le rythme de partie peut être un peu trop lancinant face à des joueurs qui veulent masteriser chaque coup; Certaines faveurs sont un peu trop puissantes; Le hasard de la pioche peut dans certains cas créer des disparités qu'il est agaçant de devoir combler ...
Mais Museum : Pictura offre tellement de moyens de retourner des situations (par le jeu des mécènes, des défausses), sait générer une telle tension permanente jouissive par le jeu des pistes de renommée, que je lui pardonne sans broncher ses petits écarts. Car ce n'est vraiment pas tous les jours qu'on peut monter son petit Louvre personnel, sans rien y connaître en plus !


