Uwe Rosenberg et le polyomino, c'est une grande histoire d'amour ludique. Si l'auteur allemand est davantage connu pour ses gros jeux expert de placement d'ouvriers (Agricola, Caverna et Le Havre en tête), le mathématicien de formation s'est aussi pas mal illustré par le passé avec des petits jeux de tuiles légers comme Cottage Garden et surtout Patchwork, l'un de ses hits internationaux.
New York Zoo, le jeu qui nous intéresse aujourd'hui, reprend d'ailleurs beaucoup des mécaniques de son titre phare : Un plateau individuel à remplir le plus copieusement possible; Un chemin de ronde circulaire qui permet de choisir avec contrainte l'action ou la pièce à sélectionner; Et ces fameuses pièces style "Tetris" qu'on adore détester placer dans des espaces trop exigus.
La première chose qui va vous marquer avec New York Zoo, c'est le choix d'une nouvelle thématisation plus universelle (difficile de faire pire que le point de croix), à savoir la conception d'un zoo animalier, parfaitement mis en avant visuellement. Je ne pense pas être loin du compte en disant que le titre n'est pas loin de mon Top 3 des illustrations de boîte all-time, et dans les plus belles représentations d'animaux en tout genre en meeple de bois !
Une vraie claque de rétine aller-retour qui, couplée à un matériel cartonné de très bonne facture (même si plateaux un poil fin), donne indiscutablement envie de se lancer dans une partie. Et cela tombe bien, New York Zoo est un jeu qui se lance vite, et qui propose des règles assez intuitives (même s'il faudra jongler avec des variations selon le nombre de joueurs). Avec un but limpide, être celui qui remplira complètement son parc de tuiles en premier.
Pour mener à bien cet objectif, chaque joueur reçoit au départ un plateau individuel (spécifique en fonction du nombre du joueur et de sa place dans l'ordre du jeu). Le circuit de l'éléphant, initialement placé en centre de la table, voit la majorité de ses espaces remplis de trois tuiles de tailles différentes, selon une configuration explicite sur le bandeau d'action.
Un joueur doit à son tour avancer le pachyderme, dans le sens des aiguilles d'une montre, de 1 à X cases actives (dépendant du nombre de joueurs), et selon la case d'arrivée prendre la tuile enclos supérieure du tas ou récupérer des animaux.
Dans le cas d'un agrandissement de parc, il est obligatoire de remplir la nouvelle tuile placée avec un animal, provenant soit d'un autre enclos disposant au moins de deux unités, soit de vos quelques habitations réserve. Si vous devez accueillir de nouveaux animaux, vous devez prendre les deux indiqués sur l'illustration ou celui de votre choix, en les disposant ensuite de telle sorte qu'ils rejoignent soit une habitation ou un enclos vide, soit ou un enclos contenant des membres de leur espèce.
New York Zoo vient avec deux autres concepts qui permettent d'accélérer sensiblement le rythme de jeu en partie.
Le premier est une mécanique automatique de naissance. Si pendant le déplacement initial l'éléphant a traversé l'une des cinq lignée d'élevage du circuit, une phase de naissance est déclenchée après la phase d'action du joueur. Tous les joueurs qui ont alors au moins deux animaux de l'espèce indiquée dans un même enclos "font un bébé" à placer immédiatement dans le même espace.
Le deuxième est lié au développement d'attractions, et se déclenche chez un joueur dès que l'un de ses enclos est rempli en totalité (avec un meeple animal par case). Il lui est alors possible de vider entièrement l'enclos en échange d'une des tuiles bonus encore disponibles dans le pool commun. Ces tuiles vont du grand manège 3x2 cases permettant d'étendre rapidement son parc, à des micro commerces 1x1 cases, parfaites pour remplir des espaces gênants que vous avez laissé accidentellement derrière vous.
Et tout ceci fait de New York Zoo un jeu finalement pas désagréable.
Ce que j'apprécie le plus dans ce titre est indiscutablement la partie placement de tuiles. En plus d'imposer une réflexion globale autour de l'équilibre optimal à trouver entre tuiles classiques et attractions, le jeu impose des polyominos aux formes plus complexes qu'à l'habituée qui densifie l'expérience. Alors c'est sûr, on pourra toujours retorquer que ce n'est pas très réaliste, et que les concepteurs de parcs ont d'avantage l'habitude de miser sur des formes simples pour optimiser leurs parcs. Mais le choix est bon selon moi, car il permet de s'affranchir un peu plus de la "simplicité" Patchwork tout en ajoutant un défi pas malvenu aux joueurs qui apprécient le genre.
Je reste moins convaincu en revanche par le retour de la "rondelle". Si ce système de sélection en circuit fonctionne bien à 2 (et à fait le succès du jeu évoqué plus haut), son influence "incontrôlable" devient beaucoup plus importante à 4 ou 5. Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis retrouvé au même endroit sur plusieurs tours, en n'ayant pas plus de choix pertinents vis-à-vis de la stratégie que j'avais établi à l'origine. Ce qui peut s'avérer un peu frustrant à la longue.
Et j'ai un peu le même ressenti négatif par rapport à la gestion des animaux, sous-utilisée à mon sens. Si les petites contraintes qu'elle impose et les subtilités qu'elle permet (attractions) sont intéressants sur le papier, cela n'ouvre pas assez le "bouquin" de stratégies possibles, qui se résume finalement à deux grands choix : Se concentrer à fond sur l'obtention des tuiles de base les plus optimales pour lui, ou miser tout sur les naissances pour récupérer un maximum d'attractions pouvant compléter son œuvre.
Le rythme de partie se montre dès lors quelque peu lancinant, limite répétitif, sans véritable possibilité de s'emballer ni de voir éclore des rebondissements à foison. Le premier joueur garde souvent plus de chance de réussite que le dernier (malgré les plateaux adaptés), et le joueur leader de mi-course le restera jusqu'à la fin. Pas glop pour créer une vraie émulation autour de la table.
Je pense sincèrement que New York Zoo aurait eu grand bénéfice à proposer des conditions de pose additionnelles sur certaines tuiles ou des objectifs de fin de partie pour pousser le curseur réflexion quelques crans au dessus. Cela aurait peut-être rendu le jeu moins accessible certes, mais aurait offert en contrepartie une tension de jeu un peu plus constante, comme dans l'excellent Meeple Land. Un peu incompréhensible vu le pédigré du bonhomme (et son historique ludique), car il avait pourtant toutes les cartes en main.
Le jeu fonctionne tout de même bien malgré cela. Mais sera dès lors peut-être plus à réserver à un cercle familial avec enfants débutants qui seront forcément attirés par l'accessibilité et l'aspect visuel ultra alléchant du titre. Et nul doute que beaucoup de parents aimeront aussi s'employer gentiment tout en en prenant plein les yeux !