Oriflamme, c'est LE jeu qui fait débat cette année. Arrivé un peu sur la pointe des pieds fin 2019, il vient coup sur coup de glaner le titre d'As d'Or et une belle nomination au Spiel Des Jahres, rien que ça... Le problème, c'est que ses distinctions n'ont pas plu à tout le monde, et il n'y pas un jour qui passe sans que cela jase sur les internets.
Il était donc d'ordre d'utilité public, voir de sécurité nationale (jeu français oblige, cocoricoooo!!!!), que je me fasse mon propre avis, et que je vous en donne la teneur, juste et impartiale. Surtout qu'avant tout ce mic mac, j'en avais jamais entendu parler ...
Un format boîte d'allumettes
Oriflamme, c'est un jeu qui fait dans l'efficacité. Sa boîte, rikiki, possédant un système de tiroir bien sentie, cache en réalité une belle dose de matériel, dont une cinquantaine de cartes, une flopée de jetons influence, une feuille double page comme notice et une dague d'orientation de sens du jeu. Le pitch lui, l'est tout autant : Le roi de France est mort, sans successeur désigné, et vous incarnez l'une des cinq familles du royaume opportunistes bien décidées à s'emparer par tous les moyens du trône laissé vacant.
Dans les faits, cela se traduit par un jeu de bluff, de coups bas et de tactique basé sur des cartes personnages à effet, dans la même veine que Citadelles, Masquarade ou Love Letter. Chaque joueur va devoir placer au mieux sa famille dans l'échiquier "politique" (symbolisée par une file commune sur la table) afin d'engranger plus de points d'influence que les autres au terme des six tours que compte une partie.
Chaque joueur débute pour cela en piochant au hasard sept des dix cartes de son paquet de couleur, les trois autres étant écartées pour le reste de la "game" (canadien deuxième langue).
Lors de la première phase (de placement), les joueurs sélectionnent tour à tour l'une de leurs cartes en main, à l'abri des regards indiscrets, et la place à l'une des extrémités de la file centrale commune (qui commence bien sûr à vide).
On les passe ensuite toute en revue lors de la seconde phase, celle de résolution, dans le sens indiqué par la dague posée en début de partie. Si la carte est face cachée, le joueur a qui appartient la carte a deux choix : La laisser telle quelle, afin d'engranger dessus un jeton d'influence tiré de la réserve. Soit la retourner face visible, au quel cas il se doit d'appliquer son effet tout en récupérant les éventuels jetons placés dessus lors des tours précédents.
A noter que certaines cartes d'Oriflamme sont en fait des actions, qui disparaissent après utilisation de l'effet. Et certains personnages puissants permettent de réactiver leur effet si elles étaient déjà face visibles à ce moment là.
Allumez le feu
Je ne vais pas faire durer le suspense (insoutenable) plus longtemps : Oriflamme est une vraie et belle surprise. Et pourtant il partait de loin, car je vous avouerai que je ne suis pas super fan de ces jeux à personnages à la base. Bien sûr, j'en vois l'intérêt ludique. Et je comprends que ce genre de jeu, rapide à sortir, légèrement tactique, un peu hasardeux, fourbasse à souhait, plait au plus grand nombre. Mais je n'arrive pas à me sentir investi dans ce type de confrontation, cela à tendance à vite m'ennuyer, et j'ai souvent du mal à me passionner plus de deux parties...
Mais Oriflamme réussit là où les autres ne m'ont pas convaincu. Déjà, par les illustrations réussies de l'artiste Tomasz Jedruszek. C'est beau, c'est dark, ça met tout de suite dans l'ambiance, et ça rappelle aux bons souvenirs des meilleurs épisodes politico-guerriers de Games of Thrones, dernière saison exclue (les scénaristes ayant quitté le navire mentalement un avant avant la fin).
Et surtout, pour sa mécanique de file séquentielle bien trouvée, qui demande timing, adaptation constante et autorise vraiment un large panel de fourberies. Bien sûr, dans Oriflamme, il y a une grosse part de hasard et de chance inhérentes au genre, et encore plus ici quand toutes les stratégies convergent vers cette maudite file. Mais grâce au choix qui nous ait laissé de retourner ou pas les cartes, on garde un contrôle suffisant pour que le chaos; la frustration et l'aléatoire ne prennent pas le pas sur la tactique.
Et ce qui ne gâche rien, les personnages sont tous très variés. De l'héritier qui seul représentant de son genre dans la file permet d'accumuler deux points de victoire par tour, au garde qui a le luxe de se débarrasser de l'un de ses deux voisins contre un point d'influence, le jeu offre un paquet de possibilités d'engranger de la renommée. On se surprend même à tenter toute sorte de perfidie et de combinaisons aventureuses, et la satisfaction est grande quand on réussit un coup de maître (ou chanceux, mais ça on ne le dit pas).
D'ailleurs, il vous faudra certainement plusieurs parties pour vous prendre toute la mesure de la richesse d'Oriflamme, qui malgré peu de règles et une accessibilité détonante offre une profondeur inégalée. Et ça tombe bien, car une durée de vingt minutes en moyenne, vous aurez largement le temps d'en enchaîner 3 ou 4 !