Paper Dungeons est le tout premier jeu qui revendique appartenir au genre du scrawler game. Un jeu de mot astucieux jouant sur les termes anglais scrawl (griffonner) et crawler (se faufiler), et qui en fait finalement le tout premier représentant ... des jeux d'exploration de donjon sur papier !
Je marche seul ...
Avant de vous lancer dans l'aventure, sachez que le jeu requiert de choisir l'une des 12 cartes "scénarios" du jeu, qui va décider notamment du type et de l'emplacement des trois monstres légendaires que vous allez devoir occire dans une durée immuable de 8 tours.
Et la tâche ne sera pas aisée. Vous partez au départ avec un groupe de quatre héros - un guerrier, un magicien, un clerc et un voleur - de niveau 1, un inventaire vide, et toute une légende "à écrire" sur une feuille de scoring qui reprend toutes les informations importantes de votre quête.
Ce feuillet propose déjà divers espaces, permettant de gérer autant le niveau de vos héros, les points de vie de votre groupe, votre compte de potions de soin et de gemmes trouvées, que le crafting d'objets magiques et votre tableau de chasse répertoriant vos sbires vaincus. Mais le principal, c'est le plan des lieux, une vue du dessus de 6 par 7 cases du donjon, sur lequel vous allez dessiner votre progression et rencontrer des créatures (sbires et monstres légendaires), récupérer des bonus et des gemmes divers, tout en faisant avec des pièges qui ne manqueront pas de venir chatouiller vos points de vie.
Par chance, chaque joueur a le droit en amont de son entrée dans l'arène de choisir un objectif personnel et une carte pouvoir parmi deux à chaque fois, ce qui va lui permettre d'adapter les capacités de son groupe à son style de jeu pour (peut-être) maximiser ses points de victoire en fin de partie. D'ailleurs avant le départ trois cartes quête sont aussi tirées au sort, qui offriront des points de victoire supplémentaires à chaque joueur réussissant le challenge demandé en premier.
Chaque tour de Paper Dungeons repose sur un lancer de six dés commun, après lequel chaque joueur doit choisir les faces de 3 dés et appliquer leurs symboles sur sa fiche de score personnelle. Mais avant tout prise de décision, chaque joueur se voit subir autant de points de dégâts qu'il y a de faces crâne visibles, dans une limite de 3 (au delà duquel les dés doivent être relancés). Ces dés sont aussitôt mis de côté pour la suite du tour.
Quelque soit le symbole et la couleur du dé, le joueur peut l'utiliser pour crafter une potion de vie ou participer à la construction de 4 des 8 objets magiques de son inventaire (il faut effectuer l'action deux fois pour rendre un objet fonctionnel durant toute sa partie).
Par contre, il faut savoir que la barre de niveau des quatre classes de héros et les 4 cases objets magiques mythiques qui leur sont associés n'acceptent que le symbole qui lui est lié à son type (à savoir épée, chapeau, croix ou masque).
Un déplacement dans le donjon s'effectue à l'aide de n'importe quelle face, au rythme de deux cases par dé sélectionné. Avant de passer à la prochaine case, le joueur doit résoudre tous les symboles imprimés dans sa case actuelle. Lorsque qu'il entre dans une case d'un sbire qu'il n'a pas déjà vaincu, il est défait, après un affrontement immédiat qui occasionne des dégâts au joueur si le sbire est d'un niveau supérieur à celui du héros attendu pour le tuer (deux informations indiquées dans la-dite case).
Les combats contre les monstres légendaires de niveau 1, 2 et 3 se déclenchent eux respectivement à la fin des tours 3, 6 et 8. Il suffit que le joueur soit passer en amont par la case du monstre pour qu'il puisse participer au combat. La carte monstre indique plusieurs scénarios, dépendant du niveau total de points d'attaque des groupes de héros, et qui influent à la fois sur les points de victoire acquis et les dégâts subis.
Attention : Si un joueur n'est pas passé par la case monstre à temps ou n'a pas le niveau d'attaque minimal demandé lors de l'affrontement, il est considéré en fuite et subit alors un certain nombre de dégâts automatique. Sans glaner aucun point de victoire.
À noter qu'il existe aussi deux symboles plus rares, les bottes et le trèfle, qui permettent respectivement de se déplacer de 3 cases et de remplacer n'importe quel autre symbole (sauf bottes).
La fin du huitième tour enclenche le décompte de points final, durant lequel chaque aventurier va totaliser les points associés entre autres à ses différentes rencontres (sbires et monstres vaincus), son expérience et trésors accumulés, son développement et ses points d'objectifs réussi. Des points auxquels on va retrancher des malus en cas de pertes de trop de points de vie, voir pire, l'activation de la résurrection, si d'aventure vos dégâts dépassaient à un moment le niveau général de votre groupe !
... dans les couloirs qui se donnent
Pour être totalement franc, j'avais beaucoup d'appréhension avant de jouer à Paper Dungeons. Avant d'acquérir la boîte, j'avais en effet de sérieuses craintes sur la pertinence de ce mélange improbable des genres, et surtout je ne pensais pas que l'on pouvait simuler sur papier le développement et la tension d'un RPG.
Mais après trois parties, plus de doutes à l'horizon : Paper Dungeons réussit son pari quasi-haut la main !
Ce qui étonne le plus en jouant, c'est de voir condenser admirablement en quelques règles et un feuillet de notes tout ce que l'on aime dans le genre du dungeon crawler. Gérer l'expérience et le développement des capacités de ses personnages, combattre des flopées de monstres dans des donjons labyrinthiques, partir à la chasse aux meilleurs trésors, ... les sensations sont là, même si forcément, on ne retrouvera pas toute la complexité et l'exigence stratégique et tactique d'un jeu vidéo ou de rôle sur papier.
Qu'à cela ne tienne, le thème se montre totalement présent. À mille lieux de la plupart des Roll & Write abstraits, le sujet est vraiment bien mis en valeur, par des illustrations qui savent faire vibrer la corde de la nostalgie (pour les fans de la première heure de D&D et consorts), tout en offrant un tout plutôt moderne et très bien édité calibré pour plaire aux fans du genre, mais aussi aux curieux de passage.
Concernant la mécanique de Roll & Write, si son aspect combinatoire se veut un peu plus en retrait que dans d'autres classiques du genre, les dés se montrent assez bien intégrés pour soutenir cette surcouche héroïc-fantasy. On a une vraie impression de progresser en partie, tout en devant faire avec des choix cornéliens, et des décisions qui peuvent indiscutablement influer sur notre scoring final.
Soyez-en sûr, se déplacer avec prudence ou prendre des risques en fonçant tête baissée pour prendre les meilleures trésors, au risque de ne pas être assez armé contre les sbires que l'on va croiser, fera partie de ces nombreux dilemmes qui jalonneront vos parties de Paper Dungeons.
Le seul petit truc qui me chiffonne finalement avec ce titre, c'est qu'il se montre finalement un peu trop facile. À moins de n'avoir vraiment aucune chance avec les dés, ou de prendre des risques démesurés, impossible de subir une mort (douloureuse seulement pour vos points de victoire), de se trouver vraiment démuni contre un sbire, ou d'arriver devant un monstre légendaire sans avoir une équipe de héros prête à lui faire beaucoup de mal.
En cause principalement, le fait que l'on connaisse l'entièreté du donjon avant d'y pénétrer. On sait donc d'avance où l'on met les pieds, il n'y a aucun hasard dans l'apparition des éléments négatifs, ce qui nous offre le grand avantage de pouvoir se prémunir de toute menace (piège ou créature) et de planifier tous nos agissements à l'avance. Cela manque clairement de tension, de cette peur que l'on pourrait ressentir en se plongeant dans un donjon mystérieux, et cela n'aide forcément pas créer une émulation autour de la table (la caractéristique fâcheuse de tous les roll & write, il n'y a rien "d'innovant" ici).
Reste que si j'aurai préféré avoir dans Paper Dungeons plus de cette imprévisibilité des jeux de rôle à l'ancienne ou des Die & Retry qui font le bonheur de la scène "indé" actuelle, c'est un choix mécanique qui se respecte totalement. Et qui était certainement plus facile à mettre en œuvre vu le format proposé et le public large que l'auteur voulait toucher.
Sachez que Paper Dungeons se montre tout de même assez versatile dans sa configuration (monstres légendaires à affronter, objectifs, layouts de donjon) pour lui donner un goût de reviens-y.
Et si d'aventure vous aviez envie d'un peu plus, il existe sur le site de l'éditeur des règles pour corser un peu plus vos parties, voir même rajouter un peu plus d'interactivité à l'ensemble. Une excellente initiative !