Avant, quand quelqu'un demandait un jeu de civilisation accessible, on citait habituellement 7 Wonders, alors que si un gros joueur demandait un jeu pointu, on penchait pour l'évidence Through The Ages : L'Histoire vous appartient. Et maintenant qu'il y a Path of Civilization, il est même fort probable que vous aillez une réponse plus simple ... qui contente les deux !
Le jeu de Civ' pour les nuls
Faire de votre civilisation la plus prospère du monde en vous servant de cinq grands leviers à votre portée (philosophie, culture, industrie, science et militaire), c'est le défi que vous propose Path of Civilization, le premier "gros jeu" autant pour Fabien Gridel (son auteur) que Captain Games (une toute récente maison d'édition belge).
Si on omet un léger avantage propre à chaque clan, chaque joueur part en mission avec le même paquetage, incluant un plateau Civilisation (gérant à la fois ses actions et sa population), un plateau Recherche avec une piste pour les 5 grands axe de développement du jeu, cinq cartes "technologies" de l'Âge de Pierre et une multitude de cubes à sa couleur.
Une partie de Path of Civilization se déroule en 9 manches, chacune divisée en 6 phases se jouant toutes en simultané. Tout commence par la phase de Projet (A), qui demande à chaque joueur d'écarter définitivement une carte de sa main et placer les 4 autres sur son plateau de Civilisation. Les deux cartes placées dans les encarts de gauche permettent, durant la phase de Déploiement (B), de placer des cubes dans les coupoles communes. Ces cubes deviennent automatiquement des Agents qui serviront plus tard à réaliser des actions spécifiques, progresser sur la piste Philosophie (grâce aux Agents Spirituels) ou avoir des combattants supplémentaires durant les phases de conflit (grâce aux Agents Militaires).
Les symboles des cartes de droite permettent eux de faire progresser ses pistes Recherche durant la phase de Recherche (D), des ressources que l'on doit ensuite investir durant la phase d'Achat (E) pour acquérir une carte technologie du marché commun et venir compléter sa future main de 5 cartes. Mais entre temps, il y a la phase d'Evolution (C), qui permet dans l'ordre d'agir sur le plateau Philosophie, puis ensuite de postuler pour la récupération de cartes Merveilles et Leaders, respectivement grâce à leurs Agents Constructeurs et Ambassadeurs.
Reste à évoquer les événements de fin de tour (F), qui consiste à résoudre les conditions d'une carte dont le type dépend du numéro de la manche : Carte défi pour les manches impaires à partir de 3, ou carte militaire pour les manches paires à partir de 4.
Une carte défi propose toujours deux récompenses, un encart Destin que l'on peut déclencher autant de fois que l'on respecte la condition pour un bonus spécifique, et un encart Histoire avec un double calcul offrant points de victoire et points de Recherche. Une carte bataille offre, elle, des points de victoire allant crescendo avec sa position sur la piste Militaire et qui est améliorée grâce aux Agents Militaires.
Il faut savoir que toutes ces cartes sont tirées au hasard durant la configuration et affichées à la vue de tous durant la partie, et que la fin de la manche 9 déclenche, à la suite, une carte de chaque type !
Délit de faciès
Avant de donner mon avis, je vais écarter de suite le sujet de la polémique autour des illustrations du jeu faites entièrement via IA, et qui a décidé bon nombre d'influenceurs à prendre parti et des joueurs à boycotter le titre.
Alors non pas que le message un peu négatif envoyé au milieu ne me rend pas perplexe, et que l'avenir vraiment pas rose promis aux artistes ne m'inquiète pas sérieusement. Mais je pense qu'il faut aussi prendre en compte le fait qu'on est en face d'un jeune éditeur pas coutumier du fait, qui a été totalement transparent dès le début sur le sujet, et qui surtout n'aurait peut-être pas réussi à sortir le jeu à un prix décent s'il avait du passer par des artistes accomplis.
Est-ce qu'il faut accepter la situation sans rien dire ? Non bien sûr. Mais est-ce qu'il n'y a pas un peu de mauvaise foi la dedans quand on sait que notre passion n'échappe pas à tous aspects détestables de la mondialisation et du capitalisme, avec tous ces jeux fabriqués hors UE (et qui mettent au chômage bon nombre de français voulant s'en sortir) ... tous ces titres dont les pièces sont faites par des petits enfants chinois ... et toutes ces boîtes entourées de cellophane que l'on fait venir de l'autre bout de la planète et qui causent des dégâts monstrueux à notre caillou précieux ?
Même si tout cela me débecte, j'aime trop le jeu de société pour me refuser ce "luxe", et j'ai choisi depuis le départ de juger tous les jeux finis sans aprioris, en ne dérogeant pas à ma règles pour celui-ci. Tout en étant convaincu d'être dans une démarche bien plus honnête que ceux qui essaient de s'acheter une conscience alors qu'ils acquièrent et acceptent de recevoir des centaines de boîtes de jeu par an...
Path décisive ?
Mais que vaut alors la DA de Path of Civilization, alors ? J'ai bien peur (pour les énervés) qu'elle fait correctement le job. Si je trouve que les illustrations sont assez génériques et ne font pas preuve d'une homogénéité à toute épreuve, le travail profite de vraies belles fulgurances (le dos des plateaux, certaines cartes, ...) et offre finalement assez de vie et de couleur à l'ensemble pour permettre de jouer dans de bonnes conditions. Ce qui suffit amplement au bonheur d'un joueur de civ' habitué à ne pas être des plus gâtés ...
Côté moteur par contre, le positif est davantage présent. Path of Civilization a déjà cette qualité folle de proposer une accessibilité incroyable pour le genre. On a beau ici avoir une demi-douzaine de phases, une demi-douzaine de pistes, zones de jeu et types de cartes à n'en plus finir, les règles s'assimilent extrêmement vite, bien aidées par une ergonomie hyper travaillée qui, à défaut de casser un peu l'immersion (des gros B et D partout, c'est pas très sexy) facilitent grandement le déroulé d'une partie.
Pour être totalement franc, vous jetterez quand même de temps en temps un œil au glossaire des cartes, surtout durant la découverte du jeu (car l'iconographie est quand même assez dense). Mais une fois que vous avez compris qu'un symbole carré est lié aux agents et un symbole rond aux pistes recherche, et que vous aurez fait une partie entière, vous pourrez ressortir Path of Civilization un mois après sans vous poser de questions, ce qui est quand même une gageur pour un jeu de développement !
Vous n'avez pas un gameplay simpliste pour autant. Entre les spécificités affirmées des cinq chemins technologiques qui apporte une vraie profondeur, le système d'actions malin qui demande régulièrement à faire un choix déchirant (car vous perdez définitivement une technologie à chaque tour), et la richesse des cartes du jeu qui peuvent permettre d'envoyer son peuple dans des dizaines de directions, il y a tout ici pour se prendre pour un être omniscient qui a dans sa main le destin de milliers d'humains !
Et à côté de cela, il faut aussi louer l'ingénieux système des cartes événement de fin de manche toutes visibles au départ, qui a le bon ton de donner une direction à la partie tout en augmentant sensiblement le travail d'anticipation et l'interaction passive à table (car vous allez surveiller les agissements de vos voisins, croyez moi !). Puis aussi évoquer toutes les très bonnes idées qui parsèment ce Path of Civilization comme les cartes leaders, qui permettent de personnaliser son peuple de manière temporaire, ou le système de bri d'égalité qui sied parfaitement au dynamisme du jeu.
Le monde a ses pieds
Si la forme est bien plus pratique qu'enivrante, le fond lui est un modèle d'exécution, et réussit chez moi à donner le sourire à chaque fois que je le sors, que ce soit avec des joueurs chevronnés ou moins connaisseurs du genre.
La seule chose que je regretterai finalement, c'est de ne pas pouvoir pousser les potards de personnalisation et de folie comme je m'y attendrai du jeu de civilisation parfait.
Je ne vais pas vous le cacher, j'aurai adoré pouvoir ne faire de mon peuple un rouleau compresseur militaire bon à rien d'autre, des spécialisations extrêmes que les fortes interconnexions de base entre couleurs empêchent de réaliser (il vous faudra toujours travailler sur un peu toutes les pistes pour vous développer).
J'aurai "kiffé" que les technologies que je jette viennent se greffer à mon plateau pour donner des avantages permanents en partie (au lieu seulement de points lors du décompte), afin d'accentuer la composante construction de moteur "à mon image" qui passe quasi essentiellement par les cartes technologies.
Et j'aurai vraiment aimé que les cartes merveilles et leaders soient toutes visibles au départ comme les cartes objectifs, afin de donner encore plus de crédit à l'aspect "course" et sens de l'optimisation déjà valorisés par les cartes objectifs. Tout comme avoir des cartes technologies toutes uniques pour ne jamais voir la même civilisation sur une table, mais là, le responsable de l'optimisation aurait fait un burnout, tout comme l'ordinateur ayant servi à générer les images !
Bien sûr, tout cela reste de l'ordre du doux rêve que d'une critique pointue. Path of Civilisation est dans l'état un excellent jeu qui devrait être considéré (et au moins testé une fois) si vous aimez le genre !