Oyé moussaillons ! Lâchez vos godets de tafia, faites briquer l'arcasse, Pirates de Maracaibo vous attend pour une course maritime au travers des Caraïbes ! Ne cherchez pas une extension ou de réimplémentassions du célèbre Maracaibo du même auteur : Pirates de Maracaibo se la joue autonome, dans un format condensé en temps et en règles, avec toutefois quelques concepts forts du parent direct à bord pour essayer de vous convertir, si besoin, au joie de la navigation en eaux troubles.
Et tout comme dans Maracaibo, les joueurs partent à l'aventure sur leur navire d'époque pour une aventure découpée en trois manches. Mais point ici de circuit figé dans le marbre sur un plateau commun, la zone de jeu se construit avec des cartes dont certaines pourront être récupérées contre monnaie sonnante et trébuchante afin de bénéficier d'un avantage immédiat ou permanent (cartes Développement).
On peut aussi trouver sur son chemin des cartes Résidence, qui en payant une forte somme permet d'activer un décompte de points spécial supplémentaire en fin de partie, et des cartes Île, qui, en plus de faire apparaître de nouveaux trésors sur les zones de terre, permettent de déclencher des raids.
C'est la partie "rigolote" du gameplay, puisqu'elle oblige à lancer trois dés (avec le droit à une relance) et en choisir un. La valeur peut-être ensuite modifiée positivement grâce à ses différentes cartes d'améliorations et mises à jour de navire, puis peut-être dépensée dans un lot d'actions comprenant trois de base commune à tous et toutes celles apprises durant la partie.
La "grosse" action du lot est sans contestation la récupération d'un trésor, qui doit être pris sur l'île de la couleur du dé. Ce cube de couleur rejoint ensuite un plateau Repaire découpée en trois zones, comprenant un côté sable (zone d'arrivée obligatoire de tout magot), et un côté enfoui, accessible via une action ultérieure et qui permet d'améliorer dûment son scoring en fin d'aventure.
À coté de cela, Pirates de Maracaibo inclut deux autres "features" notables. D'une part, chaque joueur bénéficie d'un plateau Navire, avec des sections de capacités uniques et permanentes qui se déverrouillent en fonction d'une certain nombre de cubes déjà placés dessus. D'autre part, il y a le retour du plateau Exploration, sur lequel chaque aventurier va pouvoir faire évoluer un meeple du même nom pour des bonus divers comme de l'argent, des trésors ou des points de victoire.
Après ce survol rapide, reste à évoquer ... la manière d'évoluer dans ce monde. Et là il n'y a pas plus simple, puisque les joueurs commencent chacun de leur tour en déplaçant leur navire de 1 à 3 cases, au choix, en déclenchant ensuite les effets de la carte de destination.
Quelques contraintes de déplacement cependant : Suivre l'adjacence des cartes, sans passer au travers des plaquettes îles Trésor, tout en finissant son tour plus proche du bord droit de la carte qu'au départ de son action (donc même colonne de cartes interdit).
Il faut savoir aussi que tous les joueurs qui atteignent le Golfe (début du plateau exploration) gagnent une amélioration Navire plus une action Raid, Explorer ou construction de Résidence bonifiée. Par contre le joueur qui atteint Maracaïbo (la case suivante) gagne 6 points, une autre évolution de sa caravelle, tout en forçant pour tous la fin immédiate de la manche et ... un retour au départ pour tous les joueurs ou décompte final !
Et du plaisir, il y a en a à retirer de cet étonnant Pirates de Maracaibo.
Le titre réussit tout d'abord à éviter les écueils d'un jeu purement "light" en proposant des idées mécaniques nouvelles qui lui confèrent une personnalité propre hyper attachante.
Si la composante quête de trésors est une vraie plus-value thématique et cognitive au titre (par ces effets de hausse et baisse du marché qui densifient encore plus l'interactivité globale), le point fort du jeu est selon moi la construction modulaire du plateau. Entre le caractère aléatoire du départ offrant des parties jamais identiques et une rejouabilité forte, la liberté de déplacement accrue et le remplacement des cartes qui impose une remise en question tactique constante, le fait que la zone principale soit composée de cartes permet de renouer admirablement le sentiment d'aventure via un gameplay simplifiant pas mal de ses aspérités passées.
Alors c'est sûr, ces ajouts ne suffiront pas à convaincre des joueurs qui espèrent retrouver absolument la complexité ou une campagne enivrante similaires au jeu original. Par contre, tout ceux qui cherchent un jeu de course aux points qui va à l'essentiel, plus propice à des sorties occasionnelles, plus facile à être proposé quand le temps manque à l'appel, pourront facilement se laisser séduire par Pirates de Maracaibo, d'autant plus qu'il ne manque pas de capitaliser sur certains points fort du jeu originel (tension du premier arrivé, ...) tout en corrigeant quelques imperfections de ce dernier (plateau Navire).
Le titre ne se veut pas plus familial pour autant, car elle garde un éventail de chemins vers la victoire d'un niveau avancé, et bénéficie surtout d'un allégement de ses mécaniques qui, étonnamment, rendent la prise de décisions bien plus cruciale.
Vous allez vite vous en apercevoir : À utiliser moins de cartes, à ne plus pouvoir jongler entre plusieurs effets, la construction de moteur se veut ici bien plus serrée et sujette à des mauvais choix souvent insurmontables quand vient l'heure de faire le décompte de vos quêtes, un élément du gameplay parmi d'autres à ne vraiment pas sous-estimer si vous voulez l'emporter.
Reste que si Pirates de Maracaibo a quelques petites faiblesses, à chercher toutes selon moi du côté d'une empreinte thématique peut-être un peu moins prononcée qu'attendue.
Car si l'idée de devoir payer une pièce pour atterrir sur une case adverse est intéressante, et que la petite extension Escarmouche incluse offre une petite lutte de dés pour de victoire en sus, j'aurai vraiment adoré que la férocité pirate reconnue à travers les livres d'histoire (et surtout Pirates de Caraïbes, véritable documentaire historique) transpire d'avantage dans l'interaction directe du jeu, au travers pourquoi pas d'une possibilité de vol de divers cartes ou trésors.
En parlant de ces derniers, j'ai aussi quelques doutes sur la manière choisie d'approvisionner les îles un peu trop facile, et qui a toujours conduit dans mes parties à voir des lopins de terres débordant de trésors tout en créant une bataille de manipulations boursières décorrélés d'un quelconque "réalisme".
Et puis c'est bête, mais je trouve dommage que la liberté de déplacement n'ait pas été offerte totalement (en ajoutant si besoin un compte tour par manche pour éviter les manches à rallonge), et que les cartes Amélioration n'affichent pas un objet phare ou personnage historique pour donner vraiment l'impression d'améliorer son équipage et son équipement.
Mais c'est plus du chipotage de fan qui cherche à faire le jeu parfait que des défauts. Pirates des Maracaibo reste la bombe ludique initié de cette rentrée, et vous n'avez pas le choix que d'aller vous le procurer. Sinon je viens vous couper la gorge avec ma jambe de bois !