Idyllique, mystique, revigorante, sublime ... si on a beau tous avoir des adjectifs positifs pour catégoriser la plus belle forêt près de chez nous, il y a quand même une vérité immuable et cruelle qui la caractérise : Plein d'animaux dedans qui essaient de se bouffer entre eux ... pour tenter de survivre !
Une vie alimentaire plus animée que la nôtre (qui se résume à choisir la plus belle barquette d'escalopes de poussins au supermarché du coin), et que Prey Another Day nous retranscrit autour d'un gameplay où le bluff et la chance seront vos meilleurs alliés pour essayer de récupérer avant tous les autres 5 pions de nourriture.
Pour cela, les joueurs débutent chaque manche avec une main similaire de cinq cartes, numérotées de 1 à 5, représentant chacune un des animaux incontournables d'une forêt (dans l'ordre, l'Ours, le Loup, le Lynx, le Hibou et la Souris). Le jeu se déroule en une succession de chasses (trois maximum par manche) qui commencent toute par la sélection, face cachée, d'une de ses cartes en main.
Vient ensuite la phase d'appel, durant laquelle les numéros sont énumérés dans l'ordre de férocité des animaux (avec toujours l'Ours en premier). Dès qu'un numéro est appelé, tous les joueurs l'ayant joué sont obligés de révéler leurs cartes. Il n'y a aucune conséquence si un plusieurs joueurs révèlent le même nombre, ou si à l'inverse aucune carte n'est retournée. Par contre, si un seul joueur se dévoile, la chasse est sonnée, et lui permet d'appeler un numéro inférieur à lui dans l'espoir de se remplir la panse !
Et là, si aucune victime se désigne, rien ne se passe. Par contre si des joueurs voient leurs dossards clignoter sur le tableau des victuailles, pas de bol, ils doivent se signaler, jeter leur main complète et se voient éliminés de la manche en entier. Dans tous les cas, on continue ensuite l'énumération des numéros jusqu'à ce que toutes les cartes posées sur la table soient connues.
On enchaîne les tours jusqu'à ce que trois chasses ont été réalisées oui qu'il ne reste plus qu'un seul joueur. C'est alors que l'on procède à un décompte de points intermédiaire où chaque joueur encore en vie gagne 1 jeton de nourriture, puis on additionne les points de cartes et attribue 1 jeton supplémentaire à celui qui a le total le plus élevé (en récompensant toutes les égalités).
Vous l'aurez certainement compris, mais jouer des cartes de fortes valeurs (et donc des animaux plus dociles) est bien plus dangereux pour sa survie, mais offre en contrepartie davantage de points pour tenter de contester ce point de majorité qui peut faire une grande différence à la fin d'une partie. À l'inverse, on pourrait se laisser souvent tenter de jouer de grosses bêtes à poil pour épurer temporairement la liste de vos concurrents, au risque de faire des tours à vide à cause de joueurs qui ont la même idée que nous au même moment.
Et c'est incontestablement la présence de tous ces questionnements internes qui font de Prey Another Day un vrai petit bonbon sucré pour qui aime le bluff et la déduction à multiple niveaux.
Car avec seulement cinq cartes en main, Prey Another Day réussit à proposer une palette de décisions agréablement surprenante qui, couplée a un jeu de communication fortement conseillé pour complexifier les prédictions de chacun, engendreront régulièrement des parties un peu folles où les surprises et les revirements animeront sans nul doute votre vis ma vie en forêt.
Attention tout de même, la pureté de façade de l'aspect prédictif du titre et l'apprêté des éliminations précoces pourront laisser certains de vos joueurs circonspects. Prey Another Day est un jeu qui gagne beaucoup à la répétition des manches, avec une composante "meta game" qui finit par s'installer, la gratification qui naît des schémas que l'on commence à décerner chez ses adversaires, et des pièges au long court que l'on arrive à instaurer avec une certaine délectation.
Mon seul souci, c'est qu'après après quelques parties, on se rend vite compte que le nombre de situations de jeu différentes est bien moins élevé que dans d'autres classiques du genre, et que surtout les choix viables s'amenuisent rapidement avec les probabilités pondérées des valeurs de cartes encore jouables par chacun.
Ce qui fait que si la première chasse d'une manche est clairement la plus fun (car l'arbre des possibilités tactiques se voit totalement ouvert, avec les possibilités de manipulation de ses adversaires inhérentes à chacune), la lecture parfaite découle ensuite souvent de la prise de risque des chasses précédentes, pouvant de temps en temps même accoucher d'une dernière chasse jouée d'avance sans possibilité de renverser la manche. Voir la partie complète ...
Je résumerai presque cela au fait que la compacité de Prey Another Day (autant en terme de matériel que de règles) s'avère finalement être autant sa plus grande qualité que son gros défaut, surtout sur le long terme. Je n'omettrai pas de préciser que, genre oblige, le plaisir de vos parties dépendra avant tout de la qualité de votre table, avec en grande partie son envie de mener la guerre des mots et de jouer ses cartes au delà du hasard le plus complet.
Mais que tout cela ne vous empêche pas d'obtenir une copie du jeu si vous vous sentez la cible, surtout pas.
Car Prey Another Day reste un incroyable exercice de style qui, en jouant la carte du minimalisme, de l'universalité et de la simplicité de gameplay, n'en oublie pas en route d'offrir assez de profondeur pour créer de l'émotions sur un paquet de tables. Je reste pour ma part sceptique sur le long terme, sans perdre l'envie de le faire découvrir ou sortir quand l'ambiance et le nombre de joueurs (4/5 pour la folie que cela engendre) s'y prêtent !