
En temps normal, un jeu d'enchères impose aux joueurs de gérer un certain pécule (financier ou autre) pour les achats et ventes des choses qui vous font gagner. Mais pas dans Q.E. (Quantitative Easing). Car dans cette localisation toute récente de Lucky Duck Games, vous n'avez absolument aucun limite, et allez pouvoir miser à chaque tour 1 euro comme des milliards. C'est fou, et le pire, c'est que cela marche de feu de Macron ! *
Mais avant de parler du gameplay, parlons du thème employé : La gestion d'entreprises sur un plan macro-économique. Les joueurs prennent chacun la direction d'une banque nationale (5 pays disponibles) qui vont se battre à chaque partie pour racheter la dette de 16 sociétés et stimuler la croissance mondiale.

On ne connaît pas grand chose de chacune de ces entités anonymes, à part le pays qu'elle représente, sa valeur intrinsèque (allant de 1 à 4) et son domaine de compétences. Ce qui est sûr par contre, c'est que l'on optimise nos points si on arrive à collecter des entreprises issues du même secteur ou de notre pays d'origine, ou si on arrive à récupérer des groupements appartenant à trois domaines différents.
Et si le matériel, fait pour beaucoup de marqueurs "Velleda", de petites ardoises et de pièces en carton épais, sert parfaitement son concept, le sujet est clairement traité un peu trop sérieusement. Des pays existants, des sociétés sans nom mais avec des domaines bien réels eux (agriculture, logement, gouvernement, finance ... ), c'est parfait pour se croire en salle des marchés en pleine période de chute des cryptomonnaies, mais cela manque quand même un peu de fun. Et ce n'est pas la couverture, qui aurait tout à fait sa place sur le devant d'un manuel d'économie des années 80, qui va rassurer vos convives après l'annonce du pitch du jeu, croyez moi sur parole.

Pourquoi ne pas avoir mis les joueurs dans la peau de pays fictifs et achetant des sociétés aux noms et descriptions complètement "what the phoque" ? C'est dommage, car cela donne une image rasoir biaisé d'un Q.E. qui propose pourtant le concept parfait pour ambiancer pas mal de tablées.
Mais une fois dedans, c'est une vraie tornade d'émotions. Car dans Q.E., vous avez beau avoir un portefeuille illimité, il y a deux règles de fin de partie qui changent complètement la façon de penser le jeu. Celui qui a dépensé le moins gagne un joli bonus de points qui peut se montrer décisif. Et celui qui a dépensé le plus ... est tout simplement éliminé ! C'est affreusement simple, c'est incroyablement bien imaginé, et cela permet de créer une tension folle permanente autour de la table, tout en offrant aux joueurs d'abuser largement de leur sens du bluff et de la stratégie à chaque enchère secrète.
Ici, toutes les propositions sont faites faces cachées, et seul le "commissaire-priseur" désigné à chaque tour a connaissance des montants des autres joueurs, contre l'obligation de faire la première offre face visible pour "aiguiller" ses adversaires.

J'adore vraiment Q.E. pour ce flou semi-opaque continuel qui permet d'entretenir un certain suspense hyper excitant jusqu'au bout, et qui peut créer des surprises hilarantes si vos estimations personnelles s'avèrent inexactes. Je trouve que peu de jeux arrivent à faire perdre "confiance en ses capacités" de façon aussi intéressante, tout en générant de véritables "craquages" chez des joueurs trop pressés par le temps et les enjeux en points de remplir leur portefeuille de sociétés !
Par contre, Q.E. n'est pas parfait, et s'il a beau jouer d'une mécanique assez universelle, il peut ne pas fonctionner avec pas mal de groupes.

Déjà à cause d'une répétitivité certaine : On ne fait qu'alterner retournement de tuiles société et enchères, et ceci 16 fois, et cela qui peut vite faire sortir de la partie des joueurs qui n'arrivent pas à se prendre au jeu.
Et attention ! Avoir à table un joueur qui, inconsciemment ou non, part dans des surenchères folles qui est le seul à suivre, peut aussi l'exclure assez logiquement, et casser de ce fait 50% de l'intérêt du décompte final. On peut rajouter aussi le fait que le jeu n'offre absolument aucun moyen de modifier les conditions de départ ou de scoring, ce qui pourrait très vite lasser votre clan après quelques tours de piste.

Malgré ses quelques griefs qui ne permettent pas de faire de Q.E. un jeu indispensable, le titre a trop bien fonctionné de par chez moi pour que je ne vous conseille pas de vous y essayer au moins une fois.
Dans l'état, ce n'est clairement pas le meilleur jeu d'enchères du marché, mais il est capable, avec un concept pourtant vraiment simplissime, de créer une certaine magie à table, où des sensations aussi différentes que la suspicion, la liberté, la peur, l'autosatisfaction se mêlent en continu pour un final qui amène souvent un debrief de plusieurs minutes.
Signe que vous pourrez être satisfait d'avoir réussi à amuser la foule avec un petit jeu sur l'économie boursière. Et qu'il y a peut-être un jour possibilité qu'un Q.E. version 2 devienne le jeu d'enchère ultime que vous cherchez depuis tant d'années. Je parle pour moi vous l'aurez bien compris ...
* enfin c'est ce qu'il pense de lui ...


