
Dans le cinéma, quand un film ou une licence a très bien fonctionné, ou que l'on a juste besoin de la rappeler dans l'esprit des gens, on fait une suite, un préquel ou un reboot. Depuis quelques années, le jeu de société n'échappe pas à cette tendance, et on ne compte plus le nombre de versions Roll & write ou jeux de cartes de titres devenus cultes.
The Dice Charmers est un spin-off de Rajas of The Ganges (2017). Il en reprend tous les ingrédients marquants (le thème coloré, la forte influence des dés), l'objectif (être le premier à faire se croiser ses deux pistes argent et prestige). Et ce dans un format condensé et des parties de 40 minutes maximum !

Il était une fois ... les dés
Comme tout bon jeu à cocher, la mise en place est immédiate. Chaque joueur reçoit une feuille de scoring (au choix parmi deux variantes), un mini plateau de stockage pour poser son dé sélectionné (ou ses deux dés si la partie ne se joue qu'à deux) et prend son plus beau stylo. Au début de chaque tour, le joueur actif lance les 8 dès. Il en sélectionne un qu'il place sur son mini-plateau, et met ensuite l'autre de la même couleur sur l'éléphant, ce qui le rend indisponible pour les autres joueurs lors de ce tour.
Contrairement au jeu d'origine, les dés ne servent plus de ressources, mais représentent des actions que les joueurs peuvent effecteur sur leurs blocs. Le jeu intègre quatre familles d'actions, qui dépendent de la couleur du dé sélectionné.
Choisir un dé violet permet de récolter deux nouvelles marchandises (parmi trois - thé, soie ou épices -). Le jeu impose d'encercler les deux marchandises disponibles les plus à gauche de son espace marché, dans la limite des symboles visibles.
Choisir un dé vert permet de construire des routes dans sa Province. Chaque route tracée doit toujours être reliée par une ligne continue à sa résidence principale. Si dans l'action vous connectez un symbole bâtiment, vous gagnez autant de gloire que votre multiplicateur de ce type l'indique. Si vous connectez une tente, vous pouvez vendre autant de marchandises que le symbole vous indique (3 denrées identiques ou différentes dans la plupart des cas).

Choisir un dé bleu permet de naviguer sur le Gange, en avançant sur la première case libre du fleuve avec le symbole indiqué et d'en obtenir le bonus indiqué. Le fleuve est à sens unique, il n'est pas possible de revenir en arrière qu'avec des actions spécifiques.
Choisir le dé orange permet de profiter de la compétence de l'un des six membres forts du Palais. Chaque personnage est utilisable seulement trois fois dans une partie, et propose chacun un bonus particulier. La Maharani et le Portugais permettent respectivement d'avancer et de reculer de une à deux cases sur la rivière. Avec le Commerçant, on vend immédiatement 1 ou 2 biens, ou on en gagne 1 de son choix. Raja Man Singh permet d'améliorer un type de bâtiment et de gagner 1 argent. Le Maître Constructeur donne deux demi-routes à reporter sur sa Province. Le Grand Mogul permet lui d'activer l'un des 5 autres personnages, au choix.
Dans l'ordre des aiguilles d'une montre, chaque joueur à table prend ensuite un dé et en réalise l'action. Une fois un tour complet réalisé (ou deux si partie à deux uniquement), les dés sont récupérés et lancés par le joueur à gauche du dernier actif.
À noter que Rajas of The Ganges : The Dice Charmers offre de nombreux bonus à gagner en dépassant certaines limites de pistes, ou en réalisant des groupements particuliers sur sa feuille de score. Il est aussi possible d'utiliser le Karma pour relancer le dé présent sur l'éléphant et un dé encore pas utilisé lors du tour, et de choisir l'un des deux résultats.

La chainon manquant ?
Si vous avez joué à Rajas of The Ganges, ce charmeur de dés ne devrait pas faire effet que sur les petits cubes. Commerce, développement de sa Province, influence des dés, ... c'est fou à quel point cette petite boîte réussit à restituer l'ambiance et les sensations du jeu original. Le jeu arrive néanmoins, par ses choix mécaniques, à proposer une nouvelle version du jeu de course, en proposant moult bonus additionnels et effets de chaîne qui animent fortement les parties.
Il est vraiment gratifiant dans le jeu de pouvoir rapidement enchaîner 3 ou 4 actions à la suite, devant souvent les regards désabusés d'adversaires qui n'attendent que leur tour pour vous rendre la pareille. Si les premiers tours vont vous donner l'impression que la fin du jeu est lointaine, le jeu voit rapidement son rythme et sa tension augmenter par l'enchaînement des combinaisons. Ce qui permet au jeu de garder une tension constante malgré une certaine réflexion qui ne va pas pas manquer de freiner le choix des dés.

En proposant jusqu'à 8 décisions possibles par le choix des dés (en plus de l'action Karma), Rajas of The Ganges : The Dice Charmers fait partie de ces jeux de Roll & Write plus exigeant mentalement que la moyenne. À ce titre, les feuillets de score peuvent vraiment faire peur au départ, tant elles semblent chargées d'informations et de possibilités d'actions. Mais il suffit vraiment de quelques minutes pour prendre la mesure de ce terrain de jeu, tant la segmentation par couleur est aussi bien trouvée que gérée, tant l'iconographie claire et précise permet rapidement de comprendre rapidement toutes nos possibilités d'agissements. Cela ne fait pas de Rajas of The Ganges : The Dice Charmers un jeu universel, loin de là. Il y a indiscutablement d'autres titres du genre à privilégier si vous souhaitez initier des amis ou de la famille peu joueuses aux joies du lancer/retourner et cocher, surtout que l'interaction est polaire, et que le jeu ne va clairement pas créé une ambiance de réveillon du 31 janvier autour de votre table.
Après quelques parties, j'ai cependant l'impression que le jeu oblige à privilégier obligatoirement certaines actions avant d'autres afin de ne pas prendre trop de retard sur le développement de sa parties. C'est peut-être un peu moins marqué qu'avec le Rajas of The Ganges original (où l'argent était indispensable avant de profiter du reste), mais clairement, il y a de vraies évidences au départ, d'autant plus marquées par les feuillets révèlent par la présence explicite de bonus le chemin le plus court vers la victoire. Tout le monde ne le verra pas, et il est certain que les dés ne seront pas toujours en accord avec vos envies, mais c'est dommage qu'un jeu si "ouvert" sur le papier ferme autant de portes dès le départ.

Je ne comprends d'ailleurs vraiment pas l'utilité du bloc de feuillet alternatif (nuit), qui ne change pas diamétralement les sensations, ni la présence d'un éléphant mignon mais clairement sur-édité qui greffe certainement le prix de la boîte sans rentrer dedans une fois monté.
Et il faut le dire, Rajas of The Ganges : The Dice Charmers n'est pas simple à vendre. C'est sûr, sa direction artistique marquée et surchargée lui confère indiscutablement une vraie âme, et rend un bel hommage à son prédécesseur (la couverture est reprise quasi à l'identique).
Mais quand le choix doit être fait entre un Rajas of The Ganges : The Dice Charmers assez joueur et d'autres titres plus immédiats et funs, aux design et au thème plus universels, l'évidence ne va pas toujours choisir ce pourtant très sympathique Maharaja.

