L'info vient de tomber : Squeezie a été élu président de la République. Il faut dire qu'après avoir essayé tous les bords politiques depuis 35 ans avec le même résultat (à savoir la décrépitude sociale, gouvernementale et internationale d'une ancienne 5ème puissance mondiale), la majorité des français ont choisi de faire confiance dans l'impériosité, la fougue et l'ambition du premier homme a être allé dans l'espace sans scaphandre (NDLR: Rêve que je pressens prémonitoire, la guerre des défis entre Youtubeurs ne vient que de commencer).
Pourquoi je vous raconte cela ? Car Redac'Chef va vous offrir la chance de travailler pour le célèbre journal de Bourg-Chardon, petit hameau fantastique à la population dotée de poils et de plumes, et de pouvoir créer la Une qui marquera à jamais les événements dans l'Histoire de votre charmant patelin.
Une partie de Redac'Chef se déroule en réalité sur trois "journées" (vendredi, samedi et dimanche). Vous commencerez chaque journée avec votre Une de journal vide, représentée ici par un plateau quadrillé dont la taille va augmenter au fil des manches, et une tuile Tribune aux conditions uniques. Mais le plus important reste le grand tas de 120 tuiles faces cachées, toutes uniques, qui seront toujours placées à la disposition de tous au centre de la table.
Et vous l'avez compris, ces dernières correspondent aux différents éléments que vous allez pouvoir placer dans votre journal.
Vous y trouverez des tuiles Article, disponibles en trois couleurs différentes, et qui en plus d'un nombre de points affiche plusieurs smileys liés à l'humeur du sujet (joyeux ou triste). Il y a aussi des tuiles Photo, qui fonctionnent majoritairement avec des conditions de scoring lié à son environnement direct, et des tuiles Publicité, qui augmenteront régulièrement vos gains. Cet argent est particulier puisque s'il donnera au moins bien loti un gros malus de points à 2 joueurs, dans les autres configurations il éliminera purement et simplement le moins riche juste avant le décompte final !
Ces pièces de jeu viennent en tout cas avec des contraintes qui régissent leur agencement sur votre Une. Outre les limitations de bon sens, comme une tuile doit être dans le sens de lecture ou ne pas dépasser de la page, il est surtout interdit de mettre en contact deux éléments identiques -type et couleur-, sous peine de devoir retourner (et donc inactiver) des tuiles en fin de manche.
Reste le détail le plus important : Redac'Chef se joue ... en temps réel. Urgence du métier oblige, la première chose que vous ferez d'ailleurs avant de vous lancer dans la partie sera de définir le temps alloué à chaque manche, qui doit inclure dans votre routine toutes les phases : Celle de Reportage, durant laquelle vous allez sélectionner un à un vos articles en les plaçant sur votre bureau 3D (avec possibilité de les rejeter face visible), celle de Montage, où vous allez assembler votre Une, et celle d'Impression, que vous pourrez bien sûr enchaîner de manière totalement indépendante des autres joueurs.
À noter plusieurs particularités. Primo, vous ne pouvez utiliser qu'une main durant le choix des articles. Deuxio, toutes les tuiles inutilisées vous donneront un malus pour la manche et vous obligera à les conserver pour la suivante. Et tertio, vous devez vous saisir du plus petit jeton Bouclage encore disponible dès que vous pensez avoir terminée votre Une, ce qui influencera l'ordre de sélection des prochaines tuiles Tribune pour la prochaine journée.
Autant le dire tout de go, Redac'Chef m'a laissé circonspect sur plusieurs aspects.
Il y a déjà cette fluidité générale un peu malmenée par des scorings intermédiaires bizarrement un peu trop complexes et longs au vu du format du jeu. J'ai notamment un vrai doute sur le calcul des zones vides, que j'aurai voulu plus "évident" (voir impactant, jamais vu un journal avec des pages à moitié vides ...). Et je pense à la fois que la composante Argent est sous-utilisée, et à la fois que les tuiles Tribune ne sont pas assez intéressantes pour justifier de perdre quelques minutes en début de manche pour les sélectionner.
S'ajoute à cela le fait que pour la première fois, j'ai un problème avec l'art de Ian O'Toole. Je ne sais pas si ce sont les couleurs choisies ou les personnages anthropomorphiques, mais je trouve l'aspect visuel du titre un peu fade et pas du tout dans le ton du jeu frénétique que l'on pourrait attendre. Un habillage plus réaliste, avec une ambiance à l'américaine où Faits divers côtoie les infos People croustillantes, m'aurait semblé bien plus alléchant.
Et faut que je parle aussi de l'ergonomie du jeu. À trop vouloir faire pour que la Une de son journal "ait de la gueule" une fois terminée, je trouve que l'on perd de la lisibilité et l'accès rapide aux informations importantes. Un défaut selon moi amplifié par des icônes trop discrets, une symbolique trop proche et ce choix d'une palette "pastelle" qui peuvent même causer des erreurs de jugements fâcheux (le nombre de fois où mes joueurs ont confondus les tuiles bleues et vertes sous mon éclairage tamisé ...).
Pour autant, ce thème bon enfant a aussi la qualité de rendre le titre extrêmement universel. Impossible d'avoir peur de choquer ici avec des scènes de crime quand la majorité des titres et des photos évoquent des scènes de livres pour bambins. Et cette débauche de couleurs a, en plus, le mérite de générer une certaine gratification que l'on aurait beaucoup moins avec des tuiles plus abstraites. Tout ça pour vous avouer qu'en fait, les défauts cités précédemment sont insignifiants, car en partie le plaisir de jouer prend le dessus, et pas qu'un peu !
Forcément, difficile de ne pas penser à (l'excellentissime) Galaxy Trucker quand on réalise sa première journée. Mais à l'opposé d'un titre qui mise tout son suspense sur l'aléatoire, Redac'Chef vous donne toutes les clefs pour réussir votre entreprise, avec des règles épurées, un matériel génial, et un thème totalement en harmonie avec son gameplay.
Alors c'est sûr, typologie de jeu oblige (plus les petits défauts ergonomiques cités plus haut), vous risquez fort d'être totalement dépassés lors de votre première manche, et vous ne commencez à doucement vous acclimater à la rudesse de l'effort que lors d'une deuxième. Mais là où les auteurs ont été malins, c'est par le fait d'offrir plusieurs leviers de configuration permettant d'adapter au mieux le jeu à votre public.
Si on omet le chronomètre évoqué plus haut, vous pourrez en effet diminuer la difficulté en supprimant totalement la pression du temps, voir à l'inverse rajouter du challenge en incluant des cartes Personnage à pouvoirs et/ou les cartes Flash Info, qui viennent elles avec des restrictions, prérequis ou bonus spécifiques à chaque journée. En plus de cela, le livret propose deux modes solo différents, et il est possible d'activer un étonnant mode par équipe où les pigistes doivent ramener les articles aux monteurs ... depuis une autre pièce !
Malgré ces apports, ma seule inquiétude réelle avec Redac'Chef serait à chercher du côté du renouvellement. Avec des effets de tuiles classiques et qui reviennent souvent, il faudra à un joueur un peu malin peu de parties pour mettre en place des routines et trouver des priorisations logiques profitables.
Mais pas de quoi bouder son plaisir : Redac'Chef s'avère être un puzzle-game intelligent et vraiment fun, un jeu qui offre une courbe d'apprentissage motivante, tout en sachant plonger son auditoire ludique dans une ambiance aussi festive qu'empreinte de défis et de tension. En fait tout ce qu'une tablée avide d'un petit en-cas dynamique d'une petite heure recherche, n'est-ce pas ?