Save The Meeples
Malaxés, violentés, déplacés contre leur volonté, quand ils ne sont pas simplement emprisonnés dans des sachets des semaines durant, ... la condition des meeples, véritable tabou dans le milieu du jeu de société, n'est pas la plus enviable qui soi. Mais fort heureusement, grâce à Save The Meeples, l'une des grosses sorties 2019 de l'éditeur Blue Cocker, vous avez désormais l'opportunité de sauver ces pauvres êtres de bois de l'esclavagisme humain. Car eux aussi ont des sentiments. Et eux aussi veulent la liberté !
Waouuhhh la belle bleue !
Et impossible de ne pas commencer par parler de l'effet waouhh!!! que procure Save The Meeples à l'ouverture de la boîte.
Le matériel, en plus d'être pléthorique, est juste... ma-gni-fique (avec l'accent de Cristina Cordula). Un tas d'éléments 3d (fusées, wagonnets) plus réussis les uns que les autres; Des locomotives en plastique qui rappelle furieusement le Monopoly de notre enfance; Des mini meeples trop trop choux... le tout servi par un patte graphique globale au top, on en prend vraiment plein les mirettes !
Et ça, c'est sans parler des quatre kirigamis (décors à déplier) qui tabassent juste du poulpe en Géorgie (expression brestoise du sud). Sans mentir, cela faisait un baille que je n'avais pas eu la mâchoire qui se décroche devant un jeu. Et quand on connaît le prix final, on se demande vraiment comment ils ont fait financièrement pour mettre tout ça dans la boîte.
Mais aussi beau soit-il, il faut aussi que le matériel serve l'ergonomie d'un jeu. Et malheureusement, difficile d'être aussi affirmatif sur ce point.
Car passée l'excitation des premiers tours, on grince un peu des dents. Les trains, c'est sympa, mais on en vient rapidement à ne plus les déplacer (les meeples ayant la fâcheuse manie de sauter en marche). Les fusées, ça le fait visuellement, mais elles prennent souvent un malin plaisir à s'autodétruire quand on les touchent. On passe donc le plus clair de son temps à les remonter. Frustrant à la longue.
Et là, je ne parle que des petits défauts "in game". Car avant et après, c'est vraiment la corvée.
La mise en place est du genre très pénible, un peu à cause de la quantité astronomique de matériel, mais surtout à cause de ces fameux kirigamis, qui nécessitent un doctorat en physique appliqué (et un Bac+12 en doigté) pour les déplier et les faire tenir à la verticale. Un moment où j'ai beaucoup douté de mes capacités neurologiques et physiques.... À tel point d'en venir à une conclusion accablante : Aussi magnifiques soient-ils, leur place est dans la boîte.
Et le rangement, quel supplice, tellement la contenance de la boîte est calculée au pouillème près pour le matériel disponible. Je vais pas épiloguer sur le sujet, car je cauchemarde encore de ces $£%* de fusées...
Alors oui je vous entends déjà au fond de la salle : "C'est pas grand chose à l'échelle du jeu non ?". Et vous n'avez pas foncièrement tord. Mais forcément, quand les premières impressions n'aboutissent pas au plaisir de jeu qu'on en attend, on est déçu. Surtout que pendant la partie, on a un peu le même effet kiss kool.
Euh on s'ennuie non ?
Sur le papier, Save The Meeples propose pourtant de belles trouvailles. Rien que pour remporter la victoire, il y a deux possibilités : Avoir fait décoller le maximum de meeples ou avoir capturer un maximum d'humains. Et cet objectif final, il va être dicté par l'invasion (ou pas) des hommes, un événement sur lequel chaque joueur-se pourra influer pendant la partie.
L'idée est intéressante, car en plus d'obliger les joueurs à jouer le plus longtemps possible sur les deux tableaux (pas d'effet win-win), cela accentue la tension, le suspense et le besoin de surveiller ses voisins.
Le jeu, en lui-même, fourmille d'actions possibles, réparties sur quatre mini plateaux lieux différents : Recruter, récupérer des ressources, construire un bout de fusée, travailler, avancer l'heure du décollage.... mais pour rejoindre ces lieux, il faudra faire voyager vos meeples en train, avec une contrainte des plus "contraignantes" : Les premiers à embarquer seront les derniers à descendre et effectuer une des actions du plateau de destination. Alors, faut-il attendre au risque de ne plus avoir de place ? C'est la grande question que vous devriez souvent vous poser avec le jeu.
Après le souci, c'est est-ce que vous le ferez ? J'en suis pas sûr. Car une fois la partie lancée, on ne ressent malheureusement pas du tout cette sensation d'urgence. Et pire, je dirai même qu'on ne ressent finalement pas grand chose du tout.
Car sous ses apparats, Save The Meeples est un jeu de placement d'ouvriers archi trop classique qui plus est, est mal équilibré. Il n'y a jamais véritablement de "pression" du train, car il y a beaucoup trop d'actions disponibles sur la table pour patienter. On ne se sent jamais véritablement en retard, car les tickets d'humeur (qui permettent de compenser n'importe quelle action) sont souvent trop puissants. A tel point que cela en devient presque logiquement une stratégie à part entière...
Et le pire avec Save The Meeples, c'est finalement son objectif final incertain. Comme il est impossible vraiment de planifier une stratégie fiable sur le long terme (car on sait qu'à tout moment un ou plusieurs joueurs peuvent se liguer et faire basculer la partie dans l'autre sens), on joue un peu au hasard, en tentant de ne pas dominer. On joue sans véritable but, dans le but de profiter d'une opportunité dans la dernière ligne droite. On a connu mieux comme sensation.
Pour tout vous avouer, j'ai fais en tout deux parties. La première, à deux, on l'a arrêté au bout de quelques tours. Car chacun faisait sa vie de son côté, il n'y avait rien qui pouvait nous bloquer de faire telle ou telle action, et on ne comprenait vraiment pas l'intérêt de continuer. La seconde, à quatre, a été plus interactive et vivante. Mais la victoire s'est joué dans le dernier tour, sans qu'on puisse vraiment la prévoir ou aller à l'encontre. Et ça, ça nous a un peu laissé dubitatif.
Et c'est fort dommage. Car on sent que Florian Sirieix (l'auteur du jeu) a mis du cœur dans son projet. Le jeu est magnifique, le pitch est fun, et certaines idées donnaient vraiment envie à la lecture des règles. Mais Save The Meeples aurait mérité moins de paraître, plus de qualité mécanique pour être autre chose qu'un objet de collection. Il trouvera certainement son public, car il reste original sur la forme. Mais je n'en ferai pas partie.