
Vous le savez si vous suivez l'actualité ludique, That's Not A Hat a beaucoup fait parler de lui en début d'année suite à sa désignation surprise dans la tier-list du grand prix de l'As d'Or 2023.
Si je ne comprends toujours pas comment un jeu qui n'était pas encore sorti aux moments de la cérémonie puisse être candidat au titre de jeu qui a le plus marqué l'année précédente, cette mise en lumière m'a en tout cas grandement donné envie de me faire mon propre avis sur la bestiole, malgré un concept des plus déroutants.

Car That's Not A Hat, c'est à la base un jeu de mémoire qui se transforme en jeu de bluff ... quand vous n'en avez pas. Tout le concept du jeu repose sur des cartes illustrées que l'on va s'offrir face cachée en les nommant, dans l'espoir que le destinataire l'accepte si on ne sait plus ce que c'est, ou qu'il la refuse, car c'est lui qui a complètement perdu le fil des transactions précédentes.
Chaque participant commence la partie avec une carte face visible. Celui désigné pour ouvrir la manche doit prendre la première carte de la pioche générale, annoncer l'objet imprimé dessus, la retourner face visible puis l'offrir à son voisin ciblé par la flèche directionnelle marquée au dos. Il y a alors tout un rituel verbal à assurer, à piocher entre sincérité et emphase perfide, dans le but de convaincre son interlocuteur du bien fondé de sa démarche.

Le destinataire a ensuite deux choix : Soit accepter le cadeau, s'il est convaincu de bien recevoir le présent annoncé, soit refuser, s'il pense se faire tromper. S'il l'accepte, il n'a pas d'autre choix que de récupérer la carte sans la regarder, la laisser poser face cachée devant lui, et ensuite offrir son autre carte selon la même procédure. Car vous le savez tous, on n'offre jamais le cadeau que l'on vient de recevoir, on attend quelques jours pour le mettre sur les sites de vente d'occasion en ligne.
Si par contre il la refuse, la carte est retournée est celui qui est dans l'erreur écope d'un point de pénalité, symbolisé par la carte fautive placée à côté de lui. Le joueur qui s'est trompé devient alors le premier joueur de la manche suivante, et le jeu continue sa vie jusqu'à ce qu'un participant écope de sa troisième pénalité, offrant dès lors la victoire à celui qui a le moins de points négatifs de la table.

À n'en pas douter, That's Not A Hat a des qualités à revendre. Il tient dans la poche, il est simple à expliquer, il n'est pas cher et plutôt bien pensé ergonomiquement (même si le style visuel gamin de 4 ans peut dérouter au départ). Mais faut avouer qu'il est vraiment fait pour un public très particulier.
Car il faut déjà aimer les jeux de mémoire. On est ici sur une proposition de jeu d'ambiance qui demande à monopoliser un minimum de concentration et de neurones pour en profiter, avec pour conséquence de créer rapidement une scission d'implication de votre tablée et de ne pas l'enthousiasme communicatif escompté.

Il ne faut aussi pas s'y essayer avec des spécialistes de la mémorisation des nombres de PI après la virgule. On a ici un gameplay sans information cachée dont tout le fonctionnement technique et la sève burlesque reposent essentiellement sur les moments où les joueurs vont échouer dans leur travail de suivi, et qui pourra donc complètement tomber à plat si les tours s'enchainent indéfiniment sans aucune chance de voir un cerveau faillir.
Et à contrario, jouer à That's Not A Hat avec une tablée trop hétérogène est une très mauvaise idée, car il est fort probable qu'un joueur peu doué précipite la fin de partie, sans laisser à vos autres convives la possibilité de se départager. Voir même de s'exprimer une seule fois...

Ce qui fait que That's Not A Hat a selon moi une fenêtre de tir très restreinte. Le jeu est capable de générer de vrais beaux moments ludiques, c'est une certitude, et mes meilleurs parties ont d'ailleurs été vécues en jouant en famille, à 4, avec 2 marmots impliqués et bien décidés à ridiculiser leurs (pourtant) gentils géniteurs.
Malheureusement, j'ai aussi beaucoup subit l'effet "meeeehhh", avec des parties sans magie et ne donnant pas envie à mes joueurs de s'y réaventurer. Avec en cadeau bonus un bide monumental dans sa configuration à 8, qui a mi en exergue le fait qu'on y gagnait pas forcément à rajouter des cartes à mémoriser tout en raccourcissant le temps de jeu par joueur (certains peuvent attendre longtemps, très longtemps !).

