The Great Split
Je n'ai pas pour habitude de parler des jeux qui m'ont laissé franchement froid. Primo parce que je n'ai déjà pas le temps de parler de tous les jeux que j'apprécie (donc ça m'embête de manger du "temps" d'écriture pour ça). Deuxio parce que parler mal d'un jeu ne vous incite pas à être des millions à cliquer sur mes liens d'affiliation pour l'acheter (ce qui me frustre dans ma course au million d'euros sur mon compte bancaire). Et tertio, parce que c'est toujours difficile moralement de saquer le travail de personnes ayant travaillé des mois (voir des années) sur un projet, avec l'espoir d'atteindre célébrité, richesse et volupté. Ou juste un peu de reconnaissance et de retour sur investissement.
Si avec tous ces voyants rouges j'ai quand même décidé de me lancer dans l'analyse de The Great Split, c'est parce que c'est indiscutablement LE jeu qui m'a fait le plus gros effet chaud / froid de l'année.
Chaud, parce que le jeu a de belles qualités à faire valoir comme une couverture de boîte séduisante, un travail visuel "art déco" qui fait chic et des mécaniques de collection d'ensemble et de draft qui me parlent. Il a aussi pour lui un matériel hyper qualitatif, et que ce soit les plateaux double-couche super ergonomiques ou les enveloppes de bon goût, l'ensemble donne envie et fait belle figuration une fois déballé sur la table.
Mais ce qui attise mon intérêt depuis plusieurs mois, c'est clairement sa composante de "split". Pour vous la faire courte, on part dans le jeu avec un certain nombre de cartes en main que vous allez devoir, dans l'ordre, scinder en deux groupes, séparer par une carte à votre couleur, glisser dans une enveloppe et passer le tout à votre voisin de gauche. Comme tout le monde fait la même chose, chaque joueur (dont vous) se retrouve ensuite avec l'enveloppe de son voisin de droite qu'il doit ouvrir et dont il doit extraire l'un des deux segments. Une fois que chaque enveloppe et cartes restantes est rendue à son propriétaire, chaque joueur a en main deux paquets (un sélectionné et un rendu) dont il va pouvoir (enfin) déclencher les effets sur son plateau plein de pistes à faire évoluer !
Cette mécanique est géniale par plusieurs aspects. Déjà, car elle titille la corde régressive en jouant à la fois de l'impatience d'ouvrir un cadeau et de découvrir avec plaisir et crainte son contenu (si vous êtes restez un gosse vous comprendrez en jouant).
Puis, il faut avouer qu'avec une telle mécanique, l'interaction à table est forcément vive. D'ailleurs, l'aspect le plus fun de The Great Split est indéniablement d'analyser en un coup d'œil le plateau de son voisin et d'essayer de lui faire la proposition parfaite, à savoir celle qui le fera accepter un de vos groupes de cartes "pourries" (pour vous) tout en vous laissant celles que vous désirez ardemment conserver. Petit tip's, mettre plus de cartes de son "côté" est souvent un bon levier de persuasion ...
Et puis il y a cette simultanéité permanente vraiment appréciable, car elle permet autant de caser une partie en une demi-heure que de profiter d'une dynamique qui ne faiblit jamais, et ce quelque soit le nombre de joueurs à table. Une qualité d'autant plus forte que The Great Split peut s'essayer jusqu'à 7 joueurs, ce qui n'est vraiment pas courant !
Malheureusement, l'intérêt ludique s'arrête (pour moi) un peu là. Pourtant, le combo "je sépare / tu choisis" a un potentiel fou, et que l'on prend plaisir à découvrir lors des premiers tours de jeu. Mais il n'est clairement pas assez poussé ici pour prendre des avantages excitants ou générer des retournements marquants, surtout quand tout le monde fait monter au final plusieurs pistes en fin de manche et qu'il est difficile de savoir qui a vraiment une avance significative avant les décomptes intermédiaires.
Pour être honnête, cet effet de flou se ressent clairement moins à 3 ou 4 (configurations les plus intéressantes sur les plans stratégiques et contrôle), mais cela n'empêche pas selon moi une certaine répétitivité et un vrai manque d'attachement à ce que l'on fait de s'imposer rapidement. Certes, il est difficile d'imputer entièrement la faute à l'absence totale du thème (beaucoup de jeux n'en ont pas et fonctionnent très bien sans), mais on ne peut pas nier que la "froideur" générale et l'extrême simplicité visuelle accentuent l'impression d'être au boulot et de faire de la comptabilité sur des tableaux Excel.
Et le plus bizarre dans tout cela, c'est que cette simplicité ne se retrouve pas dans les règles, plutôt alambiquées, et une iconographie visuelle maladroite qui me laisse finalement perplexe sur l'accessibilité du jeu, et donc sur le potentiel public que pourrait finalement toucher ce The Great Split.
Certains apprécieront l'exercice, c'est certain. Mais après une partie, je n'ai vraiment pas ressenti grand chose à faire avancer mes curseurs de richesses et de contrats pour décupler mon prestige et être le mec le plus cool de la place vendôme (vous voyez, j'essaie pourtant). Et en plus de cela, le peu de profondeur des cartes personnages et de customisation du jeu (tirages de scoring intermédiaires) ne me donnent pas l'impression que je peux changer d'avis en y revenant.
Et à regarder la tête des 3/4 des autres joueurs à table, je suis quasi certain que leur rendez-vous avec la nana classieuse de la boite de jeu n'a pas été beaucoup plus convainquant ...
![the-great-split](https://data.depuncheur.fr/boardgame/600/the-great-split.jpg)