Time Of Empires est le dernier jeu de feu ! Pearl Games, sacrifié l'année dernière sur l'autel de la rentabilité par le géant Asmodee. Et s'il y a un truc que l'on peut dire sur toute cette histoire, c'est que l'éditeur belge a soigné sa sortie, en proposant un jeu de civilisation permettant de dérouler trois grandes périodes (couvrant de l'Antiquité à la révolution industrielle) ... en moins de 9 minutes de jeu par ère !
Le temps c'est de l'argent
La grosse boîte de Time Of Empires cache pour cela un double secret : La présence de sabliers que l'on posent ici comme ouvriers pour déclencher des actions, et une application dédiée, qui va servir à contrôler la durée de chaque acte et faciliter les différents scoring intermédiaires lors des interludes.
Les joueurs partent d'ailleurs en "guerre" avec deux sabliers d'environ 30 secondes qui vont régulièrement transités sur leur plateau individuel. Celui-ci se compose de 4 grandes zones contenant des bâtiments, qui une fois débloqués et placés sur la carte du monde générale rendra plus puissante l'action associée.
Produire plus d'idées, récupérer davantage de briques, améliorer son recrutement et déploiement de clans, augmenter son quota d'érudits à chaque ou recevoir des points de "culture" en fin d'ère ... un paquet de caractéristiques de votre civilisation dépendra de votre vitesse à vous étendre et prendre le contrôle du terrain de jeu commun.
Ces plateaux proposent aussi une dernière zone (tout à gauche) qui permet soit de placer l'une de vos cartes technologie en main sur l'emplacement dédié pour déclencher sa capacité, soit de déclencher le pouvoir de construction de la carte la plus haute de cette pile pour déployer le bâtiment symbolisé par l'icône attenant. Ces actions ont bien sûr un coût variable (respectivement en idées et briques), et vous ne pourrez bâtir un édifice que sur un territoire que vous contrôlez et qui dispose d'un emplacement libre.
Reste à évoquer les trois dernières actions du jeu, à savoir Prendre une carte technologique, Participer à la construction d'une merveille (objectif) et Ïnfluencer un leader (pouvoir permanent), qui se réalisent en plaçant l'un de vos sabliers sur le plateau commun correspondant. Ces deux derniers encarts fonctionnent via un système de majorité, qui récompensera d'un avantage (point bonus) ou du gain de la carte (leader) celui qui aura placé plus de jetons Érudit que les autres à la fin de l'ère actuelle.
L'interaction passe encore un cap avec la possibilité de contester un territoire en déplaçant des troupes sur une case occupée par un adversaire. L'affrontement se résout immédiatement, en supprimant autant de clans des deux côtés jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un joueur en lice. Les bâtiments adverses sont, eux, traités en fin d'ère lors de la phase de Destruction, qui sont alors placés sur le plateau de celui qui contrôle le territoire pour offrir 3 points de victoire par édifice.
Et il s'en passe des choses durant les "tiers-temps". Outre les éventuels bonus de construction (via des multiplicateurs placés à chaque début d'ère sur son plateau), il faudra aussi calculer les points de merveille de chacun, dispatcher les leaders puis vérifier son niveau de culture.
Reste à procéder au nettoyage des trois plateaux communs, en venant remplacer, via les paquets de la bonne ère, celles encore disponibles sur les plateaux technologies et leaders. Puis de rajouter une carte merveille de la nouvelle période à venir dans l'encart dédié !
Avec le temps va tout s'en va
Et fallait s'y attendre, Time Of Empires peut déplaire à pas mal de monde. Si on met de côté les puristes du jeu de civilisation qui ne conçoivent pas de passer un tour sans prendre au moins dix minutes pour penser murement leurs agissements, on est ici sur un gameplay qui, s'il est plutôt accessible, demande une grosse implication mentale.
On pourrait penser qu'en retournant un sablier et jouer son coup on a largement du temps pour penser la suite. Mais entre manipuler ses ressources, lire ses cartes, consulter les emplacements disponibles et surveiller ses adversaires du coin de l'œil, on peut rapidement se sentir dépassé.
Je ne peux d'ailleurs que vous conseiller de suivre les préconisations du livret de règles de faire une première ère sans les chronomètres, en laissant le temps à chaque joueur de choisir ses deux actions pour s'approprier le jeu (quitte à recommencer tout de suite après).
Et après une intronisation au forceps, le plus dur pourrait venir de jouer ... un peu seul. Car Time Of Empires est un titre qui demande tellement de concentration, qui impose une telle pression constante du temps, qu'il faut résolument accepter une perte de territoire sans avoir le temps de demander un replay de l'action, se résoudre à ne pas poser de questions qui pourraient entraver le développement de sa course en solitaire, tout en espérant que tous les joueurs joueront la carte de l'honnêteté jusqu'au bout.
Et malgré tout cela, malgré des choix de conception clivants, vous pourrez aussi trouver, comme nous, que Time Of Empires est incroyablement ... rafraîchissant !
La première raison, c'est forcément cette utilisation des sabliers, qui oblige à une remise en question totale de la façon d'aborder sa partie, doublé d'une nécessité d'un lâcher prise complet dans un gameplay dynamique et agréable demandant en tout temps réactivité et improvisation.
Mais il y a aussi ces cartes technologiques à double utilisation, ce système de développement d'érudits ne servant qu'à la course aux majorités, un développement territorial aussi nécessaire (pour son développement) que risqué (car il peut offrir des points à ses adversaires)... un amalgame de petites slash bonnes idées additionnelles qui, même si on ne peut pas en profiter autant que dans un jeu sans chronomètre, se rajoutent à l'impression de découvrir et évoluer dans un titre comme nul autre pareil.
Reste quand même que Time Of Empires a un gros défaut : Un vrai manque de renouvellement à la longue. Vous n'aurez aucun souci lors de vos deux / trois premières parties, car entre le besoin d'apprivoiser la "bête", vos tablées forcément différentes, les nombreuses erreurs que vous allez vouloir gommer, l'envie d'y revenir sera là.
Reste que vous vous rendrez rapidement compte qu'il existe un schéma de développement optimal assez clair, mettant de côté des combats qui, même s'ils sont valorisés par des points, portent trop préjudice aux deux parties impliqués pour vous obliger à vous investir ... que si vous avez besoin cruellement de territoires afin d'y poser des bâtiments !
Si je regrette peut-être l'absence d'emplacements spécifiques à certains bâtiments, une vraie zone de conflit offrant des récompenses marquantes, ou davantage de cartes leaders pour rendre davantage chaque partie résolument unique, je vous le dis tout haut : Il serait dommage selon moi de ne pas s'essayer à un gameplay aussi "couillu", un titre avec autant de cœur, surtout quand c'est le dernier baroud d'honneur de son éditeur créateur. En attendant une renaissance ?